Madame d'Épone
CHAPITRE XII
Ils partirent assis à côté l'un de l'autre, et, pour la première fois, dans une libre et complète intimité. Ils allaient rapidement ; le bruit des sabots de Farandole et le roulement de la voiture sur la route sonore couvraient leurs voix ; ils étaient seuls, loin de tous les yeux, enveloppés des caresses de la nature complice des amants.
Pour Berthe, les premiers instants furent ceux d'une véritable gêne. Elle était timide encore, et rien que le fait de se trouver ainsi seule en voiture l'embarrassait ; elle eut un sentiment d'humeur contre son mari qui l'y exposait, et jeta presque un regard de tristesse sur le train qui disparaissait là-bas, là-bas, signalé seulement par son panache de fumée. Cependant, ce fut d'une voix posée qu'elle entama un sujet de conversation banal : la différence de la température à Paris et à la campagne. Vincent ne l'aidait pas ; il observait, avec un plaisir exquis, l'agitation de cette charmante créature ; il ne pensait plus du tout aux résolutions qu'il avait presque prises, pendant ces quarante-huit heures de réflexions solitaires, de ne pas aller plus loin dans une intrigue dont le dénouement ne lui apparaissait pas sans quelque mélange d'ennuis ; il profitait, il était résolu de profiter le plus possible de la circonstance extraordinairement favorable que la fortune lui offrait, et il était véritablement troublé par le voisinage de Berthe ; elle était si jolie, si charmante, si séduisante dans sa toilette matinale : la taille moulée dans une petite veste claire, ses beaux cheveux cachés sous un grand chapeau de paille faisant ombre sur deux yeux brillants comme la rosée, il la regardait hardiment, longuement et se disait qu'elle était exquise. Elle, voulant absolument échapper à ce silence qu'elle sentait plus embarrassant que tous les discours, et secouant une sorte de langueur secrète qu'elle éprouvait à être là, près de lui, sans rien dire, releva l'entretien :
— Votre mère va être bien surprise en vous voyant apparaître!
— Oui ; mais cela m'est égal.
— Oh! vous! je ne le crois pas.
— C'est que vous me jugez mal ; une seule chose m'intéresse en ce moment, et ma mère n'a rien à y voir.
Il parlait un peu bas, à demi retourné vers elle et se penchant pour chercher son regard. Elle saisit parfaitement sa pensée ; mais encore fidèle à elle-même :
— Oui, je comprends ; la possibilité de votre changement de résidence a dû beaucoup vous tourmenter.
— Assurément, je ne voulais pas partir ; mais ce n'est pas à cela que je fais allusion ; vous le savez aussi bien que moi.
— Monsieur de Mottelon!
— Oui, Madame ; que voulez-vous? il faut bien être franc quelquefois : aussi je vous dirai que je suis heureux, heureux, ce matin.
Pourquoi l'avait-elle laissé monter auprès d'elle? Pourquoi n'avait-elle pas suivi l'inspiration qui lui disait d'accompagner son mari à Rouen? Son ombrelle tremblait dans sa petite main gantée ; elle éprouvait un plaisir fou, délicieux, intense, et une horreur de ce plaisir, et une crainte affreuse ; son cœur battait fort, et sa voix, quoi qu'elle fît, n'était pas assurée.
— Vous dites des folies ce matin. Comme Farandole va vite, n'est-ce pas? Nous voilà déjà au bois de Bretoncelles.
— Farandole va beaucoup trop vite à mon gré ; mais ce n'est peut-être pas votre avis?
— Si, car je suis un peu poltronne.
— Vous? je suis sûr du contraire ; du reste je vous l'ai déjà dit, vous vous ignorez parfaitement, et, moi, je vous connais si bien, si bien!
— Alors, vous devez savoir que je n'aime pas les compliments.
— Je le sais.
— En ce cas, pourquoi m'en faites-vous?
— Moi! je ne vous en fais pas, très certainement.
Et toujours il la regardait ; et elle avait conscience qu'insensiblement, très insensiblement, il s'était rapproché d'elle. Elle n'osait pas avoir l'air de s'en apercevoir.
Ils étaient sortis du bois, et la longue route s'étalait, blanche et poudreuse, devant eux ; au loin, on apercevait un nuage de poussière soulevée qui semblait venir à leur rencontre ; elle en fit la remarque :
— C'est un troupeau de bœufs au moins?
Son ton indiquait une certaine appréhension.
— Cela vous contrarie de les rencontrer? Retournons alors ou descendez, nous couperons à pied à travers champs et Gaspard nous attendra plus bas?
— Non, non, c'est folie de ma part. Le troupeau est-il nombreux, Gaspard? demanda-t-elle en élevant la voix.
— Oui, Madame la comtesse.
Farandole allait de son trot accéléré, et, bientôt, les premières bêtes furent tout proche, elles marchaient un peu à la débandade, formant comme une ligne vivante qui barrait la route. La jument manifesta immédiatement de l'inquiétude.
— Appuyez bien à droite, Gaspard, dit Mottelon vivement.
Mais il était trop tard ; une légère panique s'était produite parmi les bêtes à cornes, et, stupides et mugissantes, elles allaient à la dérive, prenant toute la route et entourant la voiture. Farandole, tout à fait affolée maintenant, plongeait et se cambrait d'une façon alarmante. Berthe, épouvantée, poussa un faible cri.
— N'ayez pas peur, dit Vincent en la saisissant vivement par la taille ; fermez les yeux.
Et de son bras libre qui tenait sa canne, il essayait de repousser les bêtes qui se pressaient contre la voiture qu'elles menaçaient d'écraser. On entendait les clameurs furieuses du bouvier, s'efforçant avec son lourd bâton, frappant de droite et de gauche, de disperser ses bœufs. Enfin, il parvint à ouvrir un passage ; et, la route devant elle, Farandole fit un bond, tandis que les roues de la victoria, les frôlant rapidement, faisaient fuir les bêtes beuglantes et apeurées.
— Nous sommes passés, dit Vincent tendrement. Mais en même temps il leva les yeux avec angoisse ; la jument filait d'une allure endiablée :
— L'avez-vous en main, Gaspard?
— Non, Monsieur…
Ils fuyaient follement à travers la campagne. Vincent s'était rapproché de Berthe ; instinctivement, dans sa terreur, elle s'était rejetée contre lui ; il la tenait étroitement serrée :
— Soyez calme ; Gaspard aura le dessus dans un moment : il n'y a pas de véritable danger.
Elle leva ses yeux troublés vers ceux du jeune homme, et soudain, même au milieu de sa frayeur mortelle, l'expression des siens changèrent, répondant à l'appel d'amour du regard de Vincent ; il l'enveloppa tout à fait de ses bras en lui parlant dans l'oreille :
— Nous sommes ensemble! Auriez-vous peur avec moi?
Et elle sentit un léger baiser sur ses cheveux. Puis, comme la course devenait véritablement terrifiante et que le malheureux Gaspard s'arc-boutait en vain sur son siège, un silence plein d'angoisse suivit : elle murmura d'une voix étouffée!
— Il y a la barrière du chemin de fer!
En un instant, Vincent retrouva son énergie. La retenant toujours vigoureusement, il prit vivement un léger châle de laine blanche qu'il avait vu dans la capote de la voiture et lui en enveloppa la tête ; elle le regardait, les lèvres serrées, sans se défendre, éperdue de frayeur et d'une ivresse qu'elle goûtait tout entière, même dans cette angoisse qui n'était pas sans volupté.
Lui, d'une voix de maître :
— Gaspard, nous allons à la barrière qui est fermée ; il ne faut pas. Tâchez de nous jeter à gauche ; il y a un fossé, mais la terre est molle ; pouvez-vous la guider un peu?
— Je ne crois pas.
— Essayez : nous sommes perdus, si nous arrivons de ce train-là sur la barrière.
L'homme avait compris, et, de toutes ses forces, tirait les rênes. Berthe, la tête enfoncée sur l'épaule de Vincent, se sentait mourir.
— Je vous tiendrai, nous aurons un choc, ce ne sera rien… là… il arrive… N'ayez pas peur… Ah!
… Puis le cri aigu de Berthe, et Farandole, jetée d'une main désespérée vers le bord de la route, s'abattit dans le fossé, et la légère voiture roula à gauche. Gaspard avait lâché les rênes ; il alla tomber à vingt pas. Vincent, relevé en une seconde, fut aux côtés de la jeune femme qui ne bougeait pas ; le cocher accourait en boitant pour dégager sa bête qui se démenait, au risque de se briser.
Ce fut pour Vincent l'affaire d'une minute de soulever Berthe dans ses bras et de la porter à l'ombre ; puis, revenant immédiatement sur ses pas, il prit les coussins de la voiture, les plaça sous la tête de la jeune femme et, avec une anxiété horrible, se pencha vers elle ; elle était toute blanche ; ses beaux cheveux, dénoués, tombaient sur ses épaules, et le châle qui l'entourait faisait comme une auréole. Il la contemplait avec un attendrissement passionné, soudain pris d'un tel respect qu'il n'osait même dégrafer sa jaquette afin de la faire mieux respirer, non il ne pouvait pas, elle lui était sacrée dans cette minute. Avec une douceur infinie il lui dégagea la tête et, tout doucement, lui passa une main tremblante sur le front ; il essaya de lui enlever ses gants, lui frappant dans la paume et retournant entre les siennes ces petites mains inertes ; elle n'avait aucune blessure apparente, et il était persuadé que sa tête n'avait pas porté. Le cocher revenait anxieux et terrifié ; un paysan accouru des champs tenait maintenant Farandole frissonnante et calmée :
— Madame la comtesse, Monsieur, elle est blessée? Seigneur, que dira M. le comte?
— Non, évanouie seulement, je crois ; il faudrait un peu d'eau.
— Je cours chez le garde-barrière.
— Et la jument?
— On la tient ; elle n'a qu'une écorchure au pied ; ce ne sera rien ; maudite bête.
— Vite, Gaspard, un peu d'eau et du vinaigre, si vous pouvez.
Puis, toujours agenouillé, il se pencha vers le pâle visage de la jeune femme ; un léger frémissement y passa tout à coup ; les lèvres se séparèrent pour un soupir douloureux, et des paupières closes deux larmes coulèrent lentement sur les joues.
— Madame!
Il était ivre de bonheur de la voir revenir à elle ; d'un bras amoureux il la souleva légèrement, lui appuyant la tête sur son épaule.
— Ouvrez vos yeux! regardez-moi, regardez-moi!
Elle entr'ouvrit légèrement les paupières, puis, pâlissant de nouveau, laissa retomber son front. Elle avait repris connaissance, cependant, et savait sur quel cœur elle était appuyée ; mais elle était consciente de cela seulement, et trouvait une douceur divine à se sentir mourir ainsi.
— Voilà de l'eau, Monsieur, et du vinaigre.
— C'est bien, versez l'eau dans ce verre.
Et, le portant aux lèvres de Berthe :
— Essayez de boire un peu, Madame.
Elle avala spasmodiquement une ou deux gorgées et ouvrit les yeux tout à fait. Vincent lui faisait respirer le vinaigre, en versant dans le creux de sa main, lui en frottant les tempes et les paumes :
— Vous êtes mieux, n'est-ce pas? Souffrez-vous?
— Non, non.
Et d'un mouvement soudain elle essaya de renouer ses cheveux.
— Tout à l'heure ; ne bougez pas. Là, appuyez-vous contre cet arbre. Respirez-vous un peu mieux?
— Comment se sent Madame la comtesse! demanda le pauvre Gaspard. Je demande bien pardon à Madame la comtesse, mais…
— Bien! bien! Gaspard, dit Vincent d'une voix ferme : personne ne vous blâme ; il n'y a rien de grave, heureusement ; pensez à Farandole ; descendez à Lamarie, on prendra soin de la bête et on viendra relever votre voiture ; vous direz qu'on attelle pour venir nous prendre.
— Non, non, dit Berthe d'une voix faible, je veux marcher.
— Le pouvez-vous?
— Oui, je suis sûre… dans un moment… ; je me sens beaucoup mieux.
— Alors, nous marcherons : cela vaudra mieux pour vous, je crois. Allez, Gaspard, et qu'on ne dise rien au château avant notre arrivée.
— Madame la comtesse est sûre qu'elle pourra marcher?
— Très sûre, Gaspard. Je n'ai eu que peur.
— Buvez encore un peu d'eau, lui dit Vincent, s'asseyant de nouveau à côté d'elle.
Elle tourna vers lui des yeux pleins de larmes :
— Sans vous!
— Je suis bien heureux d'avoir été là ; je donnerais dix ans de ma vie pour traverser encore ces quelques secondes ; je vous ai tenue dans mes bras! sur mon cœur! Le sentiez-vous battre, ce pauvre cœur? Ne me répondez pas ; laissez-moi vous parler, seulement vous regarder.
— Je suis bien ; je peux me lever.
Il lui donna la main ; elle tremblait encore, et voulait rire :
— J'ai l'air d'une folle, avec mes cheveux dénoués.
Il ne répondit pas ; elle aurait voulu qu'il parlât. D'un geste gracieux et assuré, elle tordit ses cheveux et les renoua prestement sur sa tête.
— Dieu, que vous êtes charmante! Vous êtes certaine que rien vous fait mal?
— Non, je n'ai été qu'étourdie.
— Prenez mon bras, appuyez-vous ; aurez-vous la force d'aller jusqu'à Lamarie?
— Parfaitement. J'ai été bien lâche! J'en ai déjà honte.
Elle essayait de se donner un air dégagé.
— Alors, partons ; vous ne connaissez pas les bois de Lamarie, nous les prendrons après la voie ; on descend tout le temps ; cela ne vous fatiguera pas trop.
Il lui retenait toujours le bras sous le sien ; il cria quelques recommandations au paysan qui gardait la voiture renversée.
— Ne regardez pas de ce côté ; au fond, nous sommes tombés d'une façon admirable ; il n'y a eu que Gaspard de vraiment secoué. Venez, partons.
Ils coupèrent à travers la campagne, puis arrivèrent à un petit mur à peine de trois pieds au-dessus du sol.
— C'est la clôture de Lamarie ; elle n'est pas difficile à franchir, comme vous voyez.
Il l'aida, et elle en fit l'escalade sans aucune peine ; elle reprenait courage et confiance. Tout allait bien ; dans dix minutes, ils seraient au château, et ce difficile tête-à-tête finirait…
— Vous allez avoir des petits sentiers très étroits maintenant.
Ils étaient en plein fourré, et le sous-bois épais envahissait les allées à peine marquées ; les grands arbres donnaient une ombre pleine de fraîcheur ; c'était le calme, la verdure, le repos.
— Que c'est joli! Ce petit bois est tout à fait sauvage.
— Oui, et je n'aurais jamais pu vous y amener sans notre accident. Savez-vous que je le bénis, notre accident?
Il lui serrait le bras si fort qu'elle eut un petit mouvement pour se dégager.
— Non, dit-il rudement.
Elle leva les yeux vers lui, un peu étonnée, et fut frappée de l'expression du visage de Vincent : il était devenu soudain tout différent ; les yeux, qui caressaient d'habitude, étaient voilés et brillaient en même temps d'un feu extraordinaire ; il la regardait, la regardait, puis, soudain, la saisissant, il lui renversa la tête sur son bras gauche, et, de sa main droite maîtrisant ses deux mains, il se pencha, farouche, et l'embrassa furieusement sur les cheveux, sur les yeux, sur la bouche ; elle se débattait et parvint à glisser hors de son étreinte ; mais il lui tenait toujours les poignets ; tremblante, affolée, elle murmura :
— Comment osez-vous?
— Comment j'ose? Mais j'ose, parce que je vous aime, et que tout m'est égal, et qu'il n'est plus question de respect ni de rien, car vous m'aimez aussi, et que je veux, entendez-vous? je veux faire passer dans votre cœur une étincelle du feu qui brûle le mien, parce qu'il n'y a de bon sur cette terre que l'amour, parce que en dehors de cela il n'y a rien, rien… entends-tu!
Et, pendant qu'elle tordait ses mains pour se dégager, violemment rejetée en arrière pour échapper à ses caresses, il la reprenait dans ses bras, et sans l'embrasser cette fois, la regardant seulement et maintenant sa tête tout près de son visage, plongeant ses yeux ardents dans les siens.
Elle le regardait, elle aussi, éperdue et fascinée, pour la première fois, elle voyait cette expression sur un visage d'homme, que le désir rend sauvage, il lui faisait peur, il la dominait, elle se sentait sans forces ; et elle éprouvait une sorte de vertige, épouvantée et attirée à la fois. Il la regarda longtemps sans rien dire, la respiration saccadée, la poitrine haletante ; puis, à genoux soudain, la repoussant, il se jeta devant elle et s'inclinant pour baiser ses pieds :
— Pardonnez-moi, pardonnez-moi!
Elle éclata en sanglots.
— Non, ne pleurez pas, pardonnez-moi ; si vous saviez ce que je vous aime en ce moment, et la force qu'il me faut! N'est-ce pas, vous me pardonnez?
Il s'était relevé et l'enveloppait dans ses bras ; mais ce n'était plus l'étreinte brutale d'un moment auparavant ; elle s'y abandonna sans crainte.
— Ne parlez pas ; vous m'aimez aussi un peu, n'est-ce pas? Vous avez un peu pitié de moi? Dites oui, dites que vous avez pitié de moi.
Elle inclina la tête, heureuse, étourdie, rassurée. Il avait son pardon ; il n'en voulait pas plus ce jour-là ; il ne voulait pas qu'elle pensât plus tard qu'il avait profité de son trouble ; il la sentait sienne.
Elle s'apaisa, et, quand la crise fut passée, il lui prit le visage entre ses deux mains et, la contemplant avec une câlinerie enveloppante :
— Ne pleurez plus, souriez-moi.
Et il posa sur ses cheveux le plus léger baiser, une de ces caresses qui n'effarouchent pas et qui perdent tout aussi sûrement.
Elle avait repris son bras et ils marchaient plus vite maintenant ; ils arrivèrent à la pelouse du tennis, et bientôt au perron ; Il la précéda et la fit asseoir dans la grande bibliothèque vide :
— Je vous envoie ma sœur Hortense ; adieu pour aujourd'hui : je vais être de trop.
Cinq minutes plus tard, non seulement Mme de Comballaz, mais Mme de Mottelon et Mme Le Barrage entouraient la jeune femme ; toutes trois remplies de la plus tendre sollicitude. On la fit s'étendre sur la chaise longue dans le petit salon de Mme de Mottelon. La réaction commença ; elle avait été trop violemment émue ; parfaitement rassurée maintenant, elle se sentit incapable d'un effort et ferma les yeux.
— Pauvre chère femme, quelle terreur elle a dû avoir! répétait Mme de Mottelon en lui prodiguant tous les soins nécessaires.
Eau sédative, éther, sels anglais étaient mis tour à tour en réquisition.
— Défais sa robe, Edmée, elle étouffe. Oui, ma chérie, ce n'est rien. Quel bonheur que Vincent se soit trouvé là!
Une légère rougeur revint aux joues de Mme de Rollo ; elle se souleva et s'efforçant :
— Il faut que je me lève, que je parte ; maman serait trop épouvantée.
— On ira l'avertir.
— Non, je ne veux pas ; cela ne sera rien ; je vous en prie, qu'on attelle.
— J'irai avec vous, dit Mme de Mottelon.
— Non, Madame, non.
— Si, je le veux absolument. Hortense, ma chère fille, prends la peine de donner les ordres : le coupé, nous serons mieux, et qu'on attelle ma vieille Étoile, qui ne bronche jamais… ; tout de suite, il ne faut pas que notre chère Mme d'Épone s'effraye. Je vais m'habiller ; faites-lui prendre encore un peu d'éther ; elle est déjà mieux.
Et, toute contente, Mme de Mottelon l'embrassa affectueusement et fut touchée des tendres baisers qu'elle reçut en retour.