Poésies de Daniel Lesueur
PAYSAGE DE MAI
Sur les champs de jeunes blés verts,
Sur les prés, où l'œil se fatigue,
Ébloui par leurs tons divers.
Dans la touffe de trèfle rose
Éclate un bouton d'or en feu;
La marguerite, large éclose,
Est auprès du liseron bleu.
De tous côtés la terre blonde
Se montre nette et de niveau,
N'attendant pour être féconde
Que le don d'un germe nouveau.
Au flanc des collines, barrière
Élevée à notre horizon,
Se creuse la blanche carrière,
D'où va naître quelque maison.
Le sentier poudreux se dessine,
Courbé par un bouquet de bois.
On sent un parfum d'aubépine,
On entend bruire des voix.
Et la campagne est solitaire;
Ce chaud paysage d'été
Est plein du rêve et du mystère
De quelque monde inhabité.
Dans sa demeure close et fraîche,
Le paysan, les membres las,
Fuit un instant l'haleine sèche
Qui flétrit les derniers lilas.
Mais parmi l'herbe déliée
Où commence le sillon noir,
Une charrue est oubliée:
Voici la vie et le devoir.