Poésies de Daniel Lesueur
SOUFFLES D'ORAGE
Et le vent de la haute mer,
Comme un faucheur abat sa gerbe,
Y courbe l'herbe
D'un souffle amer.
Moi, contre qui le roc se dresse,
Et qui vais toujours en avant,
J'aime, quand parfois il me presse,
L'âpre caresse
De ce grand vent.
Il me repousse, et je m'obstine;
Malgré son effort irrité,
Je gravis l'altière colline,
D'où je domine
L'immensité.
Ma vie, ainsi je l'ai comprise:
Chemin hardi, falaise en fleur,
Puis, troublant mon âme surprise,
La rude brise
De la douleur.
J'aime cette haleine sauvage,
Que rien ne saurait apaiser,
Et qui souvent sur mon visage
Pose avec rage
Son froid baiser.
Je me sens grandir dans la lutte.
O vent glacé! tu peux rugir:
Ce front, à ta fureur en butte,
De nulle chute
Ne doit rougir.
Mon pied est sûr et je m'élève;
Je vois reculer l'horizon...
Et j'ai, pour ce combat sans trêve,
Quitté ma grève
Et ma maison.