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Histoire de Marie-Antoinette, Volume 2 (of 2)

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Progrès de la Révolution.—Le serment du Jeu de Paume.—La séance royale du 23 juin.—Prise de la Bastille.—Départ du comte d'Artois et des Polignac.—Le Roi va à Paris, le 17 juillet.—La nuit du 4 août.—Désordres en province.—Lettres de la Reine à Mme de Polignac.—Menaces de Paris contre Versailles.—Malouet propose vainement de transférer l'Assemblée à Compiègne.

Les tristesses du père ne pouvaient faire diversion aux préoccupations du roi. Les difficultés, nées dès le début, s'aggravaient chaque jour et les dissentiments s'accentuaient. Le Tiers, d'une part, la Noblesse et le Clergé, de l'autre, étaient en lutte ouverte, et les efforts de Louis XVI pour amener l'entente avaient échoué. Le débat s'aigrissait de toutes les prétentions des uns, de toute la résistance des autres. Les hommes étaient rares qui voulaient, comme Malouet, travailler à la réunion des Ordres, sans l'imposer, par un accord commun. Le 17 juin, sur une motion de Siéyès, le Tiers, à la majorité de 491 voix contre 90, se déclarait Assemblée nationale. Devant cet empiétement, qui, suivant le mot juste de Malouet, affichait «une scission désastreuse [52]» le gouvernement ne pouvait pas garder le silence; il annonça une séance royale pour le 22 juin et fit, en conséquence, fermer jusqu'à ce jour la salle des Menus. Lorsque, le 20 juin, le Tiers se présenta à la porte de la salle, des soldats lui en interdirent l'entrée. Sur la proposition du docteur Guillotin [53], les députés des Communes se réunirent dans la salle du Jeu de Paume. Irrités des refus qu'ils avaient essuyés, exaspérés par les bruits alarmants que la malveillance ne cessait de répandre sur les intentions de la Cour [54], emportés par un de ces entraînements contagieux auxquels résistent difficilement les assemblées nombreuses, ils firent le serment de ne pas se séparer avant d'avoir donné, avec ou sans le Roi, sans s'inquiéter même de son assentiment, une constitution à la France [55]. Prétention audacieuse [56], que n'autorisaient ni les instructions de leurs mandants [57], ni les traditions du pays, ni les principes constitutifs des États généraux; «serment fatal»—le mot est de Mounier [58],—que ne tarda pas à regretter et à désavouer celui-là même qui en avait été le promoteur. Le courant était si irrésistible qu'un seul député, Martin, d'Auch, osa s'y opposer, et la populace, qui commençait déjà à affirmer la puissance, bientôt prédominante, de la rue, faillit lui faire payer cher cette courageuse et consciencieuse résistance [59].

S'il faut en croire Malouet, il était temps encore, avec de l'énergie, avec un plan arrêté [60], de mettre un terme à des empiétements dont l'audace compromettait le succès des réformes sages et pacifiques, réclamées par les cahiers. Necker ne sut prendre que des demi-mesures, dont l'imprudente faiblesse était un encouragement pour les meneurs, en leur assurant, comme on l'a dit justement, une impunité qu'ils attribuaient à l'impuissance de punir [61]. La séance royale fut remise d'un jour; elle eut lieu le 23 juin, avec l'appareil, plus irritant qu'imposant, d'un lit de justice [62]. Des soldats et des gardes du corps environnaient la salle des États, et la forme impérative, employée par le Roi à plusieurs reprises, froissa les représentants du Tiers, surexcités par leur exaltation même et rendus plus forts par l'adhésion de 149 membres du Clergé, qui, la veille, étaient venus se joindre à eux.

Le texte du discours, rédigé par Necker, avait été modifié au dernier moment dans un conseil [63], auquel avaient assisté Monsieur et le comte d'Artois, suspects au parti populaire. Mécontent de ces changements, qu'il désapprouvait, le ministre en profita pour s'abstenir d'assister à la séance royale, sacrifiant ainsi son devoir à sa popularité et paralysant le gouvernement, dont il était encore membre. Malgré des lacunes regrettables, la déclaration du Roi constituait un très réel progrès; elle réalisait une partie considérable des réformes réclamées par les cahiers et posait des principes qui, régulièrement et sagement développés, eussent conduit la France, lentement peut-être, mais sûrement, à la possession de ce régime constitutionnel dont elle poursuit vainement, depuis un siècle, l'établissement. Le consentement de l'emprunt et de l'impôt par les États, la publication chaque année du tableau des recettes et dépenses, la renonciation de la Noblesse aux privilèges pécuniaires, la garantie de la liberté personnelle et de la liberté de la presse, la suppression des douanes intérieures, la réforme de l'administration et de la justice, l'abolition de la taille et de la corvée, le remaniement de l'impôt du sel, la fondation d'États provinciaux, où le Tiers devait avoir double représentation, où les délibérations devaient avoir lieu en commun, étaient ou accordés ou promis. «Qu'on relève les déclarations de Louis XVI à la séance du 23 juin, a dit un écrivain distingué, on y verra le principe, le développement même de toutes les réformes politiques qui ont été écrites depuis dans les éditions si souvent renouvelées de nos constitutions et de nos chartes [64].» Mais le prince conservait la distinction des trois Ordres, et à un moment où la lutte entre ces Ordres et l'irritation contre les deux premiers tenaient le premier rang dans les préoccupations publiques, il se contentait d'inviter la Noblesse et le Clergé à délibérer en commun avec le Tiers «dans les affaires qui regardaient le bien général». Il restait dans le vague sur la question si débattue de la constitution et de la périodicité désirée des États généraux, maintenait les droits féodaux, gardait le silence sur l'admissibilité de tous aux emplois publics. Enfin, il laissait entendre que si, par des prétentions exagérées ou des difficultés hors de propos, l'accord entre les États et la royauté était rendu impossible, il était décidé à accomplir seul les réformes. «Toute défiance de votre part, disait-il, serait une grande injustice. C'est moi, jusqu'à présent, qui ai fait tout pour le bonheur de mes peuples, et il est rare peut-être que l'unique ambition d'un souverain soit d'obtenir de ses sujets qu'ils s'entendent enfin pour accepter ses bienfaits.»

Ce ton personnel et quelque peu menaçant, malgré tout ce qu'il y avait, au fond, de paternel dans la déclaration, irrita vivement des hommes tout enivrés encore de leur puissance nouvelle, mis en méfiance d'ailleurs par l'absence du ministre populaire. Le Roi fut écouté dans un morne silence. Lorsqu'il sortit, après avoir ordonné à l'assemblée de se séparer immédiatement, le Clergé et la Noblesse seuls le suivirent; les membres du Tiers restèrent dans la salle. «Messieurs,» s'écria Mirabeau, rendant ainsi un involontaire hommage aux généreuses et patriotiques intentions du souverain, «Messieurs, j'avoue que ce que vous venez d'entendre pourrait être le salut de la patrie, si les présents du despotisme n'étaient pas toujours dangereux.» La défiance était ainsi ranimée, les mécontentements réveillés, et lorsque le grand-maître des cérémonies, le marquis de Brézé, vint rappeler les ordres du Roi: «Nous sommes ici par le vœu de la nation, répondit encore Mirabeau: la force matérielle seule pourrait nous faire désemparer [65].» Et l'Assemblée, donnant raison au tribun qui, malgré la répugnance qu'il avait inspirée tout d'abord, commençait à conquérir sur elle une influence prépondérante, refusa de se séparer et se proclama inviolable.

Ainsi était manqué l'effet de cette journée, d'où eût pu dater, sans secousses, l'ère de la liberté. Le soir, Necker donna sa démission. La Reine manda le ministre et le conjura de reprendre sa place. C'était elle qui l'avait fait rentrer au ministère; c'était elle qui lui demandait d'y rester. Le Roi ajouta le poids de son autorité aux instances de sa femme, et Necker donna un consentement qui s'accordait peut-être avec ses désirs secrets et qui lui valut un triomphe populaire [66].

Mais ce retour de Necker n'était que momentané. Louis XVI ne pouvait guère reprendre en lui une confiance absolue, après son attitude au 23 juin, et d'ailleurs sa naturelle irrésolution l'empêchait lui-même de suivre une ligne bien fixe. Les conseils contradictoires se pressaient autour de lui; le malheureux prince flottait au milieu de ces contradictions, penchant tantôt vers les concessions, tantôt vers la résistance, et détruisant souvent le lendemain ce qu'il avait fait la veille. Après avoir maintenu, le 23 juin, le droit pour les Ordres de délibérer à part, il engageait la Noblesse à se réunir au Tiers. Cette réunion eut lieu en effet le 28 juin, au milieu d'une explosion de joie. Versailles prit un air de fête; des cris de Vive le Roi! furent poussés sous les fenêtres du Château; et la Reine elle-même eut, ce jour-là, sa part des acclamations. L'enthousiasme était universel, et l'on entendait des naïfs s'écrier que la révolution était finie.

L'illusion ne dura pas longtemps, et cette réunion tardive ne rendit la paix ni à l'Assemblée ni à la France. Bientôt, la fièvre qui embrasait les têtes, l'agitation qui menaçait de descendre dans la rue, les violences même dont quelques membres du Clergé et de la Noblesse avaient failli être victimes pour avoir résisté aux injonctions populaires, la récente insurrection des gardes françaises, avaient fait sentir le besoin d'avoir à la disposition du gouvernement une force suffisante. Le Roi réunit des troupes autour de Versailles, sous le commandement d'un des héros de la guerre de Sept ans, le maréchal de Broglie. Mais la désorganisation générale, qui avait envahi la société tout entière, n'avait pas épargné l'armée: «On n'est pas sûr des soldats,» écrivait, dès le 26 juin, le comte de Fersen [67]. Quoi qu'il en soit, au lieu de calmer les têtes, cette concentration de forces les exaspéra; l'Assemblée feignit de s'en alarmer et d'y voir un attentat contre son indépendance [68]. Elle réclama, par l'organe toujours enflammé de Mirabeau, le retrait des troupes. Le Roi, tout en protestant contre le projet de coup d'Etat qu'on lui prêtait, proposa de transférer les Etats à Soissons ou à Noyon. Peut-être y avait-il là une solution. L'Assemblée, éloignée des excitations de Paris, se fût montrée moins ardente, et le prince, qui ne demandait qu'un accord avec elle, eût vraisemblablement conclu cet accord. «Mais, disait Gouverneur Morris, en enregistrant cette nouvelle et en émettant cette hypothèse, le mal est plus avancé que les conseillers du Roi ne se l'imaginent, et il faut maintenant que les événements aient leur cours [69]

Quelle avait été, dans toutes ces mesures, la part de la Reine? En l'absence de documents positifs, émanés d'elle ou de ses confidents, il est assez difficile de l'établir d'une manière bien nette. En général, il faut se méfier singulièrement, pendant cette période tourmentée, des auteurs de mémoires ou de chroniques, qui supposent souvent sans raison et affirment sans autorité. On affecte habituellement de confondre dans un même parti, et les meneurs, à cette époque, confondaient dans une même haine la Reine et le comte d'Artois. Il ne faudrait pas oublier cependant qu'à l'occasion de la convocation des États généraux, un dissentiment grave avait éclaté entre Marie-Antoinette et son beau-frère. M. de Ségur raconte même que, dans la première entrevue qu'il eut avec la Reine, à son retour de Russie, cette princesse, après un long entretien où elle s'était exprimée avec une tristesse pleine de dignité [70], mais «sans aigreur», contre ceux de ses amis qui étaient alors à la tête du parti populaire, ajouta: «Je vois que, d'après ce qu'on vous a dit, vous me croyez fort éloignée de votre opinion. Mais demain vous aurez de mes nouvelles, et vous verrez que je ne suis pas aussi déraisonnable qu'on le suppose.» Et le lendemain, en effet, elle lui fit remettre par Mme Campan un paquet cacheté qui contenait un écrit de Mounier, le chef incontesté des constitutionnels modérés [71]. Toutefois, étant données la fierté du caractère de la Reine et la haute opinion qu'elle se faisait du pouvoir royal, il est permis de penser qu'elle fut plutôt pour la résistance que pour les concessions. Mais il est probable aussi qu'absorbée alors dans la douleur causée par la perte récente de son fils, elle songeait plus aux larmes qu'à la politique, et que les chagrins de la mère entravèrent singulièrement, s'ils n'empêchèrent pas complètement, l'activité de la souveraine.

Le 11 juillet, Necker recevait, sous une forme d'ailleurs très douce [72] l'ordre de donner sa démission, ou plutôt l'autorisation de se retirer, et s'éloignait en silence, avec une incontestable noblesse. Un nouveau ministère était constitué, sous la présidence du baron de Breteuil, avec le maréchal de Broglie à la guerre et M. Foulon au contrôle général. Cette nouvelle, promptement répandue, jette une extrême effervescence dans Paris. La foule se réunit au Palais-Royal, centre habituel des agitations. Camille Desmoulins s'élance sur une table, un pistolet à la main, arrache une feuille à un arbre pour s'en faire une cocarde, et tonne contre les ennemis de la nation. On porte en triomphe les bustes de Necker et du duc d'Orléans; on couvre d'imprécations les noms du comte d'Artois et de la Reine, auxquels on attribue le renvoi du ministre populaire. On assaille à coups de pierres les troupes réunies sur la place Louis XV. Le prince de Lambesc, irrité de voir ses hommes lapidés sans défense et menacés par la foule qui remplit les Tuileries, pénètre dans le jardin, avec un détachement, pour le faire évacuer. La foule s'enfuit, redoublant le désordre par sa précipitation et le tumulte par ses cris. Le bruit se répand partout qu'on égorge les citoyens inoffensifs; à défaut du cadavre qu'on trouve toujours dans les révolutions, on exhibe un blessé, et les soldats, auxquels les ordres les plus pacifiques ont été donnés, passent dans l'imagination populaire pour les massacreurs de peuple [73]. La multitude se porte à l'Hôtel-de-Ville, réclamant le tocsin et des armes; les gardes françaises prennent parti pour l'émeute [74] et marchent contre les troupes royales, que leur commandant, le baron de Besenval, irrésolu et sans ordres, fait replier sur Versailles.

Le lendemain l'agitation redouble. Tandis que les électeurs, réunis à l'Hôtel-de-Ville, décrètent la formation d'une milice parisienne, bientôt célèbre sous le nom de garde-nationale, l'émeute pille la maison des Lazaristes, qu'elle accuse d'accaparements, relâche les prisonniers de Sainte-Pélagie, saccage le garde-meuble, et dresse des barricades dans les rues. En face de ce désordre permanent et croissant, le gouvernement demeure dans une incroyable inertie.

Enhardie par l'impunité, encouragée tacitement par l'Assemblée qui, au milieu de la fermentation de la capitale, continue à réclamer le renvoi des troupes, la foule ne se borne plus aux exploits faciles de l'incendie des barrières et du pillage des couvents. Le 14 juillet, au matin, elle se porte aux Invalides, pour y chercher les armes qui lui manquent. Le gouverneur, Sombreuil, veut fermer les portes; les invalides eux-mêmes les ouvrent et livrent les fusils. L'esprit de révolte souffle partout. Les bandes, désormais armées, s'élancent sur la Bastille. Après un siège, qui n'est qu'une misérable parodie, après des négociations étranges qu'il serait trop long de rapporter ici, la vieille forteresse, si terrible en apparence, si faible en réalité, sans autre garnison que trente-deux Suisses et quatre-vingt-deux invalides qui ne veulent pas se battre, sans munitions, presque sans canons, la vieille forteresse est prise, disons mieux, elle se rend sans avoir été défendue. Sans ordres et sans secours, le gouverneur, ou plutôt la garnison, capitule. La foule, qui s'est enfuie, au seul coup de canon tiré de la Bastille, se précipite dans l'enceinte de la forteresse, dès qu'il n'y a plus même l'apparence d'un danger à craindre; elle égorge les principaux officiers, les invalides, le gouverneur lui-même, de Launay, dont la tête, arborée au bout d'une pique, sert de trophée aux vainqueurs de la journée, avec celle du prévôt des marchands, Flesselles, qu'on est allé égorger à l'Hôtel-de-Ville [75].

La Terreur était commencée: c'est un témoin oculaire, un des hommes les plus modérés et les plus clairvoyants de ce temps, qui l'a dit [76]. Le meurtre de de Launay et de Flesselles était le prélude; la bête populaire était lâchée; enivrée par l'odeur du sang, elle s'apprêtait à en verser d'autre. «Si la Cour avait été à Paris au lieu d'être à Versailles, écrit Malouet, ce sont les ministres et les princes qu'on aurait massacrés, au lieu de Foulon, de Berthier et de de Launay [77].» Le Palais-Royal avait dressé la liste des victimes, les égorgeurs étaient prêts. Le comte d'Artois, les Condé, les Polignac, le baron de Breteuil, le maréchal de Broglie, Foulon, Berthier, bien d'autres encore étaient inscrits sur la liste fatale. «Prince,» avait dit au comte d'Artois le duc de Liancourt, qui revenait de Paris, «votre tête est proscrite; j'ai lu l'affiche de cette terrible proscription [78].» A Versailles même, le prince avait été insulté plusieurs fois [79] et Mme Campan avait entendu un homme déguisé dire à une femme voilée: «La duchesse est encore à Versailles; elle est comme les taupes, elle travaille en dessous, mais nous saurons piocher pour la déterrer [80]

Devant ces menaces, qui pouvaient sitôt devenir de sanglantes réalités, le Roi s'émut; il engagea son frère à chercher hors de France une sécurité qu'il se sentait impuissant à lui assurer. La Reine en fit autant pour son amie. Le 16 juillet, à huit heures du soir, elle envoya chercher le duc et la duchesse de Polignac et les pria instamment de partir dans la nuit même. Ils s'y refusèrent longtemps. Enfin la Reine, ne sachant par quel moyen les déterminer et «frémissant de chaque instant qui suspendait leur départ», dit à son amie en versant un torrent de larmes: «Le Roi va demain à Paris; si on lui demandait..... Je crains tout; au nom de notre amitié, partez. Il est encore temps de vous soustraire à la fureur de mes ennemis; en vous attaquant, c'est bien plus à moi qu'on en veut qu'à vous-mêmes; ne soyez pas la victime de votre attachement et de mon amitié.» Le Roi entra dans cet instant, et la Reine lui dit: «Venez, Monsieur, m'aider à persuader à ces honnêtes gens, à ces fidèles sujets, qu'ils doivent nous quitter.» Le Roi, s'approchant du duc et de la duchesse, les assura que ce conseil de la Reine était le seul à suivre; il ajouta: «Mon cruel destin me force d'éloigner de moi tous ceux que j'estime et que j'aime. Je viens d'ordonner au comte d'Artois de partir; je vous donne le même ordre. Plaignez-moi; mais ne perdez pas un seul moment; emmenez votre famille. Comptez sur moi dans tous les temps; je vous conserve vos charges.»

...... A minuit, la duchesse reçut ce petit mot de la Reine: «Adieu, la plus tendre des amies! Que ce mot est affreux! Mais il est nécessaire. Adieu! je n'ai que la force de vous embrasser [81]

Quels qu'eussent été les refroidissement des dernières années, Marie-Antoinette ne pouvait voir, sans un déchirement de cœur, s'éloigner cette amie à laquelle l'unissaient quinze ans d'affection et tous les souvenirs de sa vie heureuse. C'était le premier lien qui se brisait; c'était l'amitié qui devait fuir devant les préventions et le meurtre: triste et trop intelligible présage du sort réservé à la Reine elle-même. La veille, une femme, voilée de noir, n'avait-elle pas dit à Mme Campan: «Dites à votre Reine qu'elle ne se mêle plus de nous gouverner. Qu'elle laisse son mari et nos bons États généraux faire le bonheur du peuple.»—«Oui,» avait repris un homme manifestement travesti en fort de la Halle, «répétez-lui qu'il n'en sera pas de ces États généraux comme des autres, qui n'ont rien produit de bon pour le peuple...... Dites-lui bien cela, entendez-vous [82]?» Ainsi, la malveillance populaire s'obstinait à voir en la Reine seule l'obstacle aux réformes, et si le peuple ne trouvait pas ce bonheur, qu'on lui promettait si bruyamment avec plus de témérité que de sagesse, c'était elle qu'il en devait accuser.

La duchesse de Polignac, en arrivant à Bâle, rencontra Necker, auquel elle donna la première nouvelle de son rappel, bientôt confirmée par l'arrivée d'un courrier royal [83]. Effrayé de cette révolte de Paris qui, suivant le mot du duc de Liancourt, s'élevait à la hauteur d'une révolution, déterminé à ne pas faire couler le sang pour sa querelle, Louis XVI avait cédé. Le 15, il était allé à l'Assemblée à pied, sans gardes, accompagné de ses deux frères, pour annoncer lui-même le retrait des troupes. A son retour, les applaudissements de la foule le saluèrent; les drapeaux flottaient dans les airs, les tambours battaient; les troupes, rangées sur la Place d'Armes, partageaient l'ivresse générale. La Reine parut au grand balcon, accompagnée de sa famille, tenant le Dauphin dans ses bras et Madame par la main. Peu après, les enfants du comte d'Artois furent amenés par leur gouverneur. Ils baisèrent la main de la Reine, qui se pencha vers eux, son fils dans les bras. Les deux jeunes princes embrassèrent leur cousin; la petite Madame, émue, joignit ses caresses à celles du duc d'Angoulême et du duc de Berry; et un moment toutes ces jeunes têtes blondes furent confondues dans un commun embrassement, dominées par la figure plus grave, mais souriante de la Reine. Ce fut un tableau touchant et un moment d'enthousiasme indescriptible [84]. Mais, dans le peuple qui se pressait au pied du balcon, cet enthousiasme se mêlait d'imprécations contre le comte d'Artois et aussi de sourds murmures contre la Reine. Louis XVI le vit et, ne voulant pas faire partager à son frère les dangers qu'il affrontait lui-même, il lui donna, comme nous l'avons dit, l'ordre de s'éloigner. Dans la nuit du 16 au 17, le comte d'Artois et ses enfants, le prince de Condé, le duc de Bourbon et le duc d'Enghien, prirent le chemin de la Belgique, où les derniers n'arrivèrent qu'après avoir échappé à grand peine aux furieux qui voulaient les jeter dans l'Oise [85]. Les ministres compromis dans le cabinet du 11 juillet, MM. de Barentin, de Villedeuil, de la Vauguyon, de Breteuil, l'abbé de Vermond [86], le prince de Lambesc, coupable d'avoir commandé, le 12 juillet, la charge du Royal-Allemand dans le jardin des Tuileries, suivirent cet exemple. Le maréchal de Broglie se retira dans son gouvernement des Trois-Évêchés, d'où les clameurs de la populace, ameutée contre lui, le forcèrent bientôt de fuir à Luxembourg [87].

Quelques jours plus tard, l'horrible assassinat d'un des ministres du 11 juillet. Foulon, et de son gendre Berthier, ancien intendant de l'Ile-de-France, ne justifiait que trop les sombres pressentiments du Roi et de la Reine et la nécessité de cette première émigration.

Un moment cependant, Louis XVI avait eu la pensée de tenir tête à l'insurrection. Il avait voulu quitter Versailles et se retirer à Metz, sous la protection des troupes auxquelles il venait de donner l'ordre de s'éloigner. La Reine y poussait vivement; déjà même elle avait fait ses préparatifs de départ, brûlé ses papiers, réuni ses diamants dans un coffret facile à emporter et remis à Mme Campan un ordre de l'accompagner pour servir d'institutrice à Madame. Un conseil eut lieu où le Roi posa nettement la question; les débats furent longs et animés; mais la majorité se prononça contre le départ [88]. Monsieur supplia le Roi de rester, et le maréchal de Broglie, interrogé à son tour, répondit: «Oui, nous pourrons aller à Metz; mais que ferons-nous, quand nous y serons [89]?» Devant ces prières de son frère, devant ces hésitations du commandant en chef de ses troupes, devant la perspective de la guerre civile qui pouvait suivre, Louis XVI renonça à son plan et la Reine, reprenant le papier qu'elle avait remis à Mme Campan, le déchira, les larmes aux yeux, en disant: «Lorsque je l'écrivis, j'espérais bien qu'il serait utile, mais le sort en a décidé autrement; je crains bien que ce ne soit pour notre malheur à tous.» Elle ne se trompait pas, et le Roi, plus tard, regretta le parti qu'il avait pris ce jour-là. «J'ai manqué le moment, disait-il tristement à Fersen, trois ans après, et depuis je ne l'ai plus retrouvé [90]

Au lieu de prendre la route de Metz, il fut décidé que le prince irait à Paris pour essayer de calmer les esprits. De tristes appréhensions agitaient son cœur et, avant de partir il tint à mettre en règle sa conscience de chrétien et de roi. Le chrétien entendit la messe et communia. Le roi remit confidentiellement à Monsieur un acte qui l'instituait lieutenant général du royaume, dans le cas où l'on attenterait à la vie ou à la liberté du souverain. Puis, le 17, à 9 heures du matin, Louis XVI partit: s'il n'avait pas le courage de l'initiative, il avait celui de la résignation. Douze gardes du corps seulement le suivaient, avec les ducs de Villeroy et de Villequier, le maréchal de Beauvau et le comte d'Estaing, sans princes du sang et sans ministres. Le reste de l'escorte était fourni par la garde nationale de Versailles, qui l'accompagna jusqu'à Paris. Là, on retrouva la garde nationale parisienne, encore en habits bourgeois, sous le commandement de Lafayette, à cheval. Une double file d'hommes armés, cent cinquante mille, dit-on [91], s'étendait du Point-du-Jour à l'Hôtel-de-Ville. Dans les rues, aux fenêtres, sur les toits même, une foule immense, impatiente et houleuse, des jeunes gens portant des piques ou des fusils de chasse, des moines même en armes, comme sous la Ligue [92], des poissardes portant d'énormes bouquets, sautant, gambadant, à moitié ivres, des musiciens jouant l'air: Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille? des canons couronnés de fleurs avec cette inscription: «Votre présence nous a désarmés.» Partout, aux chapeaux, aux bonnets, aux uniformes, à la statue même de Louis XV, la cocarde aux couleurs de la capitale, rouge et bleue [93].

A la barrière, le maire de Paris, Bailly, présenta au Roi les clefs de la ville sur un bassin de vermeil: «Sire, dit-il, j'apporte à Votre Majesté les clefs de sa bonne ville de Paris; ce sont les mêmes qui ont été présentées à Henri IV. Il avait reconquis son peuple; ici c'est le peuple qui a reconquis son roi.»

Bailly avait raison. C'était bien un vaincu, «un grand captif», dit le marquis de Ferrières, qui s'avançait lentement [94] à travers les rues de la cité, sans gardes, entouré de deux ou trois cents membres de l'Assemblée, «l'air triste et agité [95]», avec un cortège en désordre et «une pompe qui, aux yeux de tous, avait quelque chose de lugubre [96]». Les cris de Vive la Nation! qui retentissaient de toutes parts, à peu près seuls et sans le vieux cri français de Vive le Roi [97]! précisaient la situation. L'humiliation se consomma à l'Hôtel-de-Ville, où le Roi, après avoir passé sous une voûte menaçante d'épées entrelacées [98], confirma les pouvoirs décernés par l'émeute. Bailly présenta à Louis XVI la nouvelle cocarde, qui remplaçait pour les Parisiens l'antique cocarde royale. Le prince la prit, la mit à son chapeau et parut au balcon. Des applaudissements frénétiques éclatèrent, saluant le souverain désarmé et vaincu, et ce fut alors seulement que reparut le cri de Vive le Roi [99]! Ce n'était plus l'ivresse du dévouement; c'était l'ivresse du triomphe.

Le Roi le sentit; des larmes, qui n'étaient pas des larmes de joie, coulèrent de ses yeux, et ce fut l'air morne et le cœur serré, qu'il reprit la route de Versailles.

L'alarme était grande au Château; la Reine, quoiqu'elle fît «paraître un grand courage et une fermeté d'âme extraordinaire [100]», n'avait pu envisager sans inquiétude ce voyage à Paris; elle avait tout fait pour retenir son mari; elle l'avait supplié à genoux et en pleurant de renoncer à un projet qui présentait en effet tant d'incertitude et de dangers. N'essaierait-on pas de le garder prisonnier? Ne ferait-on pas pis encore? Et de fait, ces craintes n'étaient pas vaines. Lafayette ne se vantait-il pas, quelques jours plus tard, à Gouverneur Morris, d'avoir été seul maître, le 17 juillet, d'avoir pu, s'il l'avait voulu, retenir le Roi prisonnier, de l'avoir fait marcher dans les rues à sa fantaisie et d'avoir prescrit lui-même le degré d'applaudissements qu'il convenait de lui accorder [101]? Aux Champs-Élysées, n'avait-on pas vu une femme frappée d'une balle tirée dans la direction de la voiture du Roi, et ce fait, bien qu'il fût vraisemblablement l'effet du hasard, n'avait-il pas paru, à Bailly même, «extraordinaire [102]

La journée avait donc semblé bien longue à la pauvre Reine. Elle l'avait passée dans les transes et les larmes, enfermée dans ses cabinets, donnant l'ordre de tenir ses attelages prêts, s'essayant même à tracer le discours qu'elle irait adresser à l'Assemblée, si des factieux, dont on pouvait tout attendre, s'opposaient au retour du Roi et répétant sans cesse ces mots entrecoupés: «Ils ne le laisseront pas revenir [103]

Il revint cependant. A six heures du soir, le premier page, M. de Lastour, accourut à franc étrier, porteur de la bonne nouvelle. A neuf heures [104], le Roi rentrait lui-même, brisé de fatigue, mais se félicitant qu'aucun accident n'eût marqué ce voyage entrepris avec tant de craintes. «Heureusement, disait-il, il n'a pas coulé de sang; je jure qu'il n'y aura jamais une goutte de sang français versé par mon ordre [105].» La Reine se précipita au-devant de son mari avec le Dauphin [106] jusqu'au milieu de l'escalier [107]. En un instant, le prince fut dans les bras de sa famille. Sa femme, sa sœur, ses enfants l'entourèrent en pleurant de joie; les alarmes avaient été si vives que ce retour remplissait tout le monde de bonheur. On oubliait les inquiétudes de la journée; pouvait-on oublier celles du lendemain?

«Votre Majesté, avait dit Bailly au Roi, vient jouir de la paix qu'elle a rétablie dans sa capitale [108].» Cinq jours plus tard, le meurtre de Foulon et de Berthier avait montré sur quelle base était fondée cette paix et comment le peuple parisien comprenait le respect des lois. Arrêtées toutes deux loin de la capitale, ramenées à Paris par une populace furieuse, qui les abreuvait de mauvais traitements et d'insultes, abandonnées par ceux qui devaient les défendre [109], les deux malheureuses victimes étaient égorgées avec d'horribles raffinements de barbarie. Leurs têtes, placées au bout des piques, étaient promenées dans les rues, au milieu de chants et de danses de cannibales, et le cœur sanglant de Berthier était porté sous les yeux même des électeurs assemblés dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville. En province, l'agitation et les violences n'étaient pas moindres. Des bruits vagues, mais trop concordants pour n'être pas l'effet d'un mot d'ordre, jettent l'effroi dans les campagnes: des bandes de brigands, assure-t-on, vont venir piller les récoltes et incendier les blés. «Une terreur panique, dit un témoin non suspect, se répand le même jour dans toutes les parties du royaume [110].» Les femmes s'enfuient, les hommes prennent leurs armes; on court sus aux brigands imaginaires, et, ne les trouvant pas, on se rue contre ceux qu'on accuse de les avoir soudoyés. On démolit les châteaux; on pille les couvents; on brûle les registres et les titres; on massacre les nobles et tous ceux qu'on soupçonne, à tort ou à raison, d'être hostiles à la Révolution. L'autorité n'a plus d'action et l'anarchie règne en maîtresse. «Les propriétés, de quelque nature qu'elles soient, disait, le 3 août, le député Salomon au nom du Comité des rapports, sont la proie du plus coupable brigandage. De tous côtés, les châteaux sont brûlés, les couvents détruits, les fermes abandonnées au pillage; les impôts, les redevances seigneuriales, tout est anéanti; les lois sont sans force, les magistrats sans autorité, et la justice n'est plus qu'un fantôme, qu'on cherche inutilement dans les tribunaux.»

Il semblait que les décrets du 4 août, en abolissant les droits féodaux, eussent dû faire cesser des désordres qui n'avaient plus de prétexte. Il n'en fut rien: de nouveaux incendies, de nouvelles violences, de nouveaux massacres furent la seule réponse au généreux élan des privilégiés. Contre de tels excès, il eût fallu agir; l'Assemblée se contenta de parler. Mais ses proclamations, sans couleur et sans énergie, restaient sans effet. Toute puissante pour détruire, elle se trouvait sans force pour conserver. Et comment en aurait-elle eu? N'était-ce pas de sa tribune que partaient les excitations les plus violentes? N'avait-on pas entendu l'homme qui exerçait sur elle la plus incontestable influence s'écrier un jour: «Il faut des victimes aux nations; on doit s'endurcir aux malheurs publics et l'on n'est citoyen qu'à ce prix.»

Et au moment de l'assassinat de Foulon et de Berthier, Barnave n'avait-il pas dit ce mot qu'il devait si cruellement regretter: «Le sang qui coule est-il donc si pur?»

«Ma santé se soutient encore, écrivait la malheureuse Reine à la duchesse de Polignac; mais mon âme est accablée de peines, de chagrins et d'inquiétudes. Tous les jours j'apprends de nouveaux malheurs; un des plus grands pour moi est d'être séparée de tous mes amis; je ne rencontre plus de cœurs qui m'entendent.»—«Soyez tranquille, lui écrivait-elle une autre fois, l'adversité n'a pas diminué ma force et mon courage et m'a donné la prudence [111]

En attendant des jours meilleurs, elle avait pris, disait son frère, «le seul parti qui lui convenait, savoir: de vivre fort retirée et tout occupée de ses enfants [112]».

Necker était revenu le 28 juillet, au milieu des acclamations populaires [113]. Mais son retour n'avait rétabli ni les finances ni l'ordre; les dons patriotiques, l'envoi même de la vaisselle royale à la Monnaie, l'annonce de réformes importantes dans les Maisons du Roi et de la Reine n'avaient pas rempli le vide du trésor [114]. Les contributions ne rentraient pas; depuis le 4 août, les paysans se croyaient affranchis de tout impôt envers l'Etat, comme de toute redevance féodale. En politique, Necker n'était pas plus heureux; au mois de juillet comme au mois de mai, il n'avait aucun plan, et la crainte de compromettre sa popularité l'entraînait à des compromis qu'un homme d'Etat, même hostile, comme Mirabeau, n'eût pas voulu accepter. C'est ainsi que dans la grande et capitale discussion sur le Veto, on avait vu le tribun soutenir la prérogative royale qu'abandonnait le ministre. Mais cette soumission même ne suffisait pas. Le mot de Veto incompris devenait la qualification injurieuse et mortelle dont on affublait le Roi et la Reine. Le danger croissait d'heure en heure. Des lettres anonymes dénonçaient non seulement les députés favorables, mais tous ceux qui n'obéissaient pas aveuglément aux volontés du Palais-Royal [115].

«Tous les liens sont rompus, écrivait, le 3 septembre, le comte de Fersen; l'autorité du Roi est nulle; l'Assemblée nationale elle même tremble devant Paris, et Paris tremble devant quarante ou cinquante mille bandits ou gens sans aveu établis à Montmartre ou dans le Palais-Royal, qu'on n'a pas pu en chasser et qui ne cessent d'y faire des motions [116]

La situation était intolérable; l'Assemblée n'était plus libre. Les vociférations des tribunes, les cris de la rue, les lettres anonymes menaçaient ses membres les plus éminents et les plus sages. Les rapports de police signalaient un projet d'invasion de Versailles par les meneurs de Paris [117]. Il fallait sortir de là. La Cour s'en préoccupait et les royalistes de l'Assemblée ne s'en préoccupaient pas moins. Y eut-il alors un plan pour enlever le Roi par la Champagne et Verdun et le transporter à Metz sous la protection de l'armée de Bouillé? Le comte d'Estaing l'affirme dans une lettre à la Reine, dont le brouillon fut retrouvé chez lui [118]. On le disait tout haut à Paris, et Mme de Tourzel le confirme dans ses Mémoires; mais ce plan paraît être resté toujours fort vague; le lieu de la retraite même n'était pas décidé et l'on ne tarda pas à y renoncer [119]. Vers la même époque, trois députés, au nom d'un certain nombre de leurs collègues et se croyant sûrs d'entraîner la majorité de l'Assemblée, qu'effrayait l'audace des factieux, Malouet, Redon et l'évêque de Langres, proposèrent au ministère de transporter l'Assemblée à vingt lieues de Paris, à Soissons ou à Compiègne. Plusieurs ministres, Necker et Montmorin entre autres, avaient adhéré à ce projet: mais quand il fut soumis au Roi, le Roi refusa.

Quelle fut la raison de ce refus? Le prince n'avait-il pas confiance dans le succès? Se souvint-il qu'il avait voulu, au 14 juillet, prendre une résolution analogue et qu'il avait dû y renoncer devant les représentations de ceux-là même sur lesquels il croyait pouvoir le plus compter? Pensa-t-il qu'il fallait rester près de Paris pour le mieux contenir? Ne crut-il pas à la réalité du danger? Eut-il honte de sembler fuir devant l'émeute? Tout ce que l'histoire peut dire, c'est que, ce jour-là comme plus tard, Louis XVI manifesta une répugnance invincible à abandonner Versailles. Les députés se retirèrent consternés [120].

C'était le 29 septembre [121] que cette démarche était faite et repoussée. Quelques jours après, le Roi et l'Assemblée quittaient Versailles, pour rentrer prisonniers dans Paris.


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