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CHAPITRE XV

1. — Sur le banc qui était le long du mur, si on se rappelle, et était surmonté d’une couronne d’épines,

2. — Un soir qui fut de ces jours-là, je suis revenu comme un voyageur fatigué, et m’étant penché dans l’ombre, je vis que le banc de pierre respirait.

3. — Car Jean Zacharie y était assis, comme s’il n’avait pas bougé, par miracle, depuis que j’étais parti d’auprès de lui, si on se rappelle, voilà des années.

4. — Je m’assis à ma place auprès de lui (Deux hommes forment côte à côte dans l’ombre, une seule ombre, séparée au milieu par de la mort).

5. — Mais le soir ôte, comme je l’ai vu dans mes premiers jours, le masque de la figure sur la figure, et même le masque de la poitrine sur le cœur.

6. — Et nous parlâmes bas, comme si la nuit était petite.

7. — Et on ne voyait pas dans la nuit la couronne d’épines, mais sachant qu’elle était là, on y croyait.

8. — Tu vois, je suis revenu.

9. — Je sais maintenant combien l’œuvre est joie, et combien cette joie est souffrance et guerre.

10. — Et que la paix ne sera pas faite avec la paix.

11. — Ne le sais-tu pas, dit-il.

12. — Maintenant, je le sais.

13. — Et même, je sais que je le savais autrefois.

14. — Puis, ayant dit ce que nous dîmes, il n’y eut plus qu’un silence qui nous ressemblait.

15. — Alors, à moi qui ne bougeais point, il dit :

16. — Où vas-tu, Seigneur ?

17. — Ayant baissé la tête sous la couronne terrible suspendue, je répondis avec toute mon ombre :

18. — Ils ne verront mon cœur que lorsque je l’arracherai de moi

19. — Peut-être, un jour.

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