Poésies de Daniel Lesueur
SONGE D'ÉTÉ
Dans l'éclat du jour ou l'ombre des soirs,
J'aime errer sans trêve.
Parmi les rameaux emplis de chansons
Le vent passe et meurt en vagues frissons:
Je poursuis mon rêve.
Sous les taillis clairs où midi s'endort
Le soleil, jetant ses paillettes d'or,
Se brise en fusées;
Et les moucherons dans ce flamboiement,
Ivres de chaleur, font un tournoiement
D'ailes irisées.
Mille insectes fins se cachent, tapis
Parmi les plis roux des anciens tapis
De frondaisons sèches;
Car les étés morts, sous de bruns linceuls,
Dorment à jamais, oubliés et seuls,
Dans les sentes fraîches.
Sur le pied rugueux des chênes touffus
La mousse répand un reflet diffus
De pâle émeraude;
Et sur quelques fleurs, par vols lents et lourds,
L'incertain bourdon au corps de velours
Étincelle et rôde.
Dans les flots mouvants des sommets houleux
Glissent par lambeaux les firmaments bleus,
Comme des prunelles;
Et, lorsque tout bruit paraît s'endormir,
Même en ce silence on entend gémir
Des voix solennelles.
Dans les bras tordus des ronciers fleuris
La vive araignée au bout d'un fil gris
Voltige et circule;
Mon esprit, lassé par de longs combats,
S'attendrit à suivre en ses vains ébats
L'être minuscule.
Alors, sans regret, sans peur, sans dessein,
J'écoute frémir, paisible en mon sein,
L'éternelle vie;
L'immense Nature, au fond des forêts,
Laisse pénétrer en ses doux secrets
Mon âme ravie.
Atome pensif, j'entends l'Infini
Murmurer en moi son hymne béni
Par la voix des choses.
Mon cœur n'a qu'un jour, mais dans son néant
Vient se refléter l'univers géant,
Des soleils aux roses.
Sous les arbres verts, sous les arbres noirs,
Dans l'éclat du jour ou l'ombre des soirs,
J'aime errer sans trêve.
Parmi les rameaux emplis de chansons
Le vent passe et meurt en vagues frissons:
Je poursuis mon rêve.