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VII

Le lendemain, chez son amant, Élise oubliait déjà la visite de M. Destroyer et elle ne s'en fût peut-être pas souvenue si Jean-Marie ne lui eût demandé à brûle-pourpoint :

— Mais enfin, votre mari ne vous a pas encore dénichée?

Car il était fort préoccupé, lui.

— Je l'ai vu hier, mon mari, dit-elle : il m'attendait à ma porte.

Si Jean-Marie Le Coûtre avait été plus averti des mille et une dissimulations de la femme, il eût dû croire que sa maîtresse avait voulu lui cacher cette visite ; et il se fût complètement trompé, comme cela arrive à tant de gens avertis ; car il était exact qu'Élise, durant l'heure bienheureuse qu'elle passait, reléguait loin d'elle le souvenir du tête-à-tête fastidieux de la veille. Mais Jean-Marie n'en cherchait pas tant ; et il ne tomba pas dans l'erreur de soupçonner Élise.

Il était seulement anxieux de savoir le résultat de la visite.

— Le résultat? dit Élise, mais le monsieur s'en est allé comme il était venu. Nous avons échangé pendant trois quarts d'heure des paroles inutiles.

— Inutiles?… En êtes-vous bien sûre? C'est un homme à ne pas perdre son temps, et vous êtes, vous, un peu insouciante : il aura appris quelque chose de vous ; il aura tiré de votre conversation quelque motif à régler vos situations respectives. Je parie que vous lui avez dit que vous aviez un amant?

— Certainement!…

— Ça y est! Vous ne pouvez pas vous taire.

— Mais, je suis fière d'avoir un amant et d'être heureuse ; je voudrais le crier de ma fenêtre!

— Vous n'êtes qu'une enfant. Votre mari ne venait pas chez vous pour jouer ; il venait vous chercher ou trouver les bases d'une séparation. Ce n'est pas un homme à demeurer dans le vague.

— Eh bien! il aura trouvé des bases, comme vous dites. Je n'habite pas non plus, moi, dans le vague. J'ai tout rejeté de ce qui était hier ; j'appartiens à un homme que j'adore. Je t'adore!

— Hélas! dit Jean-Marie, toute la vie n'est pas là!

— Où est-elle donc!

C'était à cette différence de points de vue qu'ils en venaient toujours. Et, quand ils s'étaient heurtés contre la borne, ils n'ajoutaient plus un mot. Les caresses et les seuls mots d'amour emplissaient le temps qu'il leur restait à passer côte à côte, lui résigné, avec une nuance de pitié, à ne jamais causer, ce qu'il appelait « sérieusement », avec Élise ; elle, passionnément convaincue que rien d'autre n'importait que ce temps consacré à l'unique amour.

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