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L'illusion libérale

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XV

Il est vrai, le Libéralisme annonce le contraire. La lampe, dit-il, brillera davantage, et c’est alors qu’elle percera les ténèbres. Dès que nous serons catholiques nuancés, catholiques modifiés, enfin catholiques nouveaux, aussitôt nous convertirons le monde. Là-dessus, les catholiques libéraux sont inépuisables. Cette illusion console leurs esprits des défaillances de leurs cœurs ; ils la caressent, et l’éloquence qu’ils déploient révèle bien les violences de l’appétit d’Ésaü et la farce de sa passion pour les lentilles. Malheureusement le séduisant tableau des conquêtes que la religion devra faire moyennant le concours de l’esprit libéral, est gâté par un souvenir difficile à oublier.

Au commencement de l’Évangile selon saint Matthieu, le Tentateur s’approche de Jésus retiré dans le désert, et s’apercevant que la faim le tourmente, il lui dit : « Commandez que ces pierres se changent en pain. » Jésus lui répond : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Alors le Tentateur le transporte sur le sommet du Temple et lui dit : « Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas, car il est écrit que les anges veilleront sur vous, vous soutiendront de leurs mains et empêcheront que votre pied ne heurte contre la pierre. » Jésus lui répond : Il est écrit aussi : Vous ne tenterez point le Seigneur votre Dieu. » Le Tentateur fait un dernier effort, et livre son secret. Il transporte le Sauveur sur une haute montagne, et par un prestige, il lui fait voir tous les royaumes du monde et toute leur gloire. «  — Je vous donnerai, dit-il, tout cela, si, vous prosternant, vous m’adorez. » Jésus lui répond : « Va-t-en. Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul. » Satan se retira, et en même temps les anges s’approchèrent, et ils servirent Jésus[10].

[10] Matth., c. IV.

Le Libéralisme renouvelle cette scène : l’Église est pauvre, elle a faim : que l’Église soit libérale, elle sera riche, les pierres se changeront en pain ! Mais la faim qui tourmente l’Église comme elle tourmentait Jésus, c’est la charité. L’Église a faim de nourrir les âmes languissantes. Le pain qu’elle veut leur distribuer, le pain qui les rendra fortes, c’est la parole sortie de la bouche de Dieu, c’est la Vérité. Le Libéralisme lui dit : Si vous êtes de Dieu, si vous avez la parole de Dieu, vous ne risquez rien de quitter le sommet du Temple : jetez-vous en bas, allez à la foule qui ne vient plus à vous, dépouillez ce qui lui déplaît en vous, dites-lui des paroles qu’elle aime d’entendre, et vous la reconquerrez ; car Dieu est avec vous ! Mais les paroles que la foule aime d’entendre ne sont pas les paroles sorties de la bouche de Dieu, et il est toujours défendu de tenter le Seigneur.

Enfin le Libéralisme prononce son dernier mot : Je tiens le monde et je vous donnerai le monde…

Mais il fait toujours la même condition : Si cadens adoraveris me. Descendez, tombez, prosternez-vous dans l’égalité de ceux qui n’ont point de Dieu, et suivez les gens de bien que je préposerai à votre conduite après qu’ils auront juré de ne franchir jamais le seuil d’un lieu de prière : alors vous verrez comme le monde vous honorera et vous écoutera, et comme Jérusalem renaîtra plus belle !

« Le roi du néant, disait saint Grégoire VII, promet de remplir nos mains. Ainsi, des princes de la terre, qui ne sont pas même assurés d’un jour, osent parler au Vicaire de Jésus-Christ. Ils lui disent : Nous vous donnerons la puissance, l’honneur, tous les biens, si vous reconnaissez notre suprématie, si vous faites de nous votre Dieu ; si, tombant à nos pieds vous nous adorez. »

Que de fois cette séduction a été essayée ! Aux Papes qu’il a persécutés, Frédéric d’Allemagne promettait un vaste développement de la Foi ; Cavour crut prendre Pie IX à ce mirage ; le Parlement de Florence, multipliant les insultes et les rapines, tient le même discours, mélange de dérision et de stupidité. Personne ne varie sur les conditions : Sortir du camp d’Israël, quitter ce stérile rocher de Rome, fermer l’oreille aux redites de cette Arche sainte qui ne rend jamais des oracles nouveaux ; enfin, tomber, adorer le Menteur et le croire uniquement !

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