L'illusion libérale
XVI
Chose horrible, et aussi niaise qu’horrible : c’est au peuple du Christ que l’on propose d’accepter, de choisir pour chefs civils des ignorants qui ne savent pas que Jésus-Christ est Dieu, ou des vauriens qui le savent et qui s’engagent à gouverner comme s’ils l’ignoraient. Et l’on promet les bénédictions divines à des hommes, à des sociétés capables de cette folie et de cette bassesse ! Ce n’est pas ce que leur annonce l’Esprit-Saint. Les enfants d’Israël s’étant consacrés à Belphégor, Dieu dit à Moïse : « Prends tous les chefs du peuple, et pends-les à des potences, en plein jour, afin que ma fureur ne tombe point sur Israël[11]. » Voilà une note à mettre dans le dossier de la liberté des cultes. Il est dit ailleurs que « la justice élève les nations et que le péché rend les peuples misérables[12]. » Que fait le Libéralisme de cet oracle ? Le déclare-t-il abrogé, ou veut-il prétendre que la justice dont il est ici question est l’art impraticable de tenir la balance exacte entre Jésus, Luther, Mahomet et Joë Smith, entre Dieu et Belial ? Jésus ne veut point d’un pareil équilibre : « Qui n’est pas pour moi est contre moi[13]. »
[11] Nombres, XXV, 4.
[12] Prov., XIV.
[13] Matth., XII, 3.
« Sachez, empereur, écrivait saint Grégoire-le-Grand, sachez que la puissance vous est accordée d’en-haut afin que la vertu soit aidée, que les voies du ciel soient élargies, et que l’empire de la terre serve l’empire du ciel. » C’est la traduction de Bossuet.
Mais il s’agit bien de ces vieux dictons, de ces vieilles idées divines ! D’abord, le monde a changé, et enfin il faut suivre le courant.