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Histoire de Marie-Antoinette, Volume 2 (of 2)

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Le 10 août.

La journée du jeudi 9 août avait été relativement tranquille, malgré les bruits alarmants qui circulaient. Le Roi, après le dîner, avait joué au billard avec Mme Élisabeth [1204] et la pieuse princesse avait écrit à son amie Mme de Bombelles: «Cette journée, qui devait être si vive, si terrible, est le plus calme possible [1205].» Le soir, tout change; je ne sais quelle agitation sinistre règne dans la capitale; les dames du palais n'osent pas venir à la Cour, de peur d'être insultées.

A minuit, le tocsin sonne au clocher des églises; bientôt au bruit du tocsin se mêle celui des tambours qui battent, les uns la générale, les autres le rappel; les sections s'arment; les faubourgs s'ébranlent et se mettent en marche. Aux Tuileries, il y a environ neuf cents Suisses, deux cents gentilshommes et quelques compagnies de gardes nationaux fidèles. C'est peu; mais cette petite troupe est sous les ordres d'un chef résolu et dévoué, Galiot de Mandat, ancien capitaine aux gardes françaises. Dès le matin, il a pris des dispositions énergiques pour la défense: les ponts sont gardés et il sera facile d'empêcher les faubourgs de se réunir en coupant la communication et en chargeant les colonnes pour les disperser [1206]. Les Suisses occupent la cour du Château, la chapelle et la porte royale, le bas du grand escalier du Roi et de la Reine [1207], tandis que les grenadiers des Filles-Saint-Thomas sont rangés en bataille vis-à-vis de la grande porte [1208]. Malheureusement les soldats n'ont pas de cartouches: à peine trois coups par homme [1209]. Les Suisses eux-mêmes n'en ont pas trente [1210], et le commandant est sans ordres.

Vers onze heures, Pétion, cédant aux instances réitérées de Mandat, vient au Château. Le Roi l'interpelle brusquement: «Monsieur, dit-il, vous êtes maire de Paris; il paraît qu'il y a beaucoup de mouvement; veut-on recommencer le 20 juin?»—«Sire, la fermentation est grande, mais je cours à l'Hôtel-de-Ville rétablir la tranquillité.»—«Non, Monsieur,» reprend la Reine qui devine les projets de Pétion; «c'est sous vos yeux que tout a été organisé; vous allez, comme maire, signer l'ordre de repousser la force par la force; vous resterez près de la personne du Roi.» Pétion, déconcerté, signe l'ordre, puis il s'esquive, et, après une courte apparition à l'Assemblée, retourne dans sa maison, où, suivant le plan arrêté avec ses amis, il se fait consigner pour le reste de la journée.

Au Château, on avait été assez rassuré pendant les premières heures: on avait confiance dans les forces dont on disposait et que Mandat avait habilement placées aux point les plus importants, dans la cour, dans le jardin, aux guichets. Des avis, qu'on croyait sûrs, représentaient d'ailleurs le rassemblement comme n'ayant pas la gravité qu'on lui supposait d'abord [1211]. La Reine avait même envoyé son fils se coucher sous la garde de la fidèle Mme de Tourzel; mais, en l'embrassant, elle n'avait pu retenir ses larmes: «Maman,» disait l'enfant, comme s'il devinait le danger, «pourquoi pleurez-vous? Je voudrais bien ne pas vous quitter cette nuit.»—«Soyez tranquille, mon fils, je ne serai pas loin de vous [1212]

Mais l'anxiété n'avait pas tardé à renaître; les mauvaises nouvelles parvenaient, pressantes et précises. La famille royale était réunie dans la chambre du Conseil; la princesse de Lamballe, la princesse de Tarente, Mme de Tourzel et sa fille, les ministres, deux municipaux, Borie et Leroux, le procureur général syndic du département, Rœderer, quelques serviteurs zélés, l'entouraient. Au milieu des angoisses croissantes, l'étiquette traditionnelle avait été levée: il n'y avait pas eu de coucher du Roi; la Reine et Mme Elisabeth étaient assises sur de simples tabourets [1213]. Quelques amis dévoués arrivaient de moment en moment, s'asseyant partout, sur les tables, sur les consoles, par terre.

La Reine parle à chacun de la manière la plus affectueuse, réchauffant le zèle et soutenant les courages: «Messieurs, dit-elle aux gardes nationaux qui sont dans la chambre du Conseil, tout ce que vous avez de plus cher, vos femmes, vos enfants, dépend de notre existence; notre intérêt est commun [1214].» Mais parmi ces défenseurs de la dernière heure, l'harmonie ne règne pas; les préventions de certains gardes nationaux contre les gentilshommes persistent. Le chef de légion la Chesnaye veut faire éloigner les volontaires royalistes. La Reine s'y oppose vivement: «Vous ne devez pas, dit-elle, avoir de défiance de ces braves gens qui partageront vos dangers et vous défendront jusqu'à leur dernier soupir [1215]. Je réponds de tous ceux qui sont ici; ils marcheront devant, derrière, dans le rang, comme vous voudrez; ils sont prêts à tout ce qui pourra être nécessaire: ce sont des hommes sûrs [1216]

Personne ne s'était couché au Château; seul le Dauphin dormait [1217]. Vers trois heures du matin, on entend dans le lointain comme le bruit houleux des vagues qui approchent. Un coup de fusil retentit dans la cour même des Tuileries [1218]: «Hélas! dit la Reine, ce ne sera pas le dernier!» Elle fait lever et habiller son fils; elle ne veut pas que les factieux trouvent au lit l'hériter du trône, et depuis ce moment elle le garde toujours près d'elle. «Maman,» dit le pauvre enfant, ému à la vue du trouble qu'il voit autour de lui et déjà familiarisé avec les journées, «maman, pourquoi ferait-on du mal à papa? Il est si bon [1219]

La nuit était admirable, le ciel pur, l'air calme; la tranquillité de la nature contrastait avec l'agitation de la rue et l'anxiété des âmes. Par les croisées ouvertes, on entendait tous les bruits de la grande ville. L'aube paraît; Mme Élisabeth court à la fenêtre. «Ma sœur, dit-elle, venez donc voir lever l'aurore.» Le disque du soleil commençait à se dégager, rouge de sang [1220].

Cependant un ordre impérieux de la municipalité appelle Mandat à l'Hôtel-de-Ville. Déjà le commandant n'a pas répondu à une première dépêche. Pressé par Rœderer [1221], il n'ose résister à une seconde et part entre quatre et cinq heures du matin [1222]; mais un pressentiment sinistre l'a saisi: «Je ne reviendrai pas,» dit-il [1223].

Il ne se trompait pas. A peine arrivé à l'Hôtel-de-Ville, il trouve la Commune insurrectionnelle installée à la place de la Commune légale. Huguenin, qui la préside, lui reproche avec violence les mesures qu'il a prises contre le peuple, le somme de les révoquer, et, sur le refus de Mandat [1224], ordonne de le transférer à l'Abbaye. C'est le signal de la mort. Au sortir de la salle du Conseil, on casse, d'un coup de pistolet, la tête du malheureux commandant et son corps est jeté à la Seine. Dès lors, la petite garnison des Tuileries n'a plus de chef, et la résistance est désorganisée.

Le bruit devient plus distinct; les vagues se rapprochent. La Reine supplie le Roi de se montrer à ses défenseurs et de les échauffer par sa présence, par son exemple, par un mot d'encouragement. Louis XVI cède aux instances de sa femme [1225]; il paraît au balcon, vêtu d'un habit violet, la coiffure dérangée, le teint animé, les yeux rougis par l'insomnie [1226]. De chaleureux vivats l'accueillent. Il traverse les appartements pour gagner la cour. La Reine, ses enfants, Mme Élisabeth, la princesse de Lamballe l'accompagnent. Quand il passe dans la grande galerie, un vif enthousiasme se manifeste: ces vieux gentilshommes, volontaires de la dernière heure, prêts à se faire massacrer eux-mêmes, acclament la royauté qui va mourir; l'émotion gonfle les poitrines, les pleurs baignent les yeux; des cris de Vive le Roi! éclatent de toutes parts [1227]. Le bataillon des Filles-Saint-Thomas occupe la galerie de Diane. La Reine lui parle avec cette grâce et ce cœur qu'elle met à tout ce qu'elle dit, et ces braves gens sont tout transportés [1228]. «Ils semblent, a dit un historien contemporain, renouveler la scène sublime de Moriamur pro rege nostro [1229]

On était moins sûr des postes extérieurs, où Pétion avait fait placer des bataillons hostiles [1230]. Le Roi ne veut pas exposer sa famille à un accueil douteux, malveillant peut-être. Parvenu dans le vestibule du grand escalier, il fait remonter sa femme, sa sœur et ses enfants et continue seul cette suprême revue. Ce fut un tort peut-être: ce que la bonté un peu molle et le courage résigné du Roi ne firent pas, l'attitude plus déterminée de la Reine et la beauté touchante du Dauphin eussent pu l'obtenir.

Il était six heures environ, lorsque Louis XVI descendit dans la cour. Inquiet et troublé, malgré sa contenance sereine, il ne sut pas dire un mot aux gardes nationaux qui se pressaient autour de lui. On crie cependant encore Vive le Roi! Vive Louis XVI! Nous le défendrons jusqu'à la mort! Qu'il se mette à notre tête! A bas les Jacobins [1231]! Mais le Roi reste muet. A mesure qu'on s'éloigne du Château, autour duquel sont groupées les troupes fidèles, l'accueil devient plus froid. A la terrasse du bord de l'eau, il devient hostile. On crie: Vive la Nation! A bas le Veto! A bas le gros cochon! [1232] Quelques canonniers—la plus mauvaise partie de la garde nationale—s'attachent au prince, en lui répétant ces cris outrageants, «comme les mouches, dit un témoin oculaire, poursuivent l'animal qu'elles se sont acharnées à tourmenter [1233].» A la terrasse des Feuillants, des brigands armés de piques joignent leurs vociférations menaçantes à ces clameurs hostiles; quelques-uns même descendent dans le jardin et les serviteurs fidèles qui accompagnent l'infortuné monarque sont obligés de l'entourer d'une double ligne pour le protéger [1234]. «Grand Dieu! c'est le Roi qu'on hue!» s'écrie le ministre de la marine, M. Dubouchage [1235]. Louis XVI rentre au Château, le cœur désespéré, et la Reine, qui de loin a suivi du regard toute cette scène et prêté une oreille douloureusement attentive à tous ces cris, dit à Mme Campan: «Tout est perdu; cette revue a fait plus de mal que de bien [1236]

Il est certain cependant,—les documents les plus sûrs, les actes les plus dignes de foi l'attestent,—il est certain que si, à ce moment même, le Roi fût hardiment monté à cheval et se fût mis résolûment à la tête de ses troupes, comme Marie-Antoinette l'en suppliait, il eût eu facilement raison des assaillants, et, suivant le mot énergique de Napoléon, eût balayé toute cette canaille [1237].

Mais le Roi hésite; le Roi a peur de verser le sang; et les municipaux qui sont là ont l'air de n'avoir d'autre but que de désorganiser la défense. Ils circulent dans la cour du Carrousel, disant bien haut que ce serait folie de vouloir s'opposer à un rassemblement aussi nombreux et aussi bien armé; ce n'est qu'à regret qu'ils lisent aux troupes la loi martiale; encore ont-ils bien soin d'ajouter: «Vous ne tirerez qu'autant qu'on tirerait sur vous [1238].» Ces étranges instructions jettent le trouble parmi les gardes nationaux; quelques compagnies font demi-tour; les canonniers, mal disposés pour la plupart, braquent leurs pièces contre le Château, et la gendarmerie à cheval qui occupe la cour du Louvre, se replie sur le Palais-Royal, laissant ainsi la route libre aux insurgés [1239].

Vers sept heures [1240], une foule compacte et houleuse remplit la place Vendôme et la terrasse des Feuillants [1241]. L'avant-garde de l'émeute débouche sur la place du Carrousel; déjà quelques bandits sont à cheval sur la crête des murs, observant tout et appelant leurs camarades [1242]. Les municipaux vont parlementer avec eux; un grand cri répond: «La déchéance ou la mort!» Municipaux, commandant en chef, procureur général sont démoralisés; ils remontent près du Roi. Déjà, dans la nuit, Rœderer avait ouvert l'avis d'aller à l'Assemblée. «Monsieur,» avait répondu fièrement la Reine, «il y a des forces ici; il est temps enfin de savoir qui l'emportera, du Roi et de la Constitution, ou de la faction [1243].» Le procureur général s'était incliné; mais il n'avait pas changé d'opinion [1244]. Cette fois, ce sont les municipaux qui prennent la parole:

«Sire, dit Leroux, le seul parti à suivre, est de se réfugier dans le sein de l'Assemblée nationale; c'est à l'instant même qu'il faut partir.»

—«Vous le croyez?» répond Louis XVI.

—«Oui, Sire; dire le contraire à Votre Majesté serait la trahir.»

La Reine bondit. Demander asile à l'Assemblée, à cette Assemblée qui n'a rien fait pour prévenir l'émeute et qui, pendant qu'agonise la monarchie, a le triste courage de délibérer tranquillement sur la traite des noirs, abandonner le Château, renoncer à la lutte, mais c'est signer sa déchéance, c'est abdiquer! «Nous retirer à l'Assemblée nationale,» dit-elle d'une voix vibrante, «y pensez-vous?»—«Oui, Madame, l'Assemblée est la seule chose qu'en ce moment le peuple respectera.»

Vers sept heures et demie [1245] Rœderer survient, revêtu de son écharpe [1246] et à la tête du Directoire: «Sire, dit-il, Votre Majesté n'a pas cinq minutes à perdre; il n'y a de sûreté pour elle que dans l'Assemblée nationale.»—«Mais, dit le Roi, je n'ai pas vu grand monde au Carrousel.»—«Sire, il y a douze pièces de canon et il arrive un monde énorme des faubourgs [1247]

Le sang de la Reine bouillonne dans ses veines. Se tournant vers ses fidèles serviteurs: «Clouez-moi sur ces murs,» s'écrie-t-elle, «avant que je consente à les quitter [1248]!» Un membre du département qu'elle connaît bien, car il est son marchand de dentelles, M. Gendret, veut appuyer l'opinion de Rœderer: «Taisez-vous, Monsieur,» lui dit vivement la Reine, «laissez parler le procureur général; vous êtes le seul qui ne devez point parler ici; quand on a fait le mal, on ne doit pas avoir l'air de le réparer [1249].» Et se tournant vers Rœderer: «Mais, Monsieur, nous avons des forces.»—«Madame, tout Paris marche, l'action est inutile; la résistance, impossible [1250]. Voulez-vous vous rendre responsable du massacre du Roi, de vos enfants, de vous-même, en un mot des fidèles serviteurs qui vous environnent?»—«A Dieu ne plaise! répond la vaillante femme. Que ne puis-je au contraire être la seule victime [1251]!» Mais son émotion est si violente que, rapporte un témoin oculaire, «sa poitrine et son visage deviennent en un instant tout vergetés [1252]

«Sire, reprend le procureur général, le temps presse; ce n'est plus une prière que nous venons vous faire, ce n'est plus un conseil que nous prenons la liberté de vous donner; nous n'avons qu'un parti à prendre en ce moment: nous vous demandons la permission de vous entraîner [1253].» Le Roi relève la tête, regarde un instant Rœderer, comme pour interroger sa pensée secrète, et, se déterminant enfin:

«Allons, dit-il, donnons, puisqu'il le faut, cette dernière marque de dévouement [1254]

«Oui, répond la Reine, c'est un dernier sacrifice; mais,» ajoute-t-elle, en montrant son mari et son fils, «vous en voyez l'objet [1255].» Et interpellant Rœderer:

«Monsieur, dit-elle, vous répondez de la personne du Roi; vous répondez de celle de mon fils.»

«Madame, réplique Rœderer, nous répondons de mourir à vos côtés; voilà tout ce que nous pouvons garantir [1256]

Vers huit heures et demie [1257], le funèbre cortège se forme. Des grenadiers des Filles Saint-Thomas et des gardes-suisses composent l'escorte. Le Roi marche seul en avant, ayant à ses côtés le ministre des affaires étrangères [1258]. La Reine donne le bras au ministre de la marine [1259] et tient le Dauphin par la main; puis viennent Mme Elisabeth et Madame Royale, Mmes de Lamballe et de Tourzel, quelques serviteurs fidèles comme le prince de Poix et le comte de la Rochefoucauld [1260], les ministres, les membres du département [1261]. Tous les assistants pleurent [1262]; la consternation est générale.—«Nous reviendrons,» dit le Roi.—«Nous reviendrons,» répète la Reine. Mais ni le Roi ni la Reine n'ont d'espoir [1263] et les spectateurs sentent bien, comme eux, suivant le mot de Mlle de Tourzel, que ce qu'ils voient passer, c'est le «convoi de la royauté [1264]».

Le Roi s'avance droit, le cœur déchiré, les traits défaits, mais la contenance ferme. La Reine est tout en larmes; elle essuie ses yeux de temps en temps et essaie de prendre un air confiant; mais elle ne peut le conserver que quelques minutes [1265]. Un garde national se méprend sur la cause de ces larmes: «Que Votre Majesté ne craigne rien, dit-il. Elle est entourée de bons citoyens.»—«Je ne crains rien,» répond la Reine, en appuyant la main sur sa poitrine [1266].

Le cortège traverse les salles, descend le grand escalier [1267], sort par la grille du milieu [1268] et s'engage dans le jardin. Les gardes nationaux tiennent la droite; les gardes-suisses, la gauche. La foule, qui se presse sur la terrasse des Feuillants, salue de ses huées les victimes qui s'avancent. Le Roi conserve néanmoins son attitude impassible. La Reine s'appuie un moment sur le bras de M. de la Rochefoucauld: son cœur bat, sa main tremble. Le petit Dauphin, avec l'insouciance de son âge, s'amuse à pousser du pied les feuilles mortes qui encombrent le jardin. «Voilà bien des feuilles, dit le Roi; elles tombent de bonne heure, cette année.» Quelques jours auparavant, Manuel avait écrit dans un journal que la monarchie ne survivrait pas à la chute des feuilles [1269]. Sa prédiction se réalisait.

Quand on approche de la terrasse des Feuillants, la foule devient plus houleuse; le chemin est obstrué; pendant dix minutes, le cortège se trouve arrêté au pied de l'escalier du passage des Feuillants. Des cris furieux éclatent dans la populace: «A bas! A bas! Point de veto! Qu'ils n'entrent pas à l'Assemblée!» On aperçoit la Reine; les clameurs redoublent: «Point de femmes! Nous ne voulons que le Roi, le Roi seul [1270]!» Un grenadier s'empare du Prince royal et le prend dans ses bras. La Reine croit qu'on veut lui enlever son fils; elle jette un cri terrible; le garde national élève le Dauphin au-dessus de sa tête, rassure l'enfant, rassure la mère.

Cependant, l'Assemblée, prévenue par le président du Directoire du département de l'arrivée de la famille royale, a envoyé au-devant d'elle une délégation de vingt-quatre membres. «Sire, dit le député qui la conduit, l'Assemblée vous offre, ainsi qu'à votre famille, un asile dans son sein.» Le funèbre cortège reprend sa marche; les membres de l'Assemblée ont remplacé ceux du Directoire. Mais, sur la terrasse des Feuillants, les cris redoublent; la foule se presse; il faut s'arrêter. Un misérable brandit une perche et en menace la famille royale, en criant: «A bas! A bas [1271]!» Un homme se détache du groupe et, s'adressant au Roi: «Donnez-moi la main, lui dit-il, je vais vous conduire à l'Assemblée; mais pour votre femme, elle n'y entrera pas; c'est elle qui a fait le malheur de la France.» Rœderer s'élance; avec l'autorisation des députés, il fait gravir l'escalier aux gardes nationaux; il le franchit lui-même et harangue la foule qui rugit autour de lui. Un mouvement se fait: il en profite pour frayer un passage à Louis XVI et à Marie-Antoinette. Au milieu de ces bandes furieuses, qui vomissent des injures et que leur escorte contient à grand'peine, les malheureux souverains entrent à l'Assemblée. Le Roi prend place à côté du président; la Reine et sa famille, derrière lui, sur les bancs des ministres. Le grenadier qui porte le Dauphin le dépose sur le bureau des secrétaires, aux applaudissements des tribunes. L'enfant court à sa mère: «Non, non,» crie une voix; «il appartient à la nation; l'Autrichienne est indigne de la confiance du peuple [1272]

Le calme se rétablit; le Roi prend la parole: «Je suis venu, dit-il, pour éviter un grand crime; je ne saurais être mieux qu'au milieu de vous.»

Vergniaud, qui préside, répond: «Vous pouvez compter, Sire, sur la fermeté de l'Assemblée nationale. Ses membres ont juré de mourir en défendant les droits du peuple et les autorités constituées [1273]

Mais la Constitution interdit à l'Assemblée de délibérer en présence du Roi; l'Assemblée décide que Louis XVI et sa famille seront conduits dans la tribune du Logographe.

C'était un petit réduit grillé, de dix pieds carrés [1274], exposé à l'ardeur d'un soleil brûlant [1275], si étroit qu'à peine pouvait-il contenir quelques journalistes, si bas qu'on n'y pouvait rester debout. Le Roi s'assied sur le devant; la Reine dans un coin; les enfants, Mme Elisabeth et Mme de Lamballe, sur une banquette, derrière laquelle se tiennent quelques amis dévoués [1276]. On arrache les grilles de fer qui séparent la loge de la salle [1277]. Il est dix heures du matin, et c'est là, dans cette misérable hutte, que, pendant dix-huit heures, les prisonniers vont assister à l'agonie de la royauté.

Soudain une vive fusillade éclate: on se bat aux Tuileries. Après le départ de la famille royale, la plupart des gardes nationaux étaient retournés chez eux; les Suisses avaient évacué la cour et s'étaient concentrés dans le Château. «Ne vous laissez pas forcer,» avait dit le maréchal de Mailly au capitaine de Durler. Les colonnes insurrectionnelles arrivent et les somment de se rendre; ils refusent héroïquement; semblables à ce grand lion blessé qui a symbolisé leur vaillance dans le rocher de Lucerne, ils gardent fièrement et fidèlement le vieil écusson de France à demi brisé. On cherche à les surprendre; des individus, armés de crocs, s'efforcent de les entraîner par leur fourniment: vains efforts. Puis, subitement, sans qu'on sache qui l'a tiré, un coup de pistolet retentit. Les Suisses font une décharge. Les assaillants, sans essayer de riposter, se dispersent de tous les côtés en désordre, abandonnant leurs canons, évacuant la cour, dégageant le Château, ne se croyant en sûreté que lorsqu'ils sont rendus dans leurs quartiers et montrant, par cette fuite précipitée, ce que valait leur courage, et ce qu'on eût pu faire, si l'on avait tenté de résister.

Mais le Roi ne veut pas continuer la lutte: il a horreur de répandre le sang. De sa prison du Logographe, il envoie M. d'Hervilly, avec l'ordre de suspendre le feu et d'évacuer le Château. Dociles à ces instructions, les Suisses se replient en bon ordre à travers le jardin. Un nouveau message du Roi leur fait déposer les armes [1278].

Braves contre des adversaires qui ne se défendent pas, les Marseillais reviennent à la charge, se ruent dans le Château, pillent tout, cassent tout [1279], s'acharnent principalement contre ce qui a appartenu à la Reine [1280], brisent les glaces «dans lesquelles Médicis-Antoinette a étudié trop longtemps l'air hypocrite qu'elle montrait au public [1281]», achèvent les blessés, tuent à coups de piques et de sabres les serviteurs du palais et jusqu'au dernier marmiton [1282], incendient les casernes des Suisses [1283] et les écuries du Roi [1284], enfoncent les caves, se grisent de vin et de sang. Les massacres du jardin et de la rue répondent aux massacres du Château: les malheureux Suisses désarmés sont assaillis, mutilés, égorgés; Clermont-Tonnerre est assassiné, et la tête de Suleau est portée au bout d'une pique par Théroigne de Méricourt!

Couverts de sang, ivres d'orgies, les vainqueurs d'une royauté qui n'a pas voulu se défendre paraissent à la barre de l'Assemblée et demandent ou plutôt exigent la déchéance. L'Assemblée s'incline devant la volonté des nouveaux maîtres de la France; le président Vergniaud donne lecture d'un décret qui suspend le Roi de ses fonctions jusqu'à la réunion d'une Convention nationale et décide que la famille royale sera transférée au Luxembourg, sous la sauvegarde des citoyens et des lois, et qu'on nommera un gouverneur au Prince royal.

En attendant, le Roi ne devant plus être entouré que de gardes nationaux, on intime aux fidèles, qui l'accompagnent et le protègent encore, l'ordre de se retirer. Les dévoués serviteurs s'éloignent tristement; mais le comte de Chabot, qui fait partie de la garde nationale, court revêtir son uniforme et revient se mettre en faction à la porte de la tribune du Logographe [1285].

Du fond de sa prison, le Roi voit les pétitionnaires se succéder à la barre, les mains ensanglantées, l'injure à la bouche; il voit déposer sur le bureau les dépouilles des Tuileries; il entend discuter et proclamer sa déchéance; il reste impassible et résigné. La Reine conserve sa fière attitude; sa lèvre se plisse avec un sourire de dédain pour tous ces misérables qui l'outragent avant de la tuer. Une seule disposition du décret l'émeut: c'est celle qui décide qu'on nommera un gouverneur au prince royal; elle prie plusieurs députés de chercher à parer ce coup qui lui est si sensible; ils y réussissent d'autant plus facilement, dit Mme de Tourzel, que «l'Assemblée qui projette l'établissement de la république s'embarrasse peu de donner un gouverneur à Monseigneur le Dauphin [1286]». Mme Élisabeth baisse la tête; Madame Royale pleure; le Dauphin, brisé de fatigue, s'est endormi sur les genoux de sa mère. La chaleur est suffocante; on étouffe dans ce réduit sans espace et sans air. Le visage du pauvre enfant est inondé de sueur; la Reine veut l'essuyer; mais son mouchoir est lui-même trop trempé; elle demande celui de M. de la Rochefoucauld qui se trouve près d'elle; ce mouchoir est teint du sang de ses défenseurs [1287]!

Vers deux heures du matin [1288], la famille royale est transférée au couvent des Feuillants, situé près de la salle de l'Assemblée. On se met en marche à travers le jardin, au milieu des brigands dont les piques dégouttent de sang, à la lueur des chandelles fumeuses qui, plantées dans le canon des fusils, projettent sur toute cette scène une lueur sinistre. Un instant, la Reine a peur pour son fils; elle le prend vivement des mains de M. d'Aubier qui le porte, et le serre convulsivement sur son cœur. L'enfant, rassuré, dit gaiement: «Maman m'a promis de me coucher dans sa chambre parce que j'ai été bien sage avec ces vilains hommes [1289]

Quatre chambres, ou plutôt quatre cellules, inhabitées depuis plus de deux ans, avec un carrelage en briques à demi détruit et des murs blanchis à la chaux, tel était le nouveau palais du Roi et de la Reine de France. L'architecte de l'Assemblée y avait fait à la hâte porter quelques meubles. Les cellules s'ouvraient toutes sur un long corridor, dont les issues étaient strictement gardées. Le Roi s'établit dans la seconde cellule; la Reine et Madame Royale, dans la troisième; le Dauphin et Mme de Tourzel, dans la quatrième. La première servait d'antichambre; quelques vaillants serviteurs y veillaient sur la royauté déchue. Un souper improvisé fut servi; les enfants seuls y touchèrent. Au dehors, la foule grondait; on réclamait la tête de la Reine. «Que leur a-t-elle donc fait?» demanda tristement le Roi [1290].

Des misérables avaient pénétré jusque dans le corridor qui précédait la chambre du prince, en criant qu'ils l'égorgeraient s'il y avait dans Paris le moindre mouvement en sa faveur. D'autres essayaient d'escalader les fenêtres basses, sans volets ni grilles; ils montaient sur les épaules les uns des autres, pour «raccourcir le gros Veto [1291]». La Reine vint un moment dans la cellule de son mari; à cette heure encore, elle ne pouvait se consoler d'avoir quitté le Château sans essayer de résister: «Peut-être, dit-elle, cela aurait-il tourné autrement, si l'on avait fait attaquer de bonne heure les Marseillais.»—«Par qui» répondit Louis XVI avec un peu d'humeur. La malheureuse femme n'insista pas; au bout de quelques instants, elle retourna dans sa chambre, triste réduit tendu d'un papier vert défraîchi, et se jeta sur son lit, une dure couchette de moine [1292]. Mais, hélas! le sommeil ne visitait guère ses paupières. Ce ne fut que le matin, vers six heures, qu'elle put s'endormir un moment de ce sommeil lourd et si peu réparateur qui suit les grands brisements. Pour ne pas l'éveiller, Mme Élisabeth habilla elle-même les enfants; quand ils furent prêts, elle les amena à leur mère: «Pauvres enfants,» soupira l'infortunée souveraine, «qu'il est cruel de leur avoir promis un si bel héritage et de dire: Voilà ce que nous leur laissons. Tout finit avec nous [1293]

Dans la précipitation du départ, on n'avait rien pu emporter des Tuileries, et depuis, les appartements avaient été pillés; la malheureuse famille royale n'avait plus rien, ni habits ni argent. On avait volé à Marie-Antoinette sa montre et sa bourse dans le trajet de l'Assemblée aux Feuillants [1294]. Un officier suisse, à peu près de la même taille que Louis XVI, envoya quelques objets pour servir au Roi; la duchesse de Gramont fit parvenir un peu de linge à la Reine; l'ambassadrice d'Angleterre, la duchesse de Sutherland, dont le fils avait le même âge que le Dauphin, donna des vêtements pour le jeune prince [1295], et la fille de Marie-Thérèse, n'ayant plus rien, dut accepter vingt-cinq louis d'une de ses femmes, Mme Auguié [1296].

Le matin, un certain nombre de femmes de la Reine, Mme Campan et sa sœur entre autres, purent la rejoindre. Elle leur tendit les bras en pleurant: «Venez, leur dit-elle, venez, malheureuses femmes, voir une femme plus malheureuse que vous, puisque c'est elle qui fait votre malheur.»—«Nous sommes perdus, ajouta-t-elle; nous voilà arrivés où l'on nous a menés, depuis trois ans, par tous les outrages possibles; nous succomberons sous cette terrible Révolution. Tout le monde a contribué à notre perte [1297]

Pendant trois jours, la famille royale demeura dans le couvent des Feuillants. Pendant trois jours, chaque matin, à dix heures, on la conduisit dans la misérable loge qui l'avait abritée au sortir du Château. Pendant trois jours, le Roi vit les pétitionnaires se succéder à la barre, demander la tête des Suisses qui avaient échappé au massacre ou exiger impérieusement sa propre déchéance. Il entendit l'Assemblée accorder une solde aux héros du 10 août, tandis quelle mettait en accusation le ministre de la guerre, d'Abancourt, et préluder à l'abolition de la royauté, qui légalement existait encore, en ordonnant le renversement des statues des Rois. Pendant trois jours, le monarque fut soumis à cette effroyable torture. Pendant trois jours, chaque soir, les prisonniers furent reconduits à leur cachot, sous l'escorte d'une garde nombreuse qui les défendait à peine de l'assassinat, mais qui ne les défendait pas des outrages. Un jour, dans le jardin du couvent, un jeune homme bien vêtu s'approcha de la Reine et, lui mettant le poing sous le nez: «Infâme Antoinette, dit-il, tu voulais faire baigner les Autrichiens dans notre sang; tu le paieras de ta tête!» A cette atroce insulte, la Reine ne répondit que par le silence du mépris [1298].

L'Assemblée avait décidé que la famille royale serait transférée au Luxembourg; mais le palais de Marie de Médicis ne parut pas assez sûr pour conserver de pareils otages: le Luxembourg, dit-on, offrait des moyens d'évasion par les souterrains qu'il renfermait. La Commune de Paris voulait les prisonniers plus près et plus dépendants d'elle. On proposa l'hôtel du Chancelier, place Vendôme; la proposition fut repoussée. Manuel, au nom de la Commune, vint signifier qu'elle avait fait choix du Temple; et l'Assemblée, s'inclinant devant le pouvoir nouveau que l'émeute avait élevé sur les ruines de la monarchie, s'empressa de déclarer que la famille royale serait enfermée au Temple. Quand la Reine entendit ce nom, elle frémit; je ne sais quel pressentiment sinistre l'agitait et, se penchant vers Mme de Tourzel: «Vous verrez, dit-elle, qu'ils nous mettront à la Tour et qu'ils en feront une véritable prison... J'ai toujours eu une telle horreur pour cette tour que j'ai prié mille fois le comte d'Artois de la faire abattre; c'était sûrement un pressentiment de tout ce que nous y aurons à souffrir..... Vous verrez si je me trompe [1299]

Hélas! elle ne se trompait pas.

L'Assemblée décida en même temps que toutes les personnes étrangères à la domesticité du Roi seraient éloignées de lui. «Ah!» s'écria l'infortuné prince, «je suis donc prisonnier! Charles Ier fut plus heureux que moi: on lui laissa ses amis jusque sur l'échafaud [1300]!» Et se tournant vers ceux qui l'entouraient, il leur ordonna de se retirer: «Messieurs,» leur dit la Reine, les larmes aux yeux, «ce n'est que dans ce moment que nous sentons toute l'horreur de notre position; vous l'adoucissiez par votre présence et votre dévouement, et l'on nous prive de cette dernière consolation [1301]

Avant de partir, les dévoués serviteurs déposèrent sur une table l'or et les assignats qu'ils avaient dans leurs poches: ils savaient que la famille royale manquait de tout. Le Roi s'en aperçut et, repoussant doucement de la main ce suprême hommage de la fidélité: «Messieurs, dit-il, gardez vos portefeuilles; vous avez, j'espère, plus longtemps à vivre [1302]

Le 13 août, à six heures du soir [1303], deux grandes voitures de la Cour, attelées chacune de deux chevaux, s'arrêtent à la porte du couvent des Feuillants; les cochers et les valets de pied sont vêtus de gris; c'est la dernière fois qu'ils vont servir leurs maîtres déchus. Le Roi, la Reine, leurs enfants, Mme Élisabeth, la princesse de Lamballe, Mme de Tourzel et sa fille, le maire, le procureur de la Commune et un officier municipal montent dans la première voiture. Le Roi, la Reine, le Dauphin et Madame sont dans le fond [1304]; Mme Élisabeth, Mme de Lamballe et Pétion, sur le devant; Mme de Tourzel et sa fille, à l'une des portières; Manuel et le municipal Collonge, sur la banquette en face [1305]. Oublieux des plus vulgaires égards, ces deux hommes et Pétion gardent leur chapeau sur la tête. Dans le second carrosse s'installent deux officiers municipaux et la suite de la famille royale. Le Roi conserve un visage impassible; la Reine est sombre; le Dauphin, avec l'insouciance de son âge, tourne les yeux de tous côtés pour voir la foule [1306].

Le cortège se met en mouvement. Des gardes nationaux, à pied, l'arme renversée, entourent les voitures; mais des milliers de brigands [1307], armés de piques, se mêlent à l'escorte, vomissant des injures et des blasphèmes; parfois l'encombrement est si grand que les chevaux ne peuvent avancer. Alors Pétion et Manuel mettent la tête à la portière, pour réclamer le passage, mais ne font rien pour empêcher les insultes.

Sur la place Vendôme, le carrosse du Roi s'arrête; on veut que le monarque déchu contemple à loisir la statue de Louis XIV qu'une populace en délire a renversée de son piédestal. «Voilà, Sire, comme le peuple traite les rois,» dit Manuel.—«Il est heureux, Monsieur,» réplique Louis XVI, rouge d'indignation, «que sa fureur ne s'exerce que sur des objets inanimés [1308]

Le cortège reprend par les boulevards [1309] sa marche lente et sans cesse embarrassée par des obstacles. Ce long martyre va durer près de deux heures et demie [1310]. Les voitures avancent au pas, au milieu des masses compactes et hostiles qui crient: Vive la nation! A bas le Roi! Les officiers municipaux, chargés d'escorter les prisonniers, affectent de s'associer à ces cris et même de les provoquer. «Il est impossible, dit un témoin oculaire non suspect, de décrire cette ignominie [1311]

La nuit se fait déjà lorsqu'on arrive au Temple. Par une odieuse ironie, les fenêtres sont illuminées comme pour une fête; le salon est éclairé par une infinité de bougies [1312], et c'est à la lueur sinistre des lampions qui insultent à sa déchéance que la famille royale fait son entrée dans la cour du Palais. Santerre le premier vient au devant d'elle et fait signe aux voitures d'avancer jusqu'au perron; mais un geste des municipaux contremande l'ordre de Santerre et les augustes prisonniers doivent descendre au milieu de la cour. Les membres de la Commune se tiennent près du Roi, le chapeau sur la tête, et ne lui donnant d'autre titre que celui de Monsieur; un homme à longue barbe, nommé Truchon, affecte même de répéter à tous propos cette qualification.

La foule hurle aux abords du Palais; pour éclairer sa joie bruyante et mieux mettre en lumière la défaite de la royauté, on a placé des lampions sur les parties saillantes des murs extérieurs [1313].

Il est huit heures et demie du soir; les portes se referment avec un bruit lugubre, et dans ce palais, transformé pour elle en cachot, la famille royale ne va pas tarder à voir se réaliser cette prophétique parole d'un de ses plus fidèles amis:

«L'histoire nous apprend combien est court, pour les monarques détrônés, le passage de la prison à la tombe [1314]


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