Dissociations
L’INDOCILE
C’est ce bandit Lacombe, qui se montra rebelle aux discours persuasifs de son avocat, aux obligations du directeur de la prison. On n’a rapporté que l’esprit de ces dialogues, non la lettre, mais qu’ils devaient être comiques ! Quel texte pour une lugubre farce à mettre au Grand-Guignol. Cela devait ressembler quelque peu au légendaire « Guillotiné par persuation » d’Eugène Chavette : « Restez donc avec nous, mon ami, nous vous ferons un gentil procès, après quoi on vous coupera le cou fort proprement. Tout le monde sera content, vous tout le premier. N’y a-t-il pas de la satisfaction à payer ses dettes. Vous devez votre tête à la société. Allons, un bon mouvement. — J’ai de la méfiance », répondait Lacombe. Mais tandis qu’Adhémar, le bandit de Chavette, se laisse persuader, celui de la Santé n’a rien voulu savoir et il accomplit sa volonté, qui était de mourir librement. Vraiment, il a eu le beau rôle, au milieu de tous ces geôliers effarés. Dernier scandale : quand il est tombé, écrasé et le crâne ouvert, les autres prisonniers ont applaudi et poussé des cris d’admiration. Voilà-t-il pas des prisons bien tenues ! Si le bandit avait prêté quelque peu à la sympathie, l’admiration aurait gagné la foule et peut-être la presse. Mais, en dehors de toute admiration (ce sentiment ne doit pas être prodigué), on ne peut s’empêcher de trouver quelque caractère à cet acte froidement exécuté. Ce Lacombe ne fut évidemment pas le vulgaire chourineur. Faisant peu de cas de la vie des autres, il ne tenait pas beaucoup à la sienne et il l’a bien prouvé. De tels êtres sont redoutables. On ne peut pas entièrement les mépriser. Ils sont capables de mettre je ne sais quel romantisme de mélodrame dans leurs conceptions les plus perverses. Le voilà devenu un héros, et assez justement, pour tout un monde équivoque. Triste résultat.