Dissociations
L’ÉTÉ
L’été, saison heureuse ! Cela dépend un peu des points de vue. Je vois, par exemple, des couvreurs qui refont un toit sous mes yeux et qui passent tout le jour sur un échafaudage, au soleil. Est-ce vraiment pour eux la saison heureuse ? Mais quelle est la saison heureuse pour les ouvriers de plein air ? Peut-être qu’il n’y en a pas. Elle n’est pas spécialement heureuse non plus pour moi qui travaille à l’ombre. Certes, on peut laisser sa fenêtre ouverte, mais cela fait qu’il entre beaucoup de bruit dans la chambre. Belle saison pour les voyages, mais tout le monde ne voyage pas. Il n’y a même qu’un nombre très restreint d’êtres humains qui s’en vont à la mer ou à la montagne ou qui courent les routes. Le mois d’août n’ouvre guère les portes qu’à ceux qui ne sont pas sous le joug d’un labeur. Que de gens ne s’aperçoivent du plein été que par le redoublement de la chaleur ! Mais il est convenu que de ceux-là on ne s’occupe pas. Ils ont d’ailleurs d’autres plaisirs et il est probable que pour la plupart d’entre eux, une saison à Trouville serait d’un mortel ennui. Il y a donc tout de même quelques personnes qui jouissent de l’été ; il est vrai qu’elles jouissent également de l’hiver et généralement des quatre saisons. Mais c’est par métaphore seulement que l’on dit que le Paris d’été se vide, car il se remplit en même temps. Pour bien montrer que cet exode estival n’est qu’une mode, c’est le moment que choisissent pour y venir beaucoup d’étrangers et d’habitants de la province. Je crois donc que le besoin est surtout de changer d’habitudes une fois l’an. Aussi l’été est le grand moment où les amours finissent, où les amitiés se détendent, et voilà enfin comme je définirais le temps des vacances : la saison de l’oubli.