Jésus
CHAPITRE XX
1. — Je montai sur une montagne, suivi de quelques fidèles.
2. — Nous nous arrêtâmes, et nous nous retournâmes, et toute une foule montait à moi, attirée.
3. — Et voyant ce peuple que je traînais, je voulus lui parler, car c’était l’heure d’accomplir le devoir de parler en grand.
4. — Afin que ma croyance retentît
5. — Et que la simplicité fût visible.
6. — Mais un instant, je ne sus pas comment commencer
7. — A cause de la grandeur du commencement.
8. — Il y avait des enfants qui étaient là, côte à côte, les uns avec des bonnets, les autres la tête toute nue, et tous avec des robes aussi déchirées qu’une broderie, d’où sortaient des paires de petits pieds.
9. — Et ils voulaient s’approcher plus, et on leur disait, les grondant à demi-voix : allez-vous-en.
10. — Il y avait surtout, au premier rang, des pharisiens, des scribes et des docteurs.
11. — L’un d’eux dit à haute voix pour qu’on l’entendît : Comment cet homme parlerait-il des Ecritures, ne les ayant jamais apprises ?
12. — Mais ma voix criante se saisit de celui-là : Comment parleriez-vous de la vérité, ne l’ayant jamais apprise ?
13. — Un scribe me cria, me désignant du doigt :
14. — Tu as guéri un paralytique un jour de sabbat !
15. — Hypocrites, devais-je le laisser emprisonné un jour de plus ? Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat.
16. — Mais vous êtes de ceux qui disent : Faites ce que je dis et ne faites pas ce que je fais. Car vous dites et ne faites pas.
17. — Car vous n’êtes pieux que de gestes et que du bout des lèvres. Vous faites l’aumône au son de la trompette et appelez l’attention à grands cris, et vous priez debout en pleine rue pour qu’on vous voie, et vous vous cognez aux murs tant vous baissez la tête pour ne pas regarder les femmes. Et vous savez très bien vous taire, vous, les vomisseurs des grands mots.
18. — Et le peuple m’adressa un énorme cri de joie comme un grand frère à un petit.
19. — Car il était content de la vérité.
20. — Et leur grand silence s’ouvrit vers moi.
21. — A ce moment-là, j’avais deux mille cœurs, comme eux.
22. — Ma parole fut ma chair et mon sang.
23. — Faites à autrui ce que vous voudriez qu’on vous fît.
24. — Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît.
25. — C’est le signal dans la tempête humaine.
26. — Car tout homme est pareil à tout homme.
27. — Mais cela vous engage loin, car c’est tout l’accomplissement de la justice terrestre
28. — Jusqu’au bout.
29. — Et les constructions de la nature sont grandes mais informes.
30. — Mais les monuments des hommes ont la symétrie de justice.
31. — Et ainsi sera sous le ciel le monument des temps,
32. — Que tous les ouvriers ensemble feront.
33. — Et faites rentrer en vous toutes ces choses que vous avez laissées se dessécher en dehors de vous.
34. — Car la lettre est en dehors de vous, mais l’esprit est en vous.
35. — Jour et nuit refaites selon l’esprit.
36. — Et croyez en vous-mêmes.
37. — Vous êtes pris dans des pratiques, des observances et des règles, comme dans des filets.
38. — Et aussi dans des préceptes morts.
39. — Désespérez des apparences, et dites : Non.
40. — Car vous incarnez la justice.
41. — Repoussez de la main ces docteurs qui sont des ignorants ne sachant qu’une chose, qu’ils appellent la Loi, mais qui n’est que leur loi.
42. — Et qui, dit le prophète, suivent le mauvais chemin, leur pensée en avant d’eux comme une enseigne.
43. — Heureux les simples d’esprit, car devant eux s’ouvrent plus de portes que devant nous.
44. — Laissez venir à moi ces petits enfants, et ne les empêchez pas, car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent.
45. — Et il serait beau de nous mettre à leur hauteur.
46. — Le ciel n’est pas un objet qu’on gagne en levant les bras en l’air.
47. — Ayez du ciel en vous-mêmes.
48. — Et vous ferez par vous-mêmes.
49. — Et alors, artisans du réel, vos bras vous soulèveront.
50. — Vous les simples, les pauvres, les nombreux.
51. — Vous le peuple paralytique.
52. — Mettez-vous au commencement des choses.
53. — Recommencez.
54. — Le peuple juif est un petit peuple et une grande âme
55. — Dont je suis le dépositaire
56. — Et l’annonciateur.
57. — Pour sauver ceux qui sont perdus.
58. — Ce jour-là, ils se sont avancés vers moi. Les enfants ont crié : Hosanna, et le peuple m’a pris dans ses bras.
59. — Et je leur donnai rendez-vous au Temple pour l’avant-veille de la Pâque.
60. — Et Jean Zébédée me dit : J’ai vu ton âme étincelante à travers ta forme, et tu avais une épée qui te sortait de la bouche.
61. — Puis, à l’heure de l’oblation du soir, nous nous trouvâmes trois hommes tout seuls sur la route qui s’en va,
62. — Moi, et Simon bar Juda, et Paul, mes disciples. Car ils s’en allaient loin, avec la route.
63. — Car ce Simon m’avait dit : Je t’ai écouté, je t’ai compris. Ta parole a pénétré en moi. Elle est entrée par un bout de mon cœur. Elle sortira par l’autre bout. Je vais de ce pas la crier aux hommes.
64. — Et ce Paul m’avait dit de même : J’ai compris. Ta lumière est tellement en moi que même dans la nuit, je l’entends ; et moi aussi, je serai le cri de ta voix, porté par mes jambes.
65. — Et quelque chose faisait de nous trois le même homme.
66. — Tous deux me quittaient donc pour aller prêcher selon moi. Je les accompagnai pendant un bon bout de chemin, (et en haut, quelques étoiles prenaient les devants), puis au premier croisement des chemins, ils me quittèrent et se quittèrent, l’un prenant un chemin, l’autre un autre.
67. — Pour enfanter ma parole.