Histoire anecdotique du tribunal révolutionnaire
II.
LE TRIBUNAL DU 17 AOUT REPARAIT.
Le Tribunal du 17 août reçut une telle secousse de ces événements, que, pendant quelque temps, il parut considérer son œuvre comme achevée.
Il ne recommença guère à donner signe de vie que le 11 septembre. Il paraît qu'on ne regardait pas alors les massacres des prisons comme tout à fait terminés, si du moins l'on en juge par cette note insérée au Moniteur dans le bulletin du 19 septembre: «Les prisonniers de Sainte-Pélagie adressent à l'Assemblée une pétition pour la supplier, en attendant leur jugement, de veiller à leur sûreté. Ils craignent à chaque moment d'être égorgés.»
Néanmoins, le 11 septembre, le Tribunal se présenta à la barre de l'Assemblée, annonçant qu'un rassemblement considérable demandait le jugement prompt de deux particuliers prévenus d'avoir enlevé la caisse de leur régiment. Il offrit un projet qui, en garantissant la justice aux accusés, devait calmer l'irritation du peuple. Cette proposition du Tribunal fut convertie en motion et décrétée en ces termes:
«L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:
»Le Tribunal criminel établi par la loi du 17 août dernier connaîtra provisoirement, jusqu'à ce qu'il ait été autrement ordonné, et dans les formes prescrites par la loi du 19 du même mois, de tous les crimes commis dans l'étendue du département de Paris.
»Il sera nommé par chaque canton des districts du Bourg-de-l'Egalité et de Saint-Denis, deux jurés d'accusation et deux jurés de jugement, dont il sera formé une liste séparée, et ils ne seront convoqués que pour le jugement des délits commis dans l'étendue desdits districts.»
De ce jour, les pouvoirs du Tribunal se trouvèrent considérablement agrandis, et il put parcourir, en dehors de la politique, tous les cercles de la criminalité. C'était ce qu'il désirait.
Les deux voleurs qui lui avaient servi de prétexte furent acquittés le lendemain.
Le 13, il jugea un culottier.
Le 17, un garçon parfumeur qui avait soustrait des cuillers d'argent.
Le 18 septembre, le Tribunal eut en pâture l'importante affaire des Diamants de la couronne; il s'en occupa si bien et si longtemps, qu'il en eut pour jusqu'au moment où on vint le supprimer, c'est-à-dire jusqu'au mois de décembre. Pendant près de trois mois, la première section ne s'occupa exclusivement que de ce procès scintillant, auquel nous allons consacrer un chapitre détaillé.
L'autre section du Tribunal continua à instruire les crimes politiques et civils, et aussi les délits correctionnels.