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Le diable peint par lui-même

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A MA FEMME.

Vous trouverez souvent votre portrait dans le héros dont j'écris les aventures. Ce compliment sans doute vous aurait fait jeter les hauts cris, si l'ouvrage que je vous offre n'avait été entrepris et terminé sous vos yeux. On s'est fait du Diable une idée si fausse, qu'on croit montrer bien du discernement en le comparant à tout ce qui est mal dans le monde. Vous verrez ici qu'il en est autrement, et qu'on peut sans rougir se vanter de ressembler au Diable, en certaines choses; la bonté touchante, la simplicité antique, les manières naïves, les vertus quelquefois stoïques, le penchant à obliger, le désintéressement, la vivacité d'esprit, l'originalité d'imagination, la malice sans méchanceté: il y a dans le Diable mille qualités heureuses, que vous auriez le bon esprit d'envier, si vous ne les possédiez pas dans un degré éminent.

C'est sur ces bonnes qualités, qui vous sont communes, que j'ai cru voir, entre vous et le Diable, une ressemblance morale. Il serait plus difficile de faire le même rapprochement pour le physique: vous avez vingt-quatre ans, le Diable a plus de quatre-vingts siècles; et ses traits sont loin des vôtres. Ses oreilles en forme de champignons, ses ailes de chauve-souris, son nez long de neuf pouces, sa peau assez semblable à un cuir bouilli, et généralement toutes ses difformités, font un contraste assez frappant avec vos perfections. Je ne vois pas non plus que nous ayons ses cornes. Quant aux griffes et à la queue, n'en parlons pas: on sait que les dames en ont peur, et n'en portent point.

Enfin, j'étais près de vous quand cet ouvrage fut conçu: pour cela encore, il est juste que je vous le dédie. Agréez donc cette petite galanterie d'un époux, qui vous sera fidèle jusqu'à la fin.

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