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L'illusion libérale

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XXVIII

Le sphynx révolutionnaire, sous le nom d’esprit moderne, propose quantité d’énigmes dont les catholiques libéraux s’occupent plus qu’il ne convient à la dignité des enfants du Christ. Aucun d’eux d’ailleurs n’y répond de manière à contenter ni le sphynx, ni soi-même, ni personne, et l’on peut observer que le monstre dévore premièrement ceux qu’il flatte de l’avoir mieux deviné.

Peu de fierté, peu de foi restent en ceux-là ! Ils viennent, non sans arrogance, au nom du sphynx et en leur propre nom, demander comment le Catholicisme « intolérant » saurait s’arranger « des conquêtes » de l’esprit dissident, de ses droits de l’homme, de sa liberté des cultes, de ses constitutions politiques établies sur ces bases, etc., etc. Rien n’est moins mystérieux.

Premièrement, l’esprit dissident à tous les degrés le prend sur un pied de supériorité qui ne lui appartient pas et que nous ne reconnaissons pas. L’erreur n’est ni la maîtresse, ni l’égale de la vérité, n’a rien de légitime à lui imposer, ne peut légitimement rien contre elle ; et, par suite, les disciples de l’erreur, infidèles, incrédules, athées, renégats, ne sont ni les maîtres ni les égaux légitimes des disciples de Jésus-Christ, le Dieu unique. Entre la cohue qui s’amasse autour de l’erreur, et la société parfaite que forme l’Église du Christ, les obligations ne sont nullement pareilles au point de vue de l’inaltérable droit. Nous savons parfaitement à qui il a été dit : Allez, enseignez : — Parole, pour le remarquer en passant, identique à ce grand Crescite, croissez, qui fut prononcé au commencement des choses ; et ces deux paroles sont vivantes en dépit des ruses et des triomphes de la mort. — L’erreur n’a rien à enseigner de droit divin, n’a pas le droit divin de croître et de multiplier. La vérité peut tolérer l’erreur, l’erreur lui doit la liberté.

Secondement, les partisans de l’erreur ayant pris le dessus et intronisé dans le monde de prétendus principes qui sont la négation du vrai, et par conséquent la destruction de l’ordre, nous leur laissons ces faux principes jusqu’à ce qu’ils s’en dégoûtent ou en meurent, et nous gardons nos vérités, dont nous vivons.

Troisièmement, lorsque le temps sera venu, lorsque l’épreuve sera faite et qu’il faudra reconstruire l’édifice social suivant les règles éternelles, que ce soit demain, que ce soit dans des siècles, les catholiques arrangeront les choses comme pour eux. Sans s’inquiéter de ceux qui voudraient demeurer dans la mort, ils établiront des lois de vie. Ils mettront Jésus-Christ à sa place, en haut, et on ne l’insultera plus. Ils élèveront les enfants pour connaître Dieu et honorer leurs pères. Ils maintiendront l’indissolubilité du mariage, et si les dissidents s’en trouvent mal, leurs fils s’en trouveront bien. Ils imposeront l’observation religieuse du dimanche pour le compte et pour le bien de la société toute entière, quitte à laisser les libres-penseurs et les juifs célébrer pour leur propre compte le lundi ou le samedi. Ceux que cette loi pourrait gêner seront gênés. Le respect ne sera plus refusé au Créateur et le repos à la créature dans l’unique but de contenter quelques maniaques, dont la frénésie fait si sottement et si insolemment pécher tout un peuple. Leurs maisons en seront d’ailleurs, comme les nôtres, plus solides, et leurs champs plus féconds.

En un mot, la société catholique sera catholique, et les dissidents qu’elle tolérera connaîtront sa charité, mais ne morcelleront pas son unité.

Voilà ce que l’on peut, de la part des catholiques, répondre au sphynx ; et ce sont les paroles qui le tueront. Le sphynx n’est pas invulnérable ; nous avons contre lui les armes qu’il faut. L’Archange n’a pas vaincu le Rebelle avec des armes matérielles, mais avec cette parole : Quis ut Deus ? Et Satan est tombé foudroyé d’un coup de lumière.

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