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CHAPITRE XIV

1. — Et déjà je parlais à quelques-uns qui venaient autour de moi

2. — Pour leur prêcher l’évangile de l’esprit.

3. — Et c’était au bord de la mer de Tibériade.

4. — Et un matin je m’embarquai avec quelques compagnons qui étaient pêcheurs.

5. — Car ils pêchaient les poissons, les petits monstres impuissants qui ont une cuirasse. Ils les extirpaient de la mer, et chaque poisson est finalement une ligne froide, à l’œil grand ouvert, qu’on a dans la main.

6. — Le matin où j’embarquai, on appareilla par le beau temps. Et plantés sur le rivage, des femmes et des enfants nous faisaient signe et caressaient l’espace, semblables à un jardin remueur à la brise, quand les arbres, tout immobilisés qu’ils sont, fuient devant la brise.

7. — Mais, alors que nous étions loin du bord, le vent se leva et s’assombrit, et nous fûmes mis dans la tempête et la montagne écroulante de noir.

8. — Et nous étions peu de chose au milieu de l’immense chaos.

9. — Car toute la mer se retournait.

10. — Et elle était ivre.

11. — Et le ciel était la mer.

12. — Et le vent roulait la mer en fleuve. L’horizon était en lambeaux et on voyait passer des monstres d’eau, et sous les fouets noirs, les barques qui galopaient.

13. — Et notre barque s’emplissait de la grande mer et mes compagnons étaient déjà des naufragés.

14. — J’étais calme et je levai les bras, à la proue de la barque où l’eau entrait lourdement comme de la terre, nous faisant avaler l’odeur du gouffre et le gouffre.

15. — Et à ces quelques hommes cramponnés et mouillés, je criai, aussi fort, à cause de l’énormité du vent, que si j’étais penché sur une place publique :

16. — Pourquoi doutez-vous, hommes de peu de foi !

17. — Tous les corps eurent alors une seule voix pour crier : Nous ne voulons pas mourir !

18. — Et le poids des flots fut dompté par la grandeur invisible de l’homme.

19. — Parce que je leur avais donné leur propre courage et leur propre force, ils crurent que j’étais un magicien de Dieu.

20. — Et il m’apparut que je devais les laisser encore croire cela pendant un peu de temps.

21. — Puisqu’ils n’étaient pas capables de penser et de construire selon la nudité.

22. — Et j’eus une irritation triste de ce qu’il m’était défendu de verser mon cœur dans leur cœur, c’est-à-dire de leur donner tout ce qui est à eux.

23. — Tu dois, si tu as raison, inspirer la confiance. Si tu ne l’inspires pas, prends-la.

24. — Mais quand verront-ils mon cœur ?

25. — Quand dira-t-on, en me montrant du doigt : voici l’homme.

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