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L'illusion libérale

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XXIX

En résumé, le parti catholique libéral accepte la rupture de la société civile avec la société de Jésus-Christ. La rupture lui paraît bonne, il la veut définitive. Il croit que l’Église y gagnera la paix, et même, plus tard, un grand triomphe. Néanmoins les perspectives de triomphe ne sont présentées qu’aux catholiques « intolérants », et on ne leur en parle qu’à voix basse. Tenons-nous à la paix.

A coup sûr, cette église libérale, église tout-à-fait de « son temps », ne pouvant être raisonnablement soupçonnée d’obéir à Rome, devra cesser d’irriter ou d’effrayer les généreux esprits qui ont résolu de cautériser enfin « le chancre pontifical ». Dès lors, pourquoi les catholiques, devenus semblables à tout le monde, n’obtiendraient-ils pas le bénéfice du mépris ! Ils seront méprisés, ils vivront en paix ; ils vaqueront à leur culte comme à leurs autres affaires ; le Siècle ne criera pas plus au clérical contre le paroissien de Saint-Sulpice que contre les brebis libérées du pasteur Coquerel.

N’être rien, assez rien pour vivre en paix avec tout le monde, cette espérance peut sembler plus que modeste ! Elle est de trop, toutefois. Quand même, par voie de séduction ou par voie de compression, les catholiques libéraux parviendraient à supprimer les catholiques entiers, je leur annonce qu’ils ne réussiront pas à se voir méprisés aussi parfaitement qu’ils y aspirent. Quelques réflexions vont les convaincre de la solidité de cette prédiction, et les forcer de juger eux-mêmes l’illusion dont ils se laissent envelopper.

J’écarte simplement la conception bizarre et inouïe de créer un gouvernement athée, lors même qu’il n’y aurait point d’athées dans la société que ce gouvernement doit conduire. Je me tais sur la dureté de vouloir soustraire les peuples à l’équité, à la mansuétude, au respect du sceptre chrétien, tellement qu’ils ne pourraient plus jamais avoir de saints rois. Je n’insiste pas sur le dédain de l’école pour les enseignements historiques et religieux qui condamnent l’indifférence gouvernementale entre le mal et le bien, et qui la montrent d’ailleurs absolument chimérique. L’illusion des catholiques libéraux va plus loin. Elle n’a pas seulement le pouvoir de falsifier l’histoire, la Bible, la religion, et de teindre de ses fausses couleurs jusqu’à la nature humaine : elle leur ôte l’appréciation du présent comme elle leur dérobe la connaissance du passé et la vue de l’avenir. Ils ne voient plus ce qui se passe, n’entendent plus ce qui se dit, ne savent plus ce qu’ils ont fait eux-mêmes ; ils méconnaissent enfin leur propre cœur comme tout le reste.

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