Poésies de Daniel Lesueur
TRAVAUX COMMUNS
Jaillira quelque jour un vif et pur rayon.
Dans les champs de l'esprit nos âmes enlacées,
Bravant l'aveugle nuit et l'âpre tourbillon,
Vont tracer jusqu'au bout leur immortel sillon.
Vous, vous aurez la force, et j'aurai l'espérance.
Nous serons moins troublés par le néant humain,
Nous aurons plus d'ardeur et de persévérance,
Ami, puisque ma main serrera votre main
Et que nous serons deux dans l'éternel chemin.
Certes, elle est immense et sombre, notre voie;
L'univers la poursuit vers un but décevant.
Pourtant c'est la meilleure et la plus noble joie
D'y marcher en premier contre l'ombre et le vent
Et de crier bien haut et toujours: «En avant!»
Nous n'arriverons point,—car jamais on n'arrive.—
Mais que m'importe, à moi qui vous suis pas à pas?
Le bord où vous touchez, c'est ma suprême rive;
Vous y suivre est l'espoir dernier de mes combats:
Je ne veux pas savoir ce qui brille là-bas.
Des feux follets ardents qui guident l'âme humaine,
Idéal, Vérité, Loi, Justice, Infini,
Le seul qui m'ait charmée et qui si loin me mène,
Le seul qui pour mes yeux ne se soit point terni,
C'est l'Amour doux et fort, l'Amour tendre et béni.
C'est lui qui m'entraîna dans des sentiers sublimes.
Tout ce que j'ai compris, il me l'a révélé.
Et si je dois gravir encor de hautes cimes,
C'est qu'en vous poursuivant sur le roc désolé
Je franchirai le sol que vous aurez foulé.
Ami, conduisez-moi plus haut, plus haut encore,
Et ne redoutez pas de me lasser jamais.
Ce n'est point que la soif de savoir me dévore,
Mais vous partiriez seul pour ces lointains sommets. . .
Or mon cœur ne peut plus vous quitter désormais.