Poésies de Daniel Lesueur
FEMME ET FLEURS
Préférez-vous donc à mon rire
Mes pleurs?
Je suis trop prompte et trop fantasque,
C'est vrai. Mettrez-vous donc un masque
Aux fleurs?
Allez leur dire en la prairie:
«Enfants, il ne faut pas qu'on rie,
En l'air,
Au papillon qui rôde et vole,
Vous effleurant comme un frivole
Éclair.
«Mais si la joie est un vain leurre,
Il ne faut pas non plus qu'on pleure.
Or çà,
Sur mainte corolle irisée
J'aperçois l'eau que la rosée
Versa.
«Fleurs, il faut être philosophe.
Votre âme est de bien mince étoffe,
J'ai peur.
Maint frelon, dans son doux langage,
De son amour vous offre un gage
Trompeur.
«Le vent qui passe vous irrite.
Si le cœur de la marguerite
Est d'or,
Le bleuet manque de logique.
Le souci du moins est tragique
Encor;
«C'est une fleur grave et pensive,
Dont l'humeur est un peu moins vive;
Pour lui,
J'estime assez son air morose,
Qu'il reprend dès que l'aube rose
A lui.»
Les fleurs, Maître plein de science,
Trouvant tous vos sermons, je pense,
Bornés,
Sans raison peut-être et sans rime,
Vous riront, ô penseur sublime,
Au nez.
Moi, qui suis comme elles légère,
Du rire aux larmes passagère,
Rêvant
Quand il faudrait être profonde,
Livrant mon âme comme l'onde
Au vent,
J'encours encor plus votre blâme,
N'étant pas fleur mais étant femme,
Hélas!
La raison ne peut me séduire,
Et votre esprit de me conduire
Est las.
Ami, que je pleure ou je chante,
Qu'importe?. . . Mon rêve m'enchante
Un jour.
Méritez-vous qu'on vous écoute?
C'est vous qui mîtes sur ma route
L'amour.