L'illusion libérale
X
Ces deux pouvoirs unis, distincts et subordonnés, par lesquels la société chrétienne se régit, c’est ce que l’on appelle les deux glaives. Car la parole ne serait rien, si elle ne pouvait être, à certain moment, aussi un glaive. La mansuétude du Christ a voulu deux glaives pour que la répression tombât plus tardive et pût être prévenue.
Le premier glaive, celui qui ne déchire que les ténèbres, demeure au pouvoir patient et infailliblement éclairé du Pontife. L’autre, le glaive matériel, est dans la main du représentant de la société, et afin qu’il n’erre pas, il doit obéir au commandement du Pontife. C’est le Pontife qui le fait sortir du fourreau et qui l’y fait rentrer. Son office est de réprimer l’erreur agressive, une fois définie et condamnée, de la lier, de l’abattre ; de donner protection à la vérité, soit qu’elle ait besoin de se défendre, soit qu’elle se trouve dans la nécessité d’attaquer à son tour. La main séculière doit faire passage à la vérité, assurer la liberté de ses enseignements, garder au loin la vie de ses ambassadeurs et de ses disciples. Il a été dit aux Apôtres : « Allez, enseignez toutes les nations ; baptisez-les[7]. » Il nous est ordonné à tous de prier pour que le règne de Dieu arrive : Adveniat regnum tuum. Jésus-Christ n’a rien commandé d’injuste. Ce commandement implique le devoir à tous les peuples de recevoir les envoyés du Christ, et donne à la société chrétienne au moins le droit de protéger leurs jours. C’est assez qu’ils supportent l’exil, la faim, toutes les privations, tous les travaux, tous les mépris, qu’ils meurent de misère, qu’ils soient dévorés par les bêtes féroces : la république chrétienne a bien le droit d’exiger qu’ils ne rencontrent pas encore le bourreau, et que leurs néophytes, étant entrés dans la famille, soient sacrés comme eux. Tels sont les emplois de la force obéissante au commandement du Pontife. Il lui appartient de procurer l’accomplissement de cet ordre divin donné à Pierre déjà investi du principat : « Lève-toi, tue et mange. » C’est-à-dire, suivant l’interprétation des Pères : Tue l’erreur, qui est la mort, et transforme-là en ta lumière, qui est la vie.
[7] Matth., 28-19.