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LA « MARSEILLAISE »

Je suis bien près de l’approuver, ce maire qui a défendu l’exécution de la Marseillaise. Si cet hymne a encore quelque valeur d’entraînement, c’est à condition qu’on n’en abuse pas. Autrement il devient une rengaine et vraiment, on l’a tant prodigué, qu’il donne plutôt l’envie de se réfugier chez soi que de courir à sa suite. La Marseillaise sert à tout, à accompagner les festins officiels, à ouvrir les concours de veaux, à inaugurer les bustes des célébrités départementales et à un tas de choses aussi incomprises et pour laquelle elle n’a pas été faite. Elle y perd toute signification. Comme on entend mentalement les paroles à mesure que va la musique, on se demande ce que veut dire : « Le jour de gloire est arrivé », quand il s’agit de planter un flot de rubans sur l’échine d’un bœuf ? « Aux armes, citoyens ! » quand il s’agit d’attaquer le veau froid aux cornichons ? Cela prête à rire. Mais surtout l’abus de la Marseillaise a fait qu’elle dégage un profond ennui. Sans doute, il faut qu’un hymne national soit connu, mais pour cela il est inutile qu’il soit galvaudé. Pourquoi ne pas accompagner chaque cérémonie d’un air qui lui soit bien adopté ? On ne se douterait vraiment pas, à entendre toujours les mêmes sons, que la musique instrumentale se soit si prodigieusement enrichie depuis soixante ans. Il y a dans cet air à tout faire, je ne sais quel aveu blessant de pauvreté.

Que l’on garde donc la Marseillaise pour les cérémonies militaires. Aussi bien ne convient-elle qu’à des soldats. C’est une marche entraînante. Eux seuls peuvent sans ridicule répéter à satiété : « Qu’un sang impur abreuve nos sillons ! » La Marseillaise n’a peut-être été belle que lorsqu’elle était défendue. C’est probablement ces temps-là que veut faire revivre le maire de Troyes.

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