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Poésies de Daniel Lesueur

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SORTILÈGE

Ami, pour éloigner quelque mal énervant

Qui m'obsède,

Vous avez un pouvoir si tendre que souvent

Je vous cède.

Nonchalante, le soir, près du feu je m'assois,

Sous la lampe.

Grave, alors vous venez, et vous posez les doigts

Sur ma tempe.

Droit au fond de mes yeux vous plongez longuement

Vos prunelles,

Astres dont les lueurs sont pour mon cœur aimant

Éternelles;

Car toujours, dans l'abîme où, par un sort affreux,

Tout retombe,

Je les verrai briller au plafond ténébreux

De ma tombe.

Elles dardent en moi par leur regard profond

Tant de flammes,

Que leur feu lentement dissout, change et confond

Nos deux âmes.

Et sur mon front soumis vos caressantes mains,

Empressées,

Glissent en mon esprit par de subtils chemins

Vos pensées.

Moi, je vous laisse faire, et tout bas je bénis

Ma névrose.

Je vois, en ces moments de plaisirs infinis,

Tout en rose.

De vos grands yeux aimés au doux rayon charmeur

Je me grise,

Et j'admire en secret de votre art endormeur

La méprise:

Car l'effluve magique en mon sang nuit et jour

Qui ruisselle

N'a pas de nom savant, et votre seul amour

M'ensorcelle.

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