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Dissociations

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L’AUTOMNE

Je fus voir l’automne, hier, l’automne ambigu, dont on ne sait si c’est un dieu ou une déesse, encore que les premiers vents aient déchiré sa robe et qu’il ne reste autour de ses membres que des lambeaux de feuillage. Cette phrase emberlificotée veut dire que les uns écrivent la automne et les autres le automne. Quel embarras pour des mots qu’on a l’habitude de personnifier ! Pour moi je m’en rapporte au latin et à la symétrie : trois des saisons étant du genre masculin, il n’y a aucune raison pour conférer le genre féminin à la quatrième. Le latin hésitait entre le masculin et le neutre : tous deux se résolvent en français par le masculin. On parle du sexe des mots, je crois bien moi-même avoir disserté là-dessus, mais, toute réflexion faite, il ne faut voir là qu’une invention singulière des grammairiens. Il n’y a pas en latin de terminaison strictement réservée au masculin ou au féminin. Si tous les noms anciens en a sont féminins, bon nombre de noms en us le sont aussi et, par la suite, le grec fournit au latin beaucoup de noms en a qui furent qualifiés de neutres. Il y a bien l’hypothèse des deux langues, l’une réservée aux hommes, l’autre aux femmes, et qui se seraient mêlées à l’usage. Cela existe encore en plusieurs langues. Dans le basque, dans les langues indigènes de l’Amérique du Nord, une femme n’a pas le droit de se servir des noms réservés aux hommes. Il y a, pour chaque sexe, des verbes spéciaux pour exprimer le même acte. Pour l’automne il y a très longtemps que le mot, en France, est des deux genres. Saison ambiguë. Hier, c’était bien cela. Les arbres avaient encore leurs anciennes feuilles, à peine pâlissantes ou d’un jaune éclatant. Quelques-uns en avaient de nouvelles, d’un vert tendre. La saison était ambiguë, comme une femme.

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