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L'illusion libérale

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XIV

Étant donc dans cette situation en face de Dieu et de l’Église, je nie au chrétien, lui qui doit obéir, le droit de déléguer la désobéissance. Je lui nie le droit, non-seulement de créer, mais même d’accepter sans protestation un pouvoir qui se constituerait indépendant de Dieu.

Le libéralisme catholique nie que le pouvoir puisse être chrétien ; je nie qu’il puisse impunément ne l’être pas et que nous puissions impunément nous dispenser de faire tout ce que la religion commande et approuve pour le maintenir chrétien ou l’obliger à le devenir.

Le pouvoir non chrétien, n’eût-il aucune autre religion, c’est le mal, c’est le diable, c’est la théocratie à l’envers. Si nous sommes forcés de subir ce malheur et cette honte, le malheur et la honte seront plus grands encore pour le monde que pour nous. Nous nous en tirerons par la grâce de Dieu, et seuls nous en pourrons tirer le monde. Mais provoquer, fabriquer de nos mains un gouvernement athée par principe, donner le sacre à cette chose absurde et vile, ce serait trahison envers le genre humain. L’humanité nous en demanderait compte devant Dieu. Elle nous accuserait d’avoir éteint la lampe, d’avoir été les complices des ténèbres où siégeait la mort.

Il me semble entendre Tertullien, s’adressant au chrétien fabricateur d’idoles : « Peux-tu prêcher un seul Dieu, toi qui en fais tant d’autres ? prêcher le Dieu vrai, toi qui en fais de menteurs ? — Je les fais, diras-tu, je ne les adore pas. — Même est la raison qui défend de les adorer, même la raison qui défend de les fabriquer : c’est, des deux côtés, l’offense à Dieu. Mais tu les adores, toi par qui l’on peut les adorer. Tu les adores et tu leur sacrifies la vie de ton âme : tu leur immoles ton génie, tu leur offres en libation tes sueurs ; pour eux tu allumes le flambeau de ta pensée. Tu leur es plus qu’un prêtre, car c’est par toi qu’ils ont des prêtres, et c’est ton travail qui fait leur divinité ![9] »

[9] De Idololatria, c. 6.

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