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Histoire anecdotique du tribunal révolutionnaire

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V.
M. DE SAINTE-FOY.—BARÈRE, TÉMOIN.

Un procès sur lequel les papiers du temps restent muets et qui ne se trouve pas consigné dans le Bulletin de R. J. B. Clément, non plus que dans son Répertoire (abrégé du Bulletin), c'est le procès de M. de Sainte-Foy, vieillard accusé d'avoir trempé dans les conspirations de la cour. M. de Sainte-Foy comparut devant le Tribunal criminel dans la dernière quinzaine de novembre et ne sauva sa vie qu'avec beaucoup de peine; sa correspondance avec le général Dumouriez le justifiait de point en point, mais cette correspondance n'était point entre les mains des jurés: elle avait été envoyée par Dumouriez lui-même au président de la Convention,—c'était alors Barère,—qui l'avait égarée. M. de Sainte-Foy, à bout de protestations et de moyens de défense, dut invoquer le témoignage de Barère, qui reçut une assignation pour aller déposer devant les juges.

«Je me fis remplacer, raconte-t-il, au fauteuil de président, en annonçant à la Convention le motif légitime de mon absence; elle y applaudit et j'arrivai au Palais-de-Justice à midi. Le jugement de M. de Sainte-Foy était déjà commencé; chaque jour on appelait et on entendait des témoins. Je fus interrogé par le président, M. Paré; après les premières formules usitées, il me demanda si je connaissais l'accusé. Je me retourne et je le vois pour la première fois. C'était un vieillard d'une belle figure; sa physionomie fine et grave était imposante, son front chauve; l'assurance de l'homme innocent était dans sa pose. Je répondis:—Je viens de le voir pour la première fois.—Que savez-vous relativement à la part que l'accusé a pu prendre aux événements du 10 août?—Tout ce que je sais se réduit à la connaissance que mes fonctions de président de la Convention nationale m'ont donnée de quelques lettres.»

Barère rapporta, autant que sa mémoire très-bonne put le servir, le contenu de ces lettres, lesquelles prouvaient péremptoirement la parfaite innocence de M. de Sainte-Foy.

«Quand j'eus établi, ajoute-t-il, l'existence et le contenu de cette correspondance, je fus interrogé de nouveau par deux jurés qui semblaient faire naître des doutes et des présomptions sur ce que j'avais pu lire et que je venais de leur rapporter. Il paraît cependant que mes réponses parurent les satisfaire, et je sortis de l'audience. L'accusé, reconnaissant, me remercia d'une manière si sensible et si noble, que je ne l'oublierai jamais. «Oh! que la sensibilité d'un innocent accusé qui se voit appuyé et défendu est touchante!»—C'est un spectacle que Barère aurait pu se procurer plus souvent.

M. de Sainte-Foy fut acquitté.

Paré, dont le nom vient d'être écrit, était avant la Révolution, premier clerc de Danton; il suivit son maître dans sa fortune. D'abord employé comme commissaire dans le département de la Seine, il devint ensuite secrétaire du conseil exécutif provisoire; puis, lorsque Danton fut appelé au ministère de la justice, Paré se trouva porté tout naturellement au nouveau Tribunal criminel.—Un an plus tard, il devait remplacer pendant quelque temps Garat à l'intérieur.—C'était un bel homme, doux, et dont la physionomie annonçait l'honnêteté.

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