Histoire de Marie-Antoinette, Volume 2 (of 2)
Le 20 juin.
Depuis longtemps déjà tout se préparait pour un soulèvement; la date avait été choisie: c'était le 20 juin, le double anniversaire du serment du Jeu de Paume et de la fuite de Varennes. Des conciliabules se tenaient au faubourg Saint-Antoine, chez le brasseur Santerre, où, sous l'impulsion de Danton, et avec la connivence du maire de Paris, Pétion, se réunissaient les meneurs habituels de la populace parisienne: Fournier l'Américain, le marquis de Saint-Huruge, le boucher Legendre, le Polonais Lazouski, Alexandre, le chef de bataillon du faubourg Saint-Marcel. Le refus de sanction des décrets, s'ajoutant au renvoi des ministres girondins, vint fournir le prétexte.
Dès le 19 au soir, Paris s'agitait; le charme d'une belle soirée attirait les habitants au dehors; dans les rues, sur les places, des groupes se formaient, s'entretenant de la manifestation projetée pour le lendemain. «Aux Tuileries, dit un témoin, il y avait plus de personnes que de grains de sable [1065].» Des journaux, comme les Révolutions de Paris, prêchaient ouvertement le renversement de la Constitution et la révolte contre «l'individu royal [1066]».
Prévenu de ce qui se passait par le nouveau ministre de l'intérieur, Terrier de Montciel, le Directoire du département, composé de Constitutionnels convaincus et résolus, manda près de lui le maire et les administrateurs de police et les força de donner au commandant général de la garde nationale, Ramainvilliers, l'ordre écrit de «tenir les postes au complet, de doubler ceux de l'Assemblée et des Tuileries, d'avoir des réserves d'infanterie et de cavalerie, et, au besoin, de requérir les troupes de ligne». En même temps, il les avertissait eux-mêmes d'avoir à prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour empêcher les rassemblements contraires à la loi.
Malgré ces injonctions si nettes et les dispositions formelles de la loi, rien ne fut fait pour empêcher l'insurrection. La municipalité, au contraire, «informée, dit-elle, qu'un grand nombre de citoyens se proposent de se présenter à l'Assemblée et chez le Roi pour remettre une adresse,» prit un arrêté pour ordonner au commandant général de «rassembler sous les drapeaux les citoyens de tous uniformes et de toutes armes, lesquels marcheront ainsi sous le commandement des officiers du bataillon». C'était légitimer la violation de la loi et rendre la répression impossible en désarmant l'autorité et en donnant en quelque sorte à l'émeute la consécration de la légalité.
Tiraillé entre ces prescriptions contraires, Ramainvilliers hésita, se troubla, et finalement s'abstint. Pendant toute la journée du 20, on le chercha partout, sans le trouver.
Dès cinq heures du matin, le rappel avait battu; à huit heures, les «faubourgs» se mettaient en marche; vers midi, ils arrivaient à la rue Saint-Honoré. Partis des deux rives de la Seine, ils n'avaient pas tardé à se réunir pour former un groupe compacte, qui se grossissait en marchant de tous les oisifs et de tous les badauds. Les quinze cents hommes de Santerre étaient ainsi devenus vingt mille. Des sapeurs étaient en tête; puis venaient les canons et une voiture portant l'arbre de la liberté qu'on devait planter sur la terrasse des Feuillants.
A la porte de l'Assemblée, la colonne s'arrête, et Santerre fait parvenir une lettre au président.
L'Assemblée délibérait précisément sur l'accueil qu'elle devait faire aux pétitionnaires. Le président, Français, de Nantes, donne lecture de la lettre qui réclame pour eux l'admission à la barre. Les tribunes applaudissent. «Qu'on les fasse entrer,» crie la gauche.—«Non, non,» riposte la droite. Les interpellations se croisent d'un côté à l'autre de la salle. Quelques individus parviennent à s'introduire; on les fait sortir.
Le Manège, qui, depuis le retour du Roi à Paris, servait de lieu de réunion à l'Assemblée, était un grand bâtiment de cent cinquante pieds de long environ, parallèle à la terrasse des Feuillants [1067]. Entre la salle et cette terrasse régnait une longue cour étroite, séparée du jardin des Tuileries par un mur élevé; une petite porte, pratiquée dans le mur, donnait accès dans le jardin. La foule, ne voulant pas s'entasser dans cette cour, où elle eût pu être facilement cernée, s'était massée à l'autre extrémité des bâtiments. La tête de la colonne se pressait au pied de l'escalier qui conduisait à la salle des séances, et, poussée par les flots nouveaux qui survenaient sans cesse, ne pouvant ni avancer ni reculer, elle s'était échappée de côté et répandue dans un jardin voisin, dépendant d'un ancien couvent de Capucins. Ne sachant que faire pendant que l'Assemblée délibérait, les sapeurs plantèrent dans ce jardin l'arbre de la liberté qu'ils traînaient sur un char.
D'autres bandes, cependant, cherchant une issue et trouvant partout la place prise, avaient envahi la cour du Manège. Pressées, elles aussi, par les nouvelles couches qui arrivent de minute en minute, étouffant dans cet étroit espace, elles se précipitent vers la porte qui donne dans le jardin des Tuileries. La porte est gardée par un détachement de grenadiers, et des canons sont braqués pour en interdire le passage. Vainement trois officiers municipaux, Boucher René, Bouclier Saint-Sauveur et Mouchet, qui sont allés au devant du rassemblement et se trouvent ainsi en tête de la colonne, réclament l'ouverture de la porte; le commandant du poste les renvoie au commandant général. Les officiers municipaux se rendent au Château et, ne rencontrant pas Ramainvilliers, ils s'adressent au Roi. L'un d'eux, petit homme noir et bancroche, qui joua dans cette journée le triste rôle de mouche du coche révolutionnaire, Mouchet, interpelle Louis XVI et demande qu'on laisse l'entrée du jardin libre pour des citoyens qui, marchant légalement, ne peuvent qu'être blessés de se sentir soupçonnés: «Nous-mêmes, ajoute-t-il, avons été affectés de voir des canons pointés sur le peuple. De telles mesures sont plus propres à l'irriter qu'à le contenter.»—«Votre devoir, répond le Roi, est de faire exécuter la loi.»—«Si la porte n'est pas ouverte,» riposte Mouchet, «elle sera enfoncée.»—«Eh bien,» reprend le Roi, «si vous le jugez utile, faites ouvrir la porte des Feuillants. Qu'on défile le long de la terrasse, pour sortir par la porte des écuries; mais faites en sorte que la tranquillité publique ne soit pas troublée. Votre devoir est d'y veiller.»
Les officiers municipaux sortent pour transmettre la réponse du Roi; il était trop tard. La porte avait été enfoncée et la foule s'était répandue dans le jardin, d'où il eût été facile alors, avec un peu de bonne volonté et d'énergie, de la faire écouler. L'autre partie de la colonne, ainsi coupée en deux, celle qui se pressait dans la cour des Feuillants, avait fini par être admise dans l'Assemblée. L'orateur de la bande, Huguenin [1068], se présente à la barre et lit une longue et violente diatribe contre le Roi: «Pourquoi faut-il que des hommes libres se voient réduits à la cruelle nécessité de tremper leurs mains dans le sang des conspirateurs? Il n'est plus temps de dissimuler; la trame est découverte; l'heure est arrivée; le sang coulera, et l'arbre de la liberté, que nous venons de planter, fleurira en paix..... Un seul homme ne doit point influencer la volonté de vingt-cinq millions d'hommes.»
La gauche applaudit; la droite s'indigne; Mathieu Dumas demande la question préalable sur la pétition. Mais, au milieu des vociférations des tribunes et des menaces de ces bandes qui grondent au dehors, la délibération n'est pas libre. La question préalable est repoussée, et l'Assemblée décide que les citoyens des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel seront admis à défiler devant elle.
Un roulement rappelle la foule dispersée dans le jardin des Tuileries, et le défilé commence, au son des tambours et de la musique. Santerre et Saint-Huruge sont à la tête; ils se placent au pied de la tribune et passent en revue leur armée. Puis vient un mélange confus de femmes, d'enfants, de gardes nationaux et de sans-culottes, les uns sans armes, les autres armés de sabres, de piques, de faulx, de haches, de couteaux et même de scies. Deux hommes portent, au bout d'une pique, l'un une vieille culotte, avec ces mots: Vivent les sans-culottes! l'autre, un cœur de veau tout saignant, sous lequel est écrit: Cœur d'aristocrate! De grossiers emblèmes, des enseignes insultantes, des inscriptions menaçantes flottent au-dessus des têtes: A bas le Veto! Avis à Louis XVI! Le peuple est las de souffrir! La liberté ou la mort! La musique joue le Ça ira, et la foule tantôt répète les paroles de la chanson populaire, tantôt crie en guise de refrain: A bas le Veto! Parfois, le cortège s'arrête et se livre, au milieu de la salle, à des danses patriotiques. Et l'Assemblée assiste, avec une résignation humiliée, à ce honteux avilissement de la représentation nationale.
Le défilé dure près de deux heures. Quand il est terminé, Santerre remercie les députés de l'amitié qu'ils ont bien voulu témoigner aux pétitionnaires, remet au Président, en signe de reconnaissance, un «superbe drapeau [1069]» et court sur la place du Carrousel reprendre le commandement de son armée. Il est trois heures et demie. L'Assemblée lève la séance.
En sortant de la salle par la cour du Manège, la colonne, au lieu de regagner la rue Saint-Honoré, avait pénétré dans le jardin des Tuileries, et de là, longeant la façade du Château, elle sortait par le guichet du Pont-Royal. En passant sous les fenêtres elle répétait bruyamment ses cris favoris: Vivent les sans-culottes! A bas Monsieur et Madame Veto! Dix bataillons de la garde nationale étaient là, formant un front de bandière, devant lequel défilaient les faubourgs. Arrivé au Pont-Royal, le cortège sembla prendre la ligne des quais, et l'on put croire un moment que tout se bornerait aux déclamations violentes dont avait retenti l'Assemblée. Il n'en devait pas être ainsi, et tel n'était pas le plan des chefs de l'émeute. L'envahissement du Château faisait partie du programme, en attendant mieux peut-être et en laissant au hasard le soin d'achever. Arrivée en face du Carrousel, la bande, au lieu de continuer sa marche, se détourne et franchit le guichet.
La cour du Conseil est envahie; là, le cortège s'arrête et frappe à la porte de la cour Royale. «Nous voulons entrer, crie-t-on, nous ne voulons pas de mal au Roi.» Pour toute réponse, les deux gendarmes qui sont de garde croisent la baïonnette. La foule recule un moment. Mais les gendarmes et les gardes nationaux n'ont pas d'instructions; les uns veulent défendre la porte à outrance, les autres hésitent. «Qu'avons-nous à faire?» demande un capitaine au colonel Rulhière.—«Je n'ai pas d'ordres,» répond Rulhière, «mais je crois que la troupe est ici pour soutenir la garde nationale.» Le commandant général, Ramainvilliers, vient à passer; un lieutenant-colonel de gendarmerie, Carle, court à lui et l'interroge: «Otez les baïonnettes,» répond Ramainvilliers.—«Pourquoi,» riposte Carle indigné, «pourquoi ne m'ordonne-t-on pas tout de suite de rendre mon épée et d'ôter ma culotte?» Ramainvilliers ne réplique rien et disparaît.
Pour tout concilier, un des officiers les plus dévoués à la famille royale, Aclocque, engage les chefs de la colonne à choisir vingt pétitionnaires, qu'il promet de conduire au Roi. Une trentaine d'hommes se présentent; on les laisse entrer et le guichet se referme.
La foule gronde au dehors. Les bruits les plus propres à irriter les passions populaires circulent, habilement semés et commentés. On raconte «qu'on a vu le matin, au Château, douze ou quinze cents chevaliers de Saint-Louis; qu'on a reconnu dans la cour d'anciens membres de la Maison du Roi supprimée; que les appartements sont remplis de personnes vêtues de noir, animées des intentions les plus contre-révolutionnaires; que ce jour est destiné à renouveler la journée des poignards, etc.». Toutes ces rumeurs se répandent et exaspèrent la populace, déjà surexcitée. Les canonniers des faubourgs, qui sont rangés avec leurs pièces sur la place du Carrousel, font chorus avec la foule. Le commandant du bataillon du Val-de-Grâce, Saint-Prix, essaie vainement de faire rentrer ses hommes, qu'il sait mal disposés, dans leur quartier; les hommes refusent, et, malgré leur chef, chargent leurs canons: «Nous ne partirons pas,» dit un lieutenant... «Nous ne sommes pas venus pour rien; le Carrousel est forcé; il faut que le Château le soit. Voilà la première fois que les canonniers du Val-de-Grâce marchent; ce ne sont pas des j..-f...; nous allons voir.» Et montrant le Château de la main: «A moi, canonniers! Droit à l'ennemi!» Les canonniers s'ébranlent et tournent leurs pièces contre la porte royale. «Si on refuse l'ouverture de la porte,» dit Santerre qui vient d'arriver, «on la brisera à coups de boulets.»
Mais il n'en est pas besoin: deux municipaux, Boucher René et un autre, dont le nom est resté inconnu, donnent l'ordre d'ouvrir. Le flot humain se précipite dans la cour des Tuileries; tout entre à la fois: peuple, gardes nationaux, gendarmes. «Je verrai longtemps, a dit un témoin oculaire, seize mille hommes armés, faisant bonne contenance, se croyant obligés de céder à deux municipaux qui leur ordonnent, par la loi, d'en laisser passer vingt mille avec des piques, haches, escaladant avec une vitesse terrible les marches du palais. Jamais les vagues furieuses de la mer ne m'ont semblé si dangereuses [1070].» Quelques officiers dévoués s'efforcent de fermer la porte qui sépare la cour du grand escalier. Les gardes nationaux, découragés par l'attitude de la municipalité, refusent de défendre l'entrée, et comme un des commandants leur dit: «Êtes-vous sûrs qu'il ne se mêlera point, parmi ceux qui se présentent, des hommes capables d'attenter à la vie du Roi?»—«Il vaut mieux,» répondent-ils, «qu'un homme soit égorgé que nous.» C'est avec ce mot, qui justifie toutes les lâchetés et qui autorise tous les crimes, que la dernière porte est franchie, et l'accès de la demeure royale livré à l'invasion.
La foule, ne rencontrant plus de résistance, se rue dans l'escalier; elle s'y élance en masses si compactes et avec une telle impétuosité, qu'un des canons du Val-de-Grâce est porté à bras, jusqu'à la troisième salle du Château, la salle des Suisses; là, ses roues s'accrochent dans le tambour d'une porte; cet obstacle inattendu arrête un instant les envahisseurs et redouble les colères. Le bruit court que c'est un canon braqué par les défenseurs de la royauté pour mitrailler le peuple; il n'en faut pas plus pour faire massacrer tous les habitants des Tuileries. Heureusement, sur l'ordre de Mouchet, les sapeurs dégagent le canon et le descendent au pied du grand escalier, où il reste jusqu'à la fin de la journée.
Le Roi était dans sa chambre avec sa famille, quand tout à coup il entend frapper à la porte. On ouvre; c'est un de ses fidèles, le chef de bataillon Aclocque, qui vient le supplier de se montrer au peuple. Louis XVI y consent; il passe dans la salle du lit et de là dans celle de l'Œil-de-Bœuf. La Reine veut le suivre; le Roi l'en empêche; on l'entraîne et elle n'a que le temps de dire aux grenadiers: «Mes amis, sauvez le Roi [1071]!» «Plus heureuse qu'elle,»—c'est elle-même qui le dit,—Mme Elisabeth accompagne son frère, et avec elle quelques ministres et quelques gentilshommes: Terrier de Montciel, de Lajard, Beaulieu, l'amiral Bougainville, les maréchaux de Beauvau, de Mouchy, et de Mailly; MM. de Tourzel, d'Hervilly, etc.... «A moi, grenadiers!» dit le Roi. Un certain nombre de gardes nationaux, la plupart du bataillon Sainte-Opportune, accourent avec la Chesnaye, commandant de la 6me légion. «Messieurs, sauvez le Roi!» leur dit Mme Elisabeth, les larmes aux yeux. Tous entourent Louis XVI et tirent leurs sabres. Mais, sur un mot d'Aclocque, qui fait observer que cette attitude menaçante pourrait exposer le prince qu'ils veulent défendre [1072], ils remettent le sabre au fourreau.
Une simple porte sépare Louis XVI des envahisseurs; la foule rugit au dehors et ébranle la porte à coups de hache; déjà les deux panneaux du bas ont été brisés, lorsque Aclocque engage le Roi à la faire ouvrir plutôt que de la laisser enfoncer. «Je le veux bien,» répond le prince, «je ne crains rien au milieu des personnes qui m'entourent.» Un huissier ouvre la porte; les masses font irruption: «Citoyens,» dit Aclocque, «reconnaissez votre Roi; respectez-le; la loi vous l'ordonne. Nous périrons tous plutôt que de souffrir qu'il lui soit porté la moindre atteinte.» Ces paroles, prononcées d'une voix haute et ferme, amènent un léger temps d'arrêt dans l'invasion; les gardes nationaux en profitent pour entraîner le Roi dans l'embrasure d'une fenêtre, du côté de la cour; il monte sur une banquette; les grenadiers se placent devant lui. «Sire,» dit l'un d'eux, «n'ayez pas peur.»—«Mon ami,» répond l'intrépide monarque, en prenant la main du grenadier et en l'appuyant sur sa poitrine, «mon ami, mettez la main sur mon cœur et voyez s'il bat plus vite [1073].»
Les vagues populaires montent toujours; la foule, un instant hésitante, se précipite en avant et remplit la salle avec des cris de haine et des menaces de mort: A bas Monsieur Veto, Madame Veto et toute leur sequelle [1074]! —Au diable le Veto!—Le rappel des ministres patriotes!—Il faut qu'il signe; nous ne sortirons point qu'il ne l'ait fait.—Un misérable, un des premiers entrés, armé d'un long bâton, au bout duquel est une lame d'épée très pointue, cherche à foncer sur le Roi; on l'écarte à coups de baïonnettes. Un autre, brun et grêlé de petite vérole, vêtu d'une redingote verdâtre et d'un pantalon de toile, un sabre de la main gauche, un pistolet de la main droite, essaie de percer la foule: «Ousqu'il est, que je le tue?» hurle-t-il.—«Malheureux! le voilà, ton Roi,» lui dit un huissier de l'appartement, «oses-tu le regarder?» Le brigand recule, comme saisi d'une espèce de terreur. Il se fait un moment de silence. Le Roi veut en profiter pour parler; mais une «inondation» nouvelle survient «avec de si horribles cris, dit un rapport, que Dieu tonnant n'eût pas été entendu [1075]». Au premier rang des envahisseurs paraît un brigand du nom de Soudin, soi-disant vainqueur de la Bastille, dont le principal exploit est d'avoir jadis lavé et porté au bout d'une pique les têtes sanglantes de Foulon et de Berthier. Plus loin, gesticule un individu, vêtu d'un habit vert, qui, suivant le mot énergique d'un témoin, passe pour avoir été un coupe-tête en 1789. Toute cette tourbe remplit l'Œil-de-Bœuf, criant, vociférant, ajoutant la menace à l'insulte, brisant les meubles, cassant les glaces, arrachant les serrures, volant les objets précieux, se conduisant, en un mot, dit le rapport du Directoire, «comme s'il s'agissait de faire le siège et le pillage des Tuileries.»
«Que voulez-vous? demande tranquillement Louis XVI. Je suis votre Roi; je ne me suis pas écarté de la Constitution.»
Sa voix se perd dans le tumulte. Le boucher Legendre s'approche de l'embrasure. «Monsieur...» dit-il. A cette appellation inattendue, Louis XVI fait un mouvement. «Oui, Monsieur, reprend Legendre, écoutez-nous; vous êtes fait pour nous écouter... Vous êtes un perfide; vous nous avez toujours trompés; vous nous trompez encore. Mais prenez garde à vous! La mesure est à son comble; le peuple est las d'être votre jouet.» Et il lit une prétendue pétition, qui, dit Rœderer, «n'était qu'un tissu de reproches, d'injures et de menaces.»
«Je ferai ce que la Constitution et les décrets m'ordonnent de faire,» répond simplement le Roi.
A bas le Veto! Le rappel des ministres! riposte la foule. Et dans ce ramassis de sans-culottes et de mégères, qui remplit l'Œil-de-Bœuf, les outrages redoublent. Quelques misérables, armés de sabres, cherchent à rompre la ligne de gardes nationaux, pour atteindre le Roi; les grenadiers les repoussent. Louis XVI reste impassible; ni les vociférations, ni les violences ne peuvent altérer son incomparable sérénité.
«Dans une circonstance aussi terrible, a dit un témoin non suspect, Louis se conduisit avec une fermeté extrême et une prudence vraiment royale, unies à un calme et à une bonté extraordinaires [1076].»
Cependant un individu, qui porte au bout d'un bâton un bonnet rouge, s'approche du Roi et incline vers lui son bâton. Le municipal Mouchet comprend le signe; il prend le bonnet et le donne à Louis XVI qui le pose sur sa tête. La foule applaudit. Vive la nation! Vive la liberté! s'écrie-t-elle. Quelques acclamations de Vive le Roi! se font entendre; mais elles ne rencontrent pas d'écho. Et le brave grenadier Bidaut entend quelques misérables murmurer à mi-voix: «Il a f..... bien fait de le mettre; car nous aurions vu ce qui serait arrivé...., et f....., s'il ne sanctionne pas les décrets, nous reviendrons tous les jours.»
Au milieu du rassemblement, une femme porte une épée entourée de fleurs et surmontée d'une cocarde. Le Roi l'aperçoit; il fait un signe. Mouchet, qu'on retrouve toujours partout, prend l'épée et la tend au prince qui la brandit et fait attacher la cocarde à son bonnet. Vive la nation! crie la foule; et le Roi reprend avec elle: Vive la nation!
Mouchet lui propose alors de sortir sur la terrasse. Louis XVI refuse. «Je suis bien ici,» dit-il. La chaleur cependant est étouffante. Un garde national, auquel on a fait passer une bouteille de vin et un verre, offre à boire au Roi. «Sire,» dit-il avec une familiarité naïve, «vous devez avoir bien soif; car moi, je meurs..... Si j'osais vous offrir..... Ne craignez rien; je suis un honnête homme, et pour que vous buviez sans crainte, je boirai le premier, si vous le permettez.»—«Oui, mon ami, je boirai dans votre verre,» répond le prince, et élevant le verre: «Peuple de Paris,» dit-il, «je bois à ta santé et à celle de la nation française.»
Dans l'embrasure d'une autre fenêtre se tenait Mme Elisabeth. On l'aperçoit: «Ah! crie-t-on, voilà l'Autrichienne! Il nous faut la tête de l'Autrichienne!»—«Ce n'est pas la Reine,» dit l'écuyer de la princesse, M. de Saint-Pardoux.—«Pourquoi les détromper?» reprend vivement la généreuse femme. «Leur erreur pouvait sauver la Reine.» Et apercevant près d'elle, dans cette horde qui l'entoure, menaçante, un jeune homme dont la baïonnette effleure presque sa poitrine, elle écarte doucement l'arme de la main: «Prenez garde, Monsieur,» dit-elle avec un angélique sourire, «vous pourriez blesser quelqu'un, et je suis sûre que vous en seriez fâché.»
Cependant, quelques députés, instruits de l'envahissement du Château, y sont accourus de leur propre mouvement. Vergniaud et Isnard haranguent la foule et cherchent à la rappeler au respect de l'autorité; ils ne parviennent pas à se faire écouter. A bas le Veto! La sanction! Le rappel! sont les seules réponses qu'obtiennent leurs exhortations.
Enfin, le maire de Paris, Pétion, arrive. Après la séance du conseil où avait été adopté l'arrêté qui légitimait l'insurrection, il s'était retiré avec quelques intimes dans une salle de la maison commune. Il était là, plein de calme et de sérénité, dit-il, car les nouvelles qu'il recevait étaient excellentes, et le spectacle était beau, tout à la joie et à la gaîté. Vainement le Directoire avait-il, à plusieurs reprises, fait appel à sa vigilance; il ne s'était pas ému. Vers quatre heures et demie pourtant, il avait donné l'ordre d'atteler sa voiture, et, faisant à son devoir le sacrifice de son dîner,—il a pris soin de le remarquer dans son rapport,—il s'était rendu aux Tuileries. Il y arrive vers cinq ou six heures [1077]. Accompagné de Sergent, il traverse la foule qui le salue des cris de Vive Pétion! et s'approche du Roi, qu'il voit avec admiration, dit-il, «couronné du signe de la liberté.» C'est par cette expression qu'il désigne le bonnet rouge. «Sire,» dit-il, «je viens d'apprendre à l'instant la situation dans laquelle vous êtes.»—«Cela est bien étonnant,» riposte sèchement le Roi; «il y a deux heures que cela dure.» Deux grenadiers hissent le maire sur leurs épaules. Il parle au peuple et lui prêche le respect de la loi. Mais il le fait si froidement, suivant le municipal Champion, que les cris redoublent. Un grand jeune homme blond de vingt ou vingt-cinq ans perce là foule et, interpellant le Roi avec des gestes menaçants: «Sire,» dit-il, «je vous demande, au nom des cent mille hommes qui m'entourent, le rappel des ministres patriotes, la sanction des décrets, leur exécution,...... ou vous périrez...»
Pétion, qui est là, n'essaie pas un seul instant d'imposer silence à ce forcené. Champion s'indigne de cette lâcheté ou de cette connivence:
«Monsieur le maire, dit-il, vous êtes responsable de ce qui peut advenir.» Pétion se décide à haranguer une seconde fois la foule. En face de cette violation de toutes les lois, de ces bandes de brigands qui traitent les Tuileries comme une ville prise d'assaut, de ces outrages persistants à la majesté du Chef de l'État, il parle de la dignité du peuple: «Citoyens, dit-il, vous venez de présenter légalement votre vœu au représentant héréditaire de la nation; vous l'avez fait avec la dignité, avec la majesté d'un peuple libre. Retournez chacun dans vos foyers et ne donnez pas occasion d'incriminer vos intentions respectables.»
Intentions respectables! Et quelques années plus tard, Legendre avouait à Boissy d'Anglas qu'un des buts secrets des chefs du mouvement avait été l'assassinat du Roi!
«Les portes de la galerie sont-elles ouvertes?» demande Sergent.—«Oui,» répond le Roi. «J'ai fait ouvrir les appartements; le peuple, en défilant du côté de la galerie, aura le plaisir de les voir.»
A ces mots, un mouvement se fait; la curiosité pour les uns, la lassitude pour les autres, déterminent enfin les émeutiers à sortir. Sergent, son écharpe à la main, cherche à régulariser le mouvement, et le défilé commence au bruit des cris, mille fois répétés, de Vive Pétion! A bas le Veto! On voit reparaître, au milieu des bandes en marche, le misérable qui porte au bout d'une pique un cœur de veau sanglant avec ces mots: Cœur d'aristocrate! «Cet homme, rapporte un témoin, affectait de mettre cet horrible emblème sans les yeux du Roi.»
L'Œil-de-Bœuf était à demi évacué. Aclocque en profite pour proposer à Louis XVI de se retirer. Ce que le monarque n'a pas accepté de Mouchet, qui est suspect, il l'accepte du fidèle Aclocque; entouré de municipaux et de gardes nationaux qui lui fraient un passage, il se dirige vers une porte dérobée par laquelle il s'échappe, et la foule, privée de sa victime, s'écoule en grondant à travers les appartements. En passant dans la chambre royale: «Est-ce là, hurle-t-elle, le lit du Gros Veto? Ah! il a un plus beau lit que nous, le Gros Veto! Où est-il donc, M. Veto?» C'est au milieu de ces plaisanteries grossières et de ces sarcasmes que le défilé continue.
Tandis que ces tristes scènes se passent à l'Œil-de-Bœuf, une autre bande, conduite par un homme qui devait avoir une connaissance approfondie du palais,—car il l'avait fait passer par une porte dont les gens du service intérieur savaient seuls l'existence,—était montée à la chambre du Dauphin, où l'on espérait trouver Marie-Antoinette [1078]. La Reine venait de la quitter; les bandits, désappointés, brisent les portes à coups de hache, sondent les lits et les armoires, fouillent partout. De hideuses mégères vomissent d'ignobles injures contre la malheureuse princesse, en jurant qu'elles veulent la tenir entre leurs mains, morte ou vive. Un brigand, la hache au poing, l'outrage à la bouche, s'écrie qu'il a enfoncé déjà bien des portes, mais qu'il en enfoncera bien d'autres, pour avoir l'Autrichienne!
La Reine avait fait de vains efforts pour accompagner le Roi; quand il avait passé dans la salle de l'Œil-de-Bœuf, elle s'était précipitée pour l'accompagner. On lui avait vivement fermé le passage. Se retournant alors vers ses enfants:—«Sauvez mon fils,» avait-elle dit. Le Dauphin, effrayé en entendant tout ce bruit, poussait des cris lamentables [1079]. Hue le saisit et l'emporte dans l'appartement de Madame Royale, plus éloigné du tumulte. La Reine, le sachant en sûreté, s'élance de nouveau pour retrouver son mari; on la retient. «Laissez-moi, dit-elle, ma place est auprès du Roi; je veux aller mourir à ses pieds [1080].» Des serviteurs fidèles, MM. d'Aubier et de Rougeville, l'arrêtent avec une respectueuse fermeté, et le ministre des affaires étrangères, Chambonnas, lui représente que, loin de sauver le Roi, elle l'exposerait peut-être davantage, que sa place est près de ses enfants. Persuadée par ces raisons, elle se laisse conduire, non sans regret, dans la chambre du Dauphin, où son fils lui est ramené. Mais bientôt l'émeute gronde à la porte; on entraîne la Reine par un passage secret dans la chambre du Roi [1081], puis dans la chambre du Conseil. Elle est là, dans cette dernière pièce, assise [1082], pâle, les jambes agitées par un tremblement involontaire que dissimule la table [1083], entourée de ses enfants, et de Mmes de Lamballe, de la Roche-Aymon, de Tourzel, de Maillé, de Mackau, du ministre Chambonnas, du lieutenant général Wittinghof, et de quelques grenadiers, lorsque commence le défilé à travers les appartements.
En entendant le tumulte grandir et les vagues populaires approcher, on entraîne à la hâte Marie-Antoinette dans l'embrasure d'une croisée; on roule devant elle la table du Conseil, et deux cents gardes nationaux environ [1084] se placent sur trois rangs devant cette barricade improvisée, sous le commandement de Mandat.
Bientôt l'émeute envahit la salle. Santerre entre le premier et, interpellant les grenadiers: «Faites place, dit-il, pour que le peuple voie la Reine.» Puis se tournant vers Marie-Antoinette: «Madame, reprend-il, vous êtes trompée; le peuple ne vous veut pas de mal. Si vous vouliez, il n'y aurait pas un d'eux qui ne vous aimât autant que cet enfant,» ajoute-t-il, en désignant le Dauphin. «Au reste, n'ayez pas peur, on ne vous fera pas de mal.»—«Je ne suis ni égarée, ni trompée [1085], répond la Reine, et je n'ai pas peur; on ne craint jamais rien, lorsqu'on est avec de braves gens.» Et elle tend la main aux gardes nationaux, qui la saisissent avec transport et la baisent respectueusement.
Le hideux défilé commence. Un misérable porte un paquet de verges avec cette inscription: Pour Marie-Antoinette; un autre élève une petite potence à laquelle est suspendue une poupée [1086] avec ces mots: Marie-Antoinette à la lanterne; un troisième promène une guillotine au bas de laquelle on lit cette phrase sinistrement prophétique: Justice nationale pour les tyrans. A bas Veto et sa femme! Santerre se tient près de Mandat, dirigeant le mouvement et faisant à sa bande, si je puis ainsi parler, l'exhibition de la famille royale: «Regardez, dit-il, voilà la Reine; voilà le Prince royal.» Le pauvre petit Dauphin est là, assis sur la table; un brigand apostrophe Marie-Antoinette: «Si tu aimes la nation,»dit-il d'une voix rauque, «mets ce bonnet sur la tête de ton fils.» Et il lui tend un bonnet rouge. La Reine prend le bonnet et le pose sur la tête du Dauphin. La chaleur est affreuse. Le petit prince étouffe sous cette immonde et épaisse coiffure. Santerre lui-même est ému de pitié: «Otez le bonnet à cet enfant, dit-il, il a trop chaud.»
Malgré son calme, la Reine se retourne vers ses amis: «C'est trop fort aussi, murmure-t-elle; cela va au delà de toute patience humaine [1087].»
Le mouvement se ralentit un instant; une femme, l'œil en feu, le poing fermé, s'arrête devant Marie-Antoinette: «Tu es une infâme,» vocifère-t-elle, «nous te pendrons.»—«Vous ai-je jamais fait aucun mal?» répond douloureusement la Reine.—«Non, mais tu fais le malheur de la nation.»—«On vous trompe; j'ai épousé le Roi de France; je suis la mère du Dauphin, je suis Française; jamais je ne reverrai mon pays; je ne puis être heureuse ou malheureuse qu'en France; j'étais heureuse, quand vous m'aimiez.» Malgré elle, la femme est touchée de cette douleur et de cette tristesse; elle s'attendrit: «Pardonnez-moi,» murmure t-elle; «je ne vous connaissais pas; je vois que vous êtes bonne.»—«Cette femme est soûle,» dit Santerre, dont cette émotion dérange les plans; et la poussant rudement, il fait continuer le défilé.
«Si un de ces scélérats avait osé frapper la Reine dans ce moment, ont raconté des témoins de ces horribles scènes, tous eussent suivi son exemple, et tout ce qui était dans la chambre eût été massacré. Heureusement la majesté de la Reine, peut-être sa beauté, son maintien si noble et si fier, son air d'assurance leur imposa à tous [1088].»
A huit heures et demie, les appartements étaient enfin évacués, et la Reine, rassurée par Mme Élisabeth sur le sort de son époux, put aller rejoindre le Roi. Dès qu'elle l'aperçut, elle se jeta dans ses bras en fondant en larmes. Impassible et debout devant l'émeute, elle succombait à l'émotion du revoir. Les députés, présents à cette entrevue, se sentaient eux-mêmes attendris, et l'un d'eux, Merlin de Thionville, ne pouvait s'empêcher de pleurer. La Reine s'en aperçut: «Vous pleurez, Monsieur Merlin, lui dit-elle, vous pleurez de voir le Roi et sa famille traités si cruellement par un peuple qu'il a toujours voulu rendre heureux.»—«Oui, je pleure,» répondit brutalement Merlin; «je pleure sur le malheur d'une femme belle, sensible et mère de famille; mais ne vous y méprenez point; il n'y a pas une de mes larmes pour le Roi ni pour la Reine. Je hais les rois et les reines; c'est le seul sentiment qu'ils m'inspirent; c'est ma religion [1089].» Et le futur régicide, qui se croyait un grand citoyen parce qu'il venait de se montrer grossier, essuya ses larmes.
Un autre député, dont le nom n'a pas été conservé, aborda la Reine et, d'un ton familier: «Vous avez eu bien peur,» Madame, lui dit-il, «convenez-en.»—«Non, Monsieur, je n'ai pas eu peur; mais j'ai beaucoup souffert d'être séparée du Roi, dans un moment où ses jours étaient en danger; mais j'avais la consolation d'être avec mes enfants et de remplir un de mes devoirs.»—«Sans prétendre excuser tout,» reprit le député, «convenez, Madame, que le peuple s'est montré bien bon.»—«Le Roi et moi, Monsieur, sommes persuadés de la bonté naturelle du peuple, qui n'est méchant que lorsqu'on l'égare.»—«Quel âge a Mademoiselle?» continua le sot personnage en montrant Madame Royale.—«Ma fille, riposta sèchement la Reine, a l'âge où l'on ne sent que trop l'horreur de pareilles scènes [1090].» Et elle se contenta de tourner le dos.
Plus respectueux et mieux inspirés, d'autres représentants félicitaient Louis XVI du courage qu'il avait déployé dans cette journée: «Je n'ai fait que mon devoir,» répondit simplement le Roi.
Le marquis de Clermont-Gallerande disait à Mme Élisabeth: «Ah! Madame, le ciel vengera tant de crimes!»—«Ne parlons pas de vengeance,» répondit l'angélique princesse. «Espérons plutôt que Dieu leur pardonnera et les changera [1091].»
Cependant Pétion, d'une part, les chefs de la garde nationale, de l'autre, achevaient de faire évacuer le Château. Les émeutiers, privés de direction, se dispersaient sans résistance, mais en se plaignant hautement du résultat de la manifestation. «On nous a amenés pour rien, s'écriaient-ils, mais nous reviendrons et nous aurons ce que nous voudrons.»—«Le coup est manqué, disait de son côté Santerre; le Roi a été difficile à émouvoir aujourd'hui; nous reviendrons demain; nous le ferons évacuer [1092].»
A dix heures et demie, tout était terminé; le Château était vide, et la famille royale, rentrant dans ses appartements dévastés [1093], allait enfin prendre un repos, acheté par de terribles angoisses. Quelques jours après, la Reine écrivait ce simple mot à Fersen: «J'existe encore, mais c'est un miracle! La journée du 20 a été affreuse [1094].»