Jésus
CHAPITRE XXXIII
1. — Les soldats vinrent me chercher comme je l’avais prévu,
2. — Sans être prophète.
3. — Et pourtant, les pauvres soldats, c’est sur eux-mêmes qu’ils ont alors porté la main, comme toujours.
4. — Il y eut une débandade des disciples.
5. — Le noyau de l’Eglise, la source du monde nouveau, se dispersera.
6. — Et j’ai entendu l’un d’eux dire : Je ne connais pas cet homme, et je ne me suis pas tourné pour voir qui c’était.
7. — Et je fus enfermé avec les prêtres et les puissants, eux et moi, entre quatre murs.
8. — Et ce tribunal, c’étaient : le pontife plein de joyaux, et le riche royal, et le militaire glorieux, et le menteur brutal, et le sophiste doucereux et serpentant, — qui tous, portaient des bracelets, et avaient des bagues pendues à leurs oreilles, qui tous n’étaient qu’une âme et qu’une force.
9. — Ils firent semblant de m’interroger. A ce que je disais, ils répondaient d’après eux-mêmes et non d’après moi.
10. — Et ils voulaient que j’eusse fait un complot contre l’Etat.
11. — Et je me tus, et je cessai même de juger les juges.
12. — Puis on me poussa dehors, et devant le fonctionnaire romain.
13. — Comme c’était la préparation de la Pâque, la foule n’entrait pas dans le prétoire. Et de temps en temps, mis violemment par des bras sur le seuil de la porte qu’on ouvrait, je voyais s’étaler sur la place ce chantier de tumulte.
14. — Le fonctionnaire ne pensait qu’à sa responsabilité de fonctionnaire, et disait : Voyons, qu’est-ce que cet homme a fait de mal ?
15. — On répondait : Il a soulevé le peuple, et, de plus, il a dit qu’il était roi, alors qu’il y a César.
16. — Le fonctionnaire fut désobligé quant à la figure, et me dit : Pauvre prophète, du moment qu’ils parlent de César, j’aurais des ennuis si je ne te condamnais pas.
17. — Je savais bien que ce grand personnage voulait que je disparusse, mais il était hypocrite et lâche comme tous les puissants.
18. — Comme la foule pouvait délivrer un condamné, cette foule à qui les prêtres soufflaient ses cris, préféra délivrer Juda bar Abbas que moi (car il avait été emmené en prison).
19. — Quand il m’eut condamné et que ce fut une chose faite, le fonctionnaire me dit tout bas dans un coin, tandis que ses yeux froids me regardaient : Je me ris du roi des Juifs. Mais plus que de celui du roi des Juifs, j’ai peur de ton règne désespéré.
20. — Ils m’ont mis, devant tous, une couronne d’épines, un manteau de pourpre ; ils m’ont donné un sceptre de roseau. Ils disaient : Oh, oh, c’est le roi des Juifs, et ils m’ont souffleté en riant, tout en se prosternant devant moi.
21. — Et j’ai pensé à l’homme du chemin de Damas, et que c’était ma gloire qui commençait.
22. — J’ai pensé que ceux d’en haut feront un jour de moi comme ceux-ci, quand mon image et mon nom ressusciteront parmi eux.
23. — Ils me mettront l’habillement du roi, et me donneront le sceptre.
24. — Ils me mettront une couronne qui me fera mal.
25. — Ils se prosterneront devant moi.
26. — Et ils me soufflèteront.