Poésies de Daniel Lesueur
COUP D'ŒIL EN ARRIÈRE
Je lisais de doux vers.—Voici
Que souriante et douce aussi
Votre image m'est apparue.
Le livre a glissé de mes doigts.
Sur l'oreiller peuplé de songes,
Avant de subir leurs mensonges,
Il est bon de penser, parfois.
Quel silence sur toute chose!
Ma chambre, en son intimité,
Se recueille sous la clarté
De ma lampe au fin globe rose.
Je vous aime depuis quatre ans.
Quatre ans!. . . Ils ont passé bien vite.
Les ai-je trouvés, dans leur fuite,
Tristes?. . . joyeux?. . . indifférents?
Ils n'ont point été sans nuage:
Vous m'avez parfois fait pleurer.
Quelle adresse à se torturer
Peut montrer l'amant le plus sage!
Vous vous mêliez d'être jaloux;
Je me fâchais de vos boutades.
Oui, nous eûmes des jours maussades,
Ami, vous en souvenez-vous?
Il fut une heure plus amère,
Quand votre esprit audacieux
Vous fit au loin, sous d'autres cieux,
Suivre votre haute chimère.
Oh! le train qui siffle et qui part!
Peut-on se quitter quand on s'aime?
Quel prix, à cet instant suprême,
Prend un mot, un geste, un regard!
Mais, pour ces moments de détresse,
Bien d'autres j'en pourrais compter
Qui sont venus les racheter,
Tout remplis d'une exquise ivresse.
Ainsi donc, remontant le cours
Des quatre dernières années,
Je vois des heures fortunées
S'enlaçant à de sombres jours.
Ce que ma mémoire attentive
Ne trouve point en ce passé:
Ni dans le tourment insensé,
Ni dans l'extase fugitive,
C'est—soit qu'il fût profond et doux,
Soit qu'il brûlât comme une flamme—
Un sentiment, ô ma chère âme,
Qui ne me fût venu par vous.