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Histoire de Marie-Antoinette, Volume 1 (of 2)

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Disgrâce du duc de Choiseul.—Son exil triomphant.—Son caractère.—Chute des Parlements.—Mécontentement du public.—Le duc d'Aiguillon.—La comtesse du Barry.—Attitude fière de la Dauphine en face de la favorite.—Le Roi en est mécontent.—Remontrances de Marie-Thérèse.—Lettre de Kaunitz à Mercy.—Intervention directe de Louis XV.—Insistance de l'Impératrice.—Lettres vives échangées entre la mère et la fille.—Mme du Barry cherche à se rapprocher de la Dauphine.—Elle échoue.—L'histoire, dans ce conflit, donne pleinement raison à Marie-Antoinette.

Le 24 décembre 1770, M. le duc de Choiseul, premier ministre de France, sinon en titre, du moins en fait, recevait du Roi le billet suivant:

Le duc apprit sa disgrâce avec un imperturbable sang-froid: il partit sur-le-champ pour Paris, où il trouva la duchesse, qui venait de se mettre à table. En le voyant entrer: «Vous avez bien la mine d'un homme exilé, lui dit-elle; mais asseyez-vous: notre dîner n'en sera pas moins bon [302].» Ils dînèrent en effet fort tranquillement et, le lendemain, le duc de Choiseul partit, avec sa femme et sa sœur, la duchesse de Gramont, pour ses terres de Touraine. «Le peuple de Paris, raconte un contemporain, bordait les rues depuis son hôtel jusqu'à la barrière d'Enfer, le comblant d'acclamations honorables, ce qui fit à ce ministre, qui n'avait jamais été populaire, une impression si sensible qu'il dit, les larmes aux yeux: «Voilà ce que je n'ai pas mérité [303]

Son départ de Paris et de Versailles avait été une ovation; son séjour à Chanteloup fut un triomphe. La Cour et la Ville, comme on disait alors, s'y donnèrent rendez-vous; il n'y eut guère de grand seigneur, de femme à la mode, d'homme bien placé, qui ne tînt à honneur d'aller porter ses devoirs aux exilés, et le Roi qui, au fond, regrettait peut-être son ministre [304], ferma les yeux sur cette éclatante protestation qui se déguisait mal sous la forme d'un hommage au malheur.

Esprit léger, mais étendu et perspicace, politique inconsistant, mais à larges vues, spirituel, élégant, magnifique jusqu'à la prodigalité, confiant jusqu'à la présomption, hardi jusqu'à l'audace, fier jusqu'à la hauteur, ennemi généreux, ami dévoué [305], bien vu des femmes, redouté des diplomates, portant haut l'honneur de la France, le duc de Choiseul avait de grandes qualités et de grands défauts [306], et peut-être est-il vrai de dire qu'il plaisait plus encore par ses défauts que par ses qualités. On a écrit de lui qu'il élevait «l'indiscrétion jusqu'à la franchise, l'insolence jusqu'à la dignité, la légèreté jusqu'à l'indépendance [307].» Quelque regrettables qu'aient pu être certains actes de son administration, il n'en est pas moins sûr que, dans cette société amollie du règne de Louis XV, Choiseul était un caractère, et qu'il déploya, en diverses circonstances, de réels talents d'homme d'État. En plein dix-huitième siècle, à une époque où l'opinion dominante n'avait d'éloges que pour Frédéric II, sa prévoyance avait discerné le danger de cette puissance prussienne si jeune encore et déjà si envahissante, et trouvé, dans l'alliance avec l'Autriche le moyen de mettre obstacle à des empiétements dont l'avenir ne nous a que trop démontré les menaces.

Il avait sur les Cours étrangères, sur la Cour d'Espagne en particulier, un ascendant tel qu'il se disait lui-même plus sûr de sa prépondérance dans le cabinet de Madrid que dans celui de Versailles [308]. Mais sa hauteur même le laissait sans défense contre les intrigues qui s'ourdissaient contre lui. «Jamais, a dit un contemporain, on ne l'a vu s'abaisser à de viles intrigues de Cour, ménager ou caresser les valets [309].» Il dédaignait ses ennemis par orgueil, il les épargnait par générosité. Ce fut ce qui le perdit. Sa fierté avait refusé de fléchir le genou devant l'idole du jour, Mme du Barry. Il en était résulté d'abord «de petits dégoûts, des grimaces, des moqueries, des haussements d'épaules, enfin de petites vengeances de pensionnaire [310]

Choiseul en avait ri, et ses amis en avaient ri avec lui. Sa position semblait solide; le Roi l'estimait et l'aimait: «Vous faites bien mes affaires; je suis content de vous,» lui avait-il écrit [311]. Le mariage du Dauphin et l'arrivée de Marie-Antoinette en France venaient encore de consacrer l'influence du ministre. La favorite même n'avait pas contre lui d'inimitié personnelle. «Elle n'a nulle haine contre vous, ajoutait Louis XV; elle connaît votre esprit et ne vous veut point de mal [312].» Cette lettre du royal amant, évidemment dictée par la maîtresse, exprimait, à n'en pas douter, de la part de celle-ci, le désir d'un accommodement. Choiseul, toujours hautain, repoussa les avances; il se contenta de répondre qu'il accorderait à Mme du Barry les demandes qu'il trouverait justes [313].

Mais il ne sut pas interdire à ses entours, ni s'interdire à lui-même des plaisanteries publiques et piquantes sur le compte de la favorite: il osa même tenir au Roi des propos hardis sur elle [314].

Le Roi fut blessé; il prêta l'oreille aux ennemis de son ministre. On lui représenta Choiseul comme s'entendant avec les Parlements, alors en lutte contre le chancelier, et cherchant à s'imposer en impliquant la France dans une guerre entre l'Espagne et l'Angleterre. Le prince de Condé et Maupeou intervinrent, et Mme du Barry jeta dans la balance le poids prépondérant de sa toute puissance [315].

Louis XV céda et envoya au ministre, par le duc de la Vrillière, le billet que nous avons cité plus haut. Choiseul partit: une maîtresse l'avait élevé; une autre maîtresse le renversait.

A l'extérieur, sa chute ne modifiait rien. Quoiqu'il fût dans le cabinet de Versailles la personnification la plus éclatante de l'alliance autrichienne, le Roi n'était pas moins que lui partisan de cette alliance [316]. C'était, suivant le mot du comte de Broglie, son «ouvrage favori [317]» et il n'entendait pas l'abandonner. Mais, à l'intérieur, c'était le triomphe de la cabale opposée à Marie-Antoinette. Marie-Thérèse, qui ne redoutait rien pour l'alliance, était extrêmement inquiète pour sa fille [318]. N'essaierait-on pas d'éloigner d'elle ses fidèles conseillers, Mercy et Vermond? La jeune princesse, avec sa vivacité qui ne se prêtait guère à la réflexion, n'afficherait-elle pas trop ouvertement ses sympathies pour le ministre déchu? Ou, au contraire, livrée à elle-même et manquant de discrétion, ne se laisserait-elle pas gâter par cette «abominable clique [319]»? Ces craintes de l'Impératrice furent vaines; gardée par Mercy, la jeune Dauphine sut tenir, en cette délicate circonstance, une conduite irréprochable; mais les dangers n'en subsistaient pas moins.

La chute du Parlement n'avait pas tardé à suivre la chute de Choiseul. Dans la nuit du 20 au 21 janvier 1771, cent soixante-neuf présidents ou conseillers furent exilés; le 14 avril, un lit de justice, solennellement tenu à Versailles, supprima le Parlement et le remplaça par une nouvelle assemblée, composée en majeure partie de membres du Grand Conseil. La rumeur fut grande dans tout le royaume; à Paris comme à Versailles, on prenait ouvertement parti pour les proscrits; les princes du sang, sauf le comte de la Marche, refusèrent d'assister au lit de justice. Les femmes elles-mêmes s'en mêlaient et le public ne gardait nulle mesure dans ses propos. A la Cour, les intrigues et la fermentation n'étaient pas moindres: «Il est presque impossible, écrivait Mercy à Marie-Thérèse, que Votre Majesté se forme une idée bien exacte de l'horrible confusion qui règne ici en tout. Le trône y est avili par l'indécence et l'extension du crédit de la favorite et la méchanceté de ses partisans. La nation s'exhale en propos séditieux, en écrits incendiaires, où la personne du monarque n'est point épargnée. Versailles est devenu le séjour des perfidies, des haines et des vengeances; tout s'y opère par des intrigues et des vues personnelles, et il semble qu'on y ait renoncé à tout sentiment d'honnêteté [320]

Choiseul était renversé; il n'était pas remplacé. Les chefs du parti adverse étaient divisés sur le choix de son successeur [321]. La favorite voulait le duc d'Aiguillon, le prince de Condé s'y opposait [322]; le chancelier ne s'en souciait guère et le Roi hésitait. D'Aiguillon n'était connu que par de longs et violents démêlés avec le Parlement de Bretagne, d'où sa réputation de probité et de bravoure n'était pas sortie intacte. C'était une calomnie [323]; elle n'en courait pas moins et jetait sur le protégé de Mme du Barry un regrettable discrédit. Personnellement, Louis XV ne l'estimait pas et avait même plutôt pour lui une sorte d'éloignement [324]. «Comment pouvez-vous croire qu'il puisse vous remplacer, écrivait-il à Choiseul un an auparavant? Haï comme il l'est, quel bien pourrait-il faire [325]?» Cette fois encore, la volonté de la favorite l'emporta sur celle du monarque; le 5 juin 1771, le duc d'Aiguillon fut nommé [326].

La toute-puissance de Mme du Barry éclatait ainsi à tous les yeux, et cette alliance déclarée du premier ministre et de la maîtresse devenait pour Marie-Antoinette le premier écueil de sa marche sur ce terrain glissant de la Cour de Versailles.

Ce n'était pas cependant, au fond, une femme méchante [327] que cette comtesse du Barry. Elle n'était pas vindicative; mais elle était vaniteuse [328] et se montrait d'autant plus avide d'égards et d'honneurs qu'elle sentait qu'on lui en devait moins. Elle avait voulu être présentée, et elle l'avait été, par des femmes du meilleur monde. Elle avait voulu souper avec la Dauphine à son arrivée, et son royal amant avait eu la lâche complaisance de la faire souper avec la Dauphine, la veille même du mariage. Dès ses premiers pas sur la terre de France, Marie-Antoinette avait trouvé en face d'elle, ou plutôt à côté d'elle, cette «sotte et impertinente créature [329]». Elle l'avait trouvée à la Muette; elle la retrouvait à Marly [330], à Choisy [331], à Compiègne, à Versailles, partout. Sa virginale pudeur se révoltait à ce contact impur, et elle ne pouvait se résoudre, non seulement à témoigner quelque faveur à la comtesse, mais même à lui adresser la parole. Le Dauphin partageait sa répugnance et ne la dissimulait pas. Un instant, on avait cherché à l'attirer à de petits soupers à Saint Hubert [332] ou à l'Ermitage [333]; il n'avait pas tardé à s'en retirer, sur le conseil même de sa femme [334]. La favorite fut froissée de cette attitude du jeune ménage, et ses amis, n'espérant plus rien de la Dauphine, essayèrent de détruire son crédit par des insinuations malveillantes, des critiques mordantes et d'habiles mensonges [335]. Le Roi lui-même, excité par sa maîtresse, prit de l'humeur; mais comme il avait horreur des explications avec ses enfants, il fit appeler la comtesse de Noailles et, tout en rendant hommage au caractère et à la grâce de sa petite fille, il se plaignit que «Mme la Dauphine se permit de parler trop librement de ce qu'elle voyait ou croyait voir, ajoutant que ses remarques un peu hasardées pourraient produire de mauvais effets dans l'intérieur de la famille [336]».

Cette fois, Marie-Antoinette sut vaincre son habituelle timidité; elle alla parler à son grand-père, et Louis XV qui n'osait ni résister en face ni faire une représentation directe, ne sut pas soutenir son mécontentement. Il assura sa petite-fille qu'il la trouvait charmante, qu'il l'aimait de tout son cœur; il lui baisa la main, l'embrassa et approuva tout ce qu'elle lui avait dit. Pour cette fois, le danger était conjuré, la cabale déjouée, et il paraît certain que si la jeune princesse, triomphant de son embarras, avait pris le parti de porter chaque fois l'affaire devant le Roi lui-même, elle eût eu vite raison de ces tracasseries.

Mais c'était l'heure où Mesdames, pour mieux absorber leur nièce, s'efforçaient de l'éloigner de leur père, et cette attitude, qui indisposait le vieux monarque, laissait le champ libre à toutes les intrigues. Mme du Barry et le duc d'Aiguillon associaient leurs rancunes [337], et le Roi, pris entre son ministre et sa maîtresse, entre les petites plaintes respectueuses de l'une et les plaintes aigres de l'autre, prêtait l'oreille aux récriminations. C'étaient sans cesse insinuations nouvelles contre la Dauphine, nouveaux assauts pour ébranler sa situation. La comtesse de Provence venait d'arriver à la Cour: la «cabale» l'entourait de prévenances et cherchait à opposer son crédit naissant à celui de sa belle-sœur. Savoie contre Autriche, il y avait là un danger personnel pour Marie-Antoinette; il y avait aussi un péril politique. Marie-Thérèse s'en émut, et, à son instigation, le prince de Kaunitz écrivit au comte de Mercy une lettre que l'ambassadeur était autorisé ou, pour mieux dire, invité à mettre sous les yeux de la jeune princesse.

«Manquer d'égards à des gens que le Roi a mis en place ou dans sa société, c'est lui manquer à lui-même. Ce serait bien pire, si on se permettait sur leur compte des propos offensants. On ne doit voir dans ces sortes de personnes que la circonstance d'être gens que le souverain a jugés dignes de sa confiance et de ses bontés, et on ne doit point se permettre d'examiner si c'est à tort ou à raison; le choix seul du prince doit être respecté: moyennant cela et par respect pour lui, on doit des égards à ces sortes de gens. La prudence veut même que l'on en ait pour eux parce qu'ils peuvent nuire [338].» Et le vieux diplomate finissait en donnant le plan et en dictant presque les termes du discours que «Mme l'Archiduchesse» devait tenir au Roi.

Mais Kaunitz se heurtait à la fois aux suggestions de Mesdames et aux répugnances de la Dauphine; ses conseils n'étaient pas suivis et les intrigues continuaient.

Un jour, le 28 juillet 1771, à un souper chez la comtesse de Valentinois, le duc d'Aiguillon prend le comte de Mercy à part et l'avertit que le Roi désire lui parler le surlendemain chez sa maîtresse. «Vous savez, a dit le prince à son ministre, que je ne suis pas logé ici de façon à pouvoir le voir en bonne fortune; ainsi, engagez-le à venir me trouver chez Mme du Barry.» Quoique un peu surpris de cette ouverture, qui ne lui semble qu'un prétexte pour l'attirer chez la favorite, Mercy n'a garde de manquer, le 30, au rendez-vous. Il rencontre d'abord la comtesse qui, avec de grandes protestations d'amitié, lui confie un sujet de peine, dont elle est, dit-elle, profondément affligée: «On a eu recours aux calomnies les plus atroces pour la perdre dans l'esprit de Mme la Dauphine, jusqu'à lui prêter sur son compte des propos peu respectueux [339]. Loin d'avoir à se reprocher une faute aussi énorme, elle s'est toujours jointe à ceux qui font un juste éloge des charmes de Mme l'Archiduchesse et n'a jamais usé de son crédit près du Roi que pour l'engager à se prêter aux demandes raisonnables de Mme la Dauphine. Cependant, cette princesse n'a cessé de lui montrer une sorte de mépris.» Mercy, un peu ennuyé de ces déclarations, prétextait ignorance, traitait d'exagérées les récriminations de la comtesse, lorsque Louis XV lui-même arriva par un escalier dérobé: «Jusqu'à présent, dit-il, vous avez été l'ambassadeur de l'Impératrice; je vous prie d'être maintenant mon ambassadeur, au moins pour quelque temps.» Puis il revint en détail, mais non sans un certain embarras, sur ses plaintes contre la Dauphine. Il la trouvait charmante; mais jeune et vive comme elle l'était, ayant un mari qui n'était pas en état de la conduire, il était impossible qu'elle évitât les pièges qu'on lui tendait; elle se livrait à des préventions, à des haines qui lui étaient suggérées; elle traitait mal, même avec affectation, les personnes qu'il admettait dans son cercle particulier. Une pareille conduite occasionnait des scènes à la Cour, y échauffait l'esprit d'intrigue et de parti. «Voyez souvent Mme la Dauphine, continua le Roi; je vous autorise à lui dire tout ce que vous voudrez de ma part; on lui donne de mauvais conseils; il ne faut pas qu'elle les suive.» Et comme Mercy objectait que de pareilles observations dans la bouche du Roi auraient bien plus d'autorité vis-à-vis de sa petite-fille, qui montrerait certainement le plus tendre empressement à lui obéir, le prince allégua sa répugnance à avoir une explication avec ses enfants et pria l'ambassadeur de se charger de ce soin. «Vous voyez ma confiance, ajouta-t-il en terminant, puisque je vous dis ce que je pense sur l'intérieur de ma famille.»

Étrange et instructif tableau que celui-là! Que penser de ce vieux monarque absolu, qui avait le triste courage de se faire vis-à vis de ses enfants l'exécuteur des caprices et des rancunes de sa maîtresse, qui n'osait pourtant pas le leur déclarer en face et qui s'en remettait, pour signifier ses volontés à sa famille, à la complaisance d'un ministre étranger?

Quoi qu'il en soit, Mercy était trop dévoué à la Dauphine, il voyait trop bien l'intrigue qui se nouait contre elle, pour ne pas l'avertir immédiatement. Il alla la trouver dès le 31, lui raconta la scène de la veille et insista sur la nécessité de prendre promptement un parti. «Si Mme l'Archiduchesse voulait annoncer par sa conduite publique qu'elle connaissait le rôle que jouait à la Cour la comtesse du Barry, sa dignité exigeait qu'elle demandât au Roi d'interdire à cette femme de paraître désormais au cercle. Si, au contraire, elle voulait sembler ignorer le vrai état de la favorite, et c'est ce que recommandait Kaunitz, il fallait la traiter sans affectation, comme toute femme présentée, et lorsque l'occasion s'offrirait, lui adresser, ne fût-ce qu'une fois, la parole, ce qui ferait cesser tout prétexte spécieux de récriminations. Il n'était pas moins urgent de parler au Roi et de se plaindre avec douceur de ce qu'au lieu de dire lui-même ses intentions à sa petite-fille, il les lui faisait parvenir par la voie d'un tiers. Une telle démarche mettrait certainement le prince dans l'embarras et, pour en éviter de pareilles à l'avenir, il serait moins facile à se prêter aux impulsions du parti dominant. Il convenait d'ailleurs de consulter là-dessus le Dauphin; mais il ne fallait à aucun prix suivre les avis de Mesdames.»

Grand émoi, dans le petit cercle de la Dauphine, à cette nouvelle: le Dauphin approuvait les conseils de Mercy, mais Mesdames se récrièrent, et Marie-Antoinette qui, en dépit des avertissements de l'ambassadeur, obéissait alors aveuglément à ses tantes, et qui d'ailleurs avait une extrême répugnance aux démarches qu'on demandait d'elle, Marie-Antoinette fit ce que font, en pareille occurrence, les personnes embarrassées: elle n'adopta que la moitié du plan qui lui était proposé: elle consentit à dire un mot à Mme du Barry, mais se refusa obstinément à parler au Roi: «Mes tantes, dit-elle, ne le veulent pas.»

La favorite devait venir, le 11 août, au cercle de la Cour; il avait été décidé qu'à la fin du jeu l'ambassadeur engagerait la conversation avec elle; la Dauphine s'approcherait et, par occasion, adresserait la parole à la comtesse. Au jour dit, les choses semblèrent devoir se passer comme il avait été convenu. La jeune princesse avait un peu peur, mais elle était déterminée. Tout alla bien au début. Mercy, après le jeu, s'aboucha avec Mme du Barry, et la Dauphine commença à faire le tour du cercle. Déjà, elle approchait de la favorite, lorsque Mme Adélaïde, qui ne la perdait pas de vue, éleva la voix et dit: «Il est temps de s'en aller; partons: nous irons attendre le Roi chez ma sœur Victoire.» A ce mot, la Dauphine perdit courage; elle s'éloigna toute troublée, et l'arrangement fut manqué. La favorite fut froissée, Louis XV fut mécontent; impatient de savoir quel accueil avait été fait à sa maîtresse, il était venu le lui demander, au sortir du Conseil d'État: «Hé bien, Monsieur de Mercy, dit-il à l'ambassadeur, vos avis ne fructifient guère, il faudra que je vienne à votre secours [340]

L'ambassadeur fut effrayé de cette mauvaise humeur visible du Roi; il craignit que le ressentiment ne l'entraînât à quelque démarche fâcheuse contre ses enfants et, pour prévenir un éclat, il fit un appel pressant à l'autorité suprême de Marie-Thérèse. L'Impératrice, qui jusque-là n'avait jamais abordé ce sujet délicat dans sa correspondance avec sa fille [341], se répandit en reproches sévères: «Avouez cet embarras, cette crainte de dire seulement le bonjour; un mot sur un habit, sur une bagatelle, vous coûte tant de grimaces, pures grimaces, ou c'est pire. Vous vous êtes donc laissé entraîner dans un tel esclavage que la raison, votre devoir même n'ont plus de force de vous persuader. Je ne puis plus me taire; après la conversation de Mercy et tout ce qu'il vous a dit que le Roi souhaitait, que votre devoir exigeait, vous avez osé lui manquer! Quelle bonne raison pouvez-vous alléguer? Aucune. Vous ne devez connaître ni voir la Barry d'un autre œil que d'être une dame admise à la Cour et à la société du Roi. Vous êtes la première sujette de lui: vous lui devez obéissance et soumission; vous devez l'exemple à la Cour, aux courtisans que les volontés de votre maître s'exécutent. Si on exigeait de vous des bassesses, des familiarités, ni moi, ni personne ne pourrait vous les conseiller, mais une parole indifférente, de certains regards, non pour la dame, mais pour votre grand-père, votre maître, votre bienfaiteur! Et vous lui manquez si sensiblement, dans la première occasion où vous pouvez l'obliger et lui marquer un attachement, qui ne reviendra plus de sitôt!... Vous avez peur de parler au Roi et vous n'avez pas peur de lui désobéir et de le désobliger. Je pense pour un peu de temps vous permettre d'éviter les explications verbales avec lui, mais j'exige que vous le convainquiez par toutes vos actions de votre respect et de votre tendresse, en imaginant en toute occasion ce qui peut lui plaire; qu'il ne lui reste sur cela rien à désirer, aucun exemple ou discours contraire. Dussiez-vous même vous brouiller avec tous autres, je ne puis vous le passer; vous n'avez qu'un seul but, c'est de plaire et de faire la volonté du Roi; en agissant ainsi, je vous tiens quitte pendant quelque temps des explications verbales avec le Roi [342]

Il est difficile de ne pas remarquer que ces grandes considérations sur le respect dû à la majesté royale étaient assez étranges dans une occasion où la majesté royale se respectait si peu elle-même. Sous quelques périphrases que se voilât la pensée, tout aboutissait en somme,—et Marie-Thérèse sacrifiait à cet objet pressant la nécessité d'avoir avec le Roi des explications verbales,—tout cela aboutissait à parler à une femme dont la présence à la Cour était un scandale public; car séparer la maîtresse de la dame présentée, c'était singulièrement subtil et peu pratique. Encore si un mot avait suffi: mais non! «Si vous étiez à portée de voir, comme moi, tout ce qui se passe ici, répondait Marie-Antoinette, vous croiriez que cette femme et sa clique ne seraient pas contents d'une parole et ce serait toujours à recommencer..... Je ne dis pas que je lui parlerai jamais, mais je ne puis convenir de lui parler à jour et heure marqués, pour qu'elle le dise d'avance et en fasse triomphe [343]

Marie-Antoinette avait raison. Mme du Barry avait toutes les audaces et tous les appétits de la classe d'où elle était sortie: des exemples nouveaux l'affirmaient sans cesse. Aux soupers du petit Château, auxquels elle présidait, elle avait poussé l'insolence jusqu'à projeter de s'asseoir à côté du Dauphin; elle avait voulu multiplier ses visites chez la Dauphine [344]; elle faisait bâtir un pavillon qui empiétait sur un jardin réservé jusque-là à la famille royale [345]; elle s'arrogeait le droit de disposer de toutes les places dans la formation de la maison des princes [346]. Au mariage du comte d'Artois, elle renouvelait le scandale donné au mariage de la Dauphine: elle dînait en public avec la famille royale, et portait sur elle, à ce dîner, cinq millions de pierreries [347]! On allait plus loin encore: le duc d'Aiguillon, de concert avec Mme Louise, qu'on est étonné de trouver mêlée à cette intrigue, travaillait pour obtenir du Pape la rupture du mariage de Mme du Barry, afin de la mettre à même d'épouser le Roi: c'eût été l'étrange Maintenon de cet étrange Louis XIV [348]. «Si l'Impératrice voyait ce qui se passe ici, disait Marie-Antoinette, elle me pardonnerait, il n'y a pas de patience qui puisse y tenir [349]

Mais ces empiétements même, cet ascendant tout-puissant de la favorite constituaient un péril permanent. Mme du Barry avait trop peu d'esprit et de conduite pour être dangereuse par elle-même. Elle l'était par ses entours, dont elle répétait les propos,—c'est Mercy qui le dit,—avec la docilité et l'intelligence d'un perroquet [350]. D'ailleurs, sa vanité la portait à se prévaloir de ses avantages momentanés et de son empire incontesté sur le faible monarque. Attester par des marques publiques son ressentiment, n'était-ce pas affirmer son pouvoir aux yeux de tous? Mercy craignait tout de gens «atroces» qui, n'espérant rien de l'avenir, croiraient n'avoir rien à ménager dans le présent [351]. Il avait peur surtout du duc d'Aiguillon qui, disait-il, «s'annonce de plus en plus sous des traits d'une noirceur qui fait trembler [352]». Il ne cessait d'insister près de la Dauphine pour qu'elle adoptât vis-à-vis du parti dominant une conduite plus politique; il y réussissait peu: il y avait au fond du cœur de la jeune princesse de virginales révoltes contre tout ce qui eût paru une marque de condescendance pour la «créature». Un jour pourtant, le 1er janvier 1772, en passant devant la favorite, elle laissa échapper un mot qui pouvait sembler lui être adressé. Mercy triompha; mais son triomphe fut de peu de durée: «J'ai parlé une fois, lui dit le lendemain Marie-Antoinette; mais je suis bien décidée à en rester là, et cette femme n'entendra plus le son de ma voix [353]

Pour elle, parler une fois à cette femme, qu'elle méprisait souverainement, c'était déjà un sacrifice immense, et il lui semblait que sa mère et l'ambassadeur devaient s'en déclarer satisfaits.

«Je ne doute point, écrivit-elle à Marie-Thérèse, que Mercy ne vous ait mandé ma conduite du jour de l'an, et j'espère que vous en aurez été contente. Vous pouvez bien croire que je sacrifie toujours tous mes préjugés et répugnances, tant qu'on ne me propose rien d'affiché et contre l'honneur [354]

Au coup, l'Impératrice bondit.

«Vous m'avez fait rire, riposta-t-elle, de vous imaginer que moi ou mon ministre pourrions jamais vous donner des conseils contre l'honneur; pas même contre la moindre décence. Voyez par ces traits combien les préjugés, les mauvais conseils ont pris sur votre esprit. Votre agitation après ce peu de paroles, le propos de n'en plus y venir font trembler pour vous. Quel intérêt aurais-je que votre bien et celui même de votre état, le bonheur du Dauphin et le vôtre, la situation critique où vous et tout le royaume se trouvent, les intrigues, les factions? Qui peut vous conseiller mieux, mériter votre confiance que mon ministre, qui connaît à fond tout l'État et les instruments qui y travaillent?...»

«Le Roi est âgé; les indigestions dont il souffre ne sont pas indifférentes; il peut arriver des changements en bien et en mal avec la du Barry, avec les ministres. Je vous le répète, ma chère fille, si vous m'aimez, de suivre mon conseil; c'est de suivre sans hésiter et avec confiance, tout ce que Mercy vous dira ou exigera; s'il souhaite que vous répétiez vos attentions vis-à-vis de la dame ou d'autres, de le faire [355]

Si l'on veut l'explication de cette extrême vivacité de langage, il faut la demander aux circonstances. Cette lettre est du 13 février 1772; c'était le moment où se négociait, entre la Prusse, la Russie et l'Autriche, la grande iniquité du premier partage de la Pologne. Marie-Thérèse, dont cet odieux marché révoltait la conscience [356] et qui en conserva toute sa vie le remords, avait cherché un moment à l'entraver de la seule manière possible: par un resserrement de l'alliance austro-française, un peu ébranlée par la chute de Choiseul; mais d'Aiguillon avait refusé d'entendre les ouvertures demi-mystérieuses de Mercy et il n'y avait pas même, à cet instant si grave, d'ambassadeur de France à Vienne [357]. Repoussée dans ses avances, isolée du côté de Versailles, l'Impératrice, «pour ne pas, dit-elle, rester seule exposée à une guerre contre les Russes et les Prussiens,» avait fini par prendre son parti de la combinaison proposée, «qui mettait une tache à tout son règne [358]», et son fils, Joseph II, qui n'avait pas les mêmes scrupules, s'accommodait fort bien d'un arrangement qui ajoutait à ses États deux provinces de plus.

L'affaire une fois en train, il importait que rien ne vînt se mettre à la traverse; pouvait-on être tranquille du côté de la France? Choiseul n'était plus là, sans doute, Choiseul qui, en pareille occurrence, aurait menacé de se jeter sur les Pays-Bas et n'eut jamais consenti au partage [359]. Le nouvel ambassadeur à Vienne, dont quelques historiens mal informés ont voulu faire un diplomate habile, le prince de Rohan, «n'incommodait» guère Kaunitz et se contentait d'amuser l'Empereur par ses «turlupinades [360]». D'Aiguillon, sans génie, sans crédit, sans talent, et qui n'avait pas su comprendre à demi-mot les ouvertures de Mercy, semblait peu en mesure de susciter des embarras sérieux. Qu'arriverait-il, cependant, si piqué du triste rôle qu'il avait joué en tout cela pour ses débuts au ministère, froissé de l'accueil hautain de la Dauphine, il unissait ses efforts à ceux de la favorite, également froissée, pour contrecarrer, par vengeance, les projets de la Cour de Vienne? Il fallait de toute façon éviter un pareil danger, et le meilleur moyen, c'était que Marie-Antoinette consentît à traiter avec plus de ménagement le ministre et la favorite.

«Nous savons pour certain, écrivait Marie-Thérèse à Mercy, que l'Angleterre et le roi de Prusse veulent gagner la Barry. La France pateline avec la Prusse. Le Roi est faible; ses alentours ne lui laissent pas le temps de réfléchir et de suivre son propre sentiment. Vous voyez par ce tableau combien il importe à la conservation de l'alliance qu'on emploie tout pour ne pas se détacher dans ce moment de crise. Pour empêcher ces maux, il n'y a que ma fille: il faut qu'elle cultive, par ses assiduités et tendresses, les bonnes grâces du Roi et qu'elle traite bien la favorite. Je n'exige pas des bassesses, encore moins des intimités, mais des attentions pour son grand-père et maître, en considération du bien qui peut en rejaillir à nous et aux deux Cours; peut-être l'alliance en dépend [361]

En recevant de si pressantes instructions, Mercy redoubla d'attentions pour «le parti dominant». A son instigation, Marie-Antoinette, qui ne connaissait rien des complications de la diplomatie européenne, mais qui, naturellement, redoutait avant tout une rupture de l'alliance austro-française, consentit à adresser un mot insignifiant à la comtesse; mais cette concession une fois faite, elle reprit son attitude dédaigneuse.

Mercy avait beau insister sur les inconvénients qui pourraient en résulter pour les affaires; il avait beau observer qu'il n'était ni juste ni décent que la famille royale semblât, par son maintien, vouloir faire la critique de la conduite du Roi; «que si le monarque était dans la voie de l'erreur, ce n'était pas à ses enfants à le faire remarquer; que les Saintes Écritures nous rappelaient à cet égard un trait bien frappant dans la malédiction du Seigneur sur celui des fils de Noé qui avait ri de l'ivresse de son père, tandis que Dieu avait béni les enfants de ce patriarche qui l'avaient couvert de leur manteau [362]

La Dauphine, un instant touchée, non pas par les raisonnements théologiques de l'ambassadeur, mais par le désir de satisfaire sa mère, même en sacrifiant ses plus légitimes répugnances, ne tardait pas à revenir à ses résistances premières, encouragée d'ailleurs par son mari, qui avait Mme du Barry «en horreur [363]».

Vainement le duc d'Aiguillon ourdissait-il de nouvelles trames avec Mme de Narbonne, pour déterminer Marie-Antoinette à mieux traiter la favorite; vainement Mme Adélaïde, rapprochée de la comtesse par politique [364], s'efforçait-elle de rapprocher d'elle sa nièce. L'influence de la vieille tante avait cessé, et le Dauphin répondait sèchement à ses insinuations: «Ma tante, je vous conseille de ne point vous mêler dans les intrigues de M. d'Aiguillon, car c'est un mauvais sujet [365].» Lorsque Mme du Barry présenta à la Dauphine sa nièce nouvellement mariée, elle ne put obtenir une parole ni pour elle ni pour la présentée [366]. Trois mois plus tard, elle ne recevait pas meilleur accueil pour sa belle-sœur, la comtesse d'Argicourt [367]. Marie-Thérèse grondait; mais Marie-Antoinette se contentait de répondre que, si elle avait agi autrement, le Dauphin l'aurait trouvé mauvais. Et elle ajoutait ces mots, qui ne laissaient guère d'espoir de changement à sa mère: «Lorsqu'on a adopté un système de conduite, il ne faut pas en changer [368]

La favorite, d'ailleurs, ne se plaignait plus [369]. Mercy lui avait fait un jour, «sur le présent et sur l'avenir [370],» sur l'utilité de ménager la famille royale [371], des réflexions qui finissaient par produire leur effet. L'avenir s'assombrissait pour Mme du Barry. Une fois déjà on avait parlé de son renvoi [372]. Le Roi vieillissait, divers symptômes l'avaient averti que les infirmités étaient venues avec les années; il pouvait se souvenir des sentiments de foi de sa jeunesse. Déjà la mort subite de quelques-uns de ses familiers, frappés presque sous ses yeux, avait produit sur cet esprit léger une impression très vive. Il commençait à tenir des propos sur son âge, sur l'état de sa santé, sur le compte effrayant que tout homme doit rendre à Dieu de l'emploi de sa vie. Une intrigue, habilement conduite et dans laquelle on avait eu le talent de mêler Mme Louise, pour éloigner le confesseur du Roi, l'abbé Maudoux, prêtre pieux et éclairé, qui était en même temps le confesseur de Marie-Antoinette [373], avait échoué devant la fermeté de la jeune princesse [374]. Toutes ces considérations déterminèrent-elles Mme du Barry à changer de conduite vis-à-vis de celle qui n'était que Dauphine aujourd'hui, qui pouvait être Reine demain? Toujours est-il qu'à partir des derniers mois de 1773, on voit la favorite et ses amis déployer des efforts inouïs pour se rapprocher de Marie-Antoinette [375]. Mme du Barry lui fait sans cesse des avances; elle offre d'obtenir du Roi le rappel de la comtesse de Grammont, si la Dauphine exprime qu'elle lui en saura gré [376]. Elle va même jusqu'à lui proposer de faire acheter pour elle, par le vieux monarque, de magnifiques pendants d'oreilles en brillants, estimés sept cent mille livres. Quel que fût son goût pour les pierreries, la Dauphine répondit simplement qu'elle ne souhaitait pas en augmenter le nombre [377]. Battue comme ennemie, repoussée comme alliée, Mme du Barry adopta le seul parti qui lui convînt, celui dont elle n'aurait jamais dû s'écarter: elle se tint tranquille et ne récrimina plus [378].

Ainsi se terminait, par une solution juste et qu'il eût été d'ailleurs aisé de prévoir, ce long et scandaleux débat, où, au mépris de tout ordre naturel et divin, une maîtresse, tirée de la boue, avait tenu en échec, pendant quatre ans, une princesse de sang impérial, femme de l'héritier de la couronne de France; débat qui avait donné lieu à tant de tracasseries de tout genre à la Cour, à tant de légitimes répugnances de la part de Marie-Antoinette, à tant de savantes manœuvres de Mercy, à tant de gronderies sévères et injustes de Marie-Thérèse. Assurément, pour qui raisonne froidement, avec cette indifférence quelque peu hautaine, au point de vue moral, ce souci presque exclusif des intérêts matériels, qui sont une des traditions de la diplomatie moderne, il est facile de s'expliquer les inquiétudes de l'Impératrice, ses recommandations incessantes, ses exigences même; mais il est plus facile encore de comprendre, nous dirons volontiers de partager, les virginales révoltes de Marie-Antoinette. Peut-être les intentions de l'Impératrice sont-elles plus prudentes; mais celles de la Dauphine sont incontestablement plus généreuses. On aime à sentir vibrer, dans le cœur de cette jeune femme, cette fibre délicate de la pudeur blessée, et l'on contemple avec émotion cette «chasteté de l'honneur», comme dit Burke [379], qui craint de souiller la blancheur de ses ailes par un contact indigne. Marie-Antoinette sort de ce conflit plus grande et plus pure. Si la politique la condamne, l'honnêteté publique l'absout.


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