Poésies de Daniel Lesueur
L'AME ET L'UNIVERS
Qu'importe l'avenir? Vivrai-je encor demain?
Pour mon cœur isolé que peut l'humaine foule?
Et qu'importe l'espace à mon étroit chemin?
Multitude des jours, multitude des nombres,
O cieux illimités! ô race des mortels!
Je tends vers vous les mains vainement, pâles ombres...
Les songes de mes nuits plus que vous sont réels.
Vous n'êtes, pour mes yeux que vous trompez sans trêve,
Pour mon âme impuissante à vous jamais saisir,
Que le fuyant reflet d'un impossible rêve
Et que l'âpre aiguillon d'un éternel désir.
Devant le flot mouvant des heures et des choses,
Près du fleuve infini que sondent nos regards
Et qui roule la vie en ses métamorphoses,
Tantales altérés, nous nous penchons hagards.
Nous ne possédons rien de ces biens sans mesure,
Pas même un jour certain dans l'abîme des jours;
Tout nous est étranger dans l'immense Nature,
Tout, jusqu'au cœur chéri qui s'ouvre à nos amours.
Murés dans le présent, prisonniers dans notre être,
Ce que nous possédons des trésors poursuivis
C'est le mirage seul que nous fait apparaître
La seconde éphémère où nous disons: «Je vis.»
La vision d'hier est à jamais éteinte;
Qui sait sur quoi, demain, nos yeux seront ouverts?...
Notre âme, renaissante à chaque heure qui tinte,
N'est qu'un frisson furtif où frémit l'univers.