Élise
XVII
Dès lors commença pour Élise une période qu'elle nomma elle-même, plus tard, « le temps du Paradis terrestre ». Son farouche ami était apprivoisé : l'animal dompté est plus docile — ou du moins semble l'être — que celui qui naquit familier, à l'ombre de nos communs. Jean-Marie subissait le charme d'une amante chaque jour embellie et de qui la puissance s'augmentait à mesure que diminuait l'ingénuité première. Élise, à présent, raisonnait son empire : elle administrait son pouvoir ; elle savait quelles libertés il convient d'octroyer et tout ce qu'on achète de précieux moyennant ces largesses. Elle connaissait les points où il convient de ne jamais faire peser la tyrannie et ceux où un certain autoritarisme ne s'applique pas sans procurer, au lieu d'une douleur, un plaisir.
Certes, elle était aussi peu que possible femme à abuser de cette lumière nouvelle ; une telle science dans la conduite de l'amour n'ayant été formulée devant elle en aucune langue, était garantie des abus que comporte tout système : c'étaient moyens purement empiriques qui ne se superposaient même pas à sa tendresse, mais se fondaient en elle ; Élise eût été bien incapable de les enseigner à ses pareilles ; elle en usait ingénument et en parfumait son atmosphère enchantée. Les semaines, les mois passaient : comme un peuple heureux, Élise n'avait pas d'histoire.