L'illusion libérale
XXXVII
J’avais commencé d’écrire ces pages avec un sentiment d’amertume et d’angoisse que je n’éprouve plus en terminant. L’illusion libérale n’est pas seulement vaine au fond, elle a des conseils de faiblesse et de mensonge qui révèlent sa misérable origine. Cette fausse fierté dont elle s’enveloppe là où il faut obéir, ne déguise pas assez les complaisances qu’elle prodigue là où il convient de résister. Elle ne peut longtemps abuser des âmes faites pour la vraie grandeur. Chez les catholiques, l’ardente droiture et l’élévation du cœur redressent les travers de l’esprit. Si ce siècle semble nous promettre une longue période de médiocres combats sans victoire apparente, des abaissements de toute sorte ; si nous devons être raillés, bafoués, expulsés de la vie publique ; s’il faut, dans ce martyre du mépris, subir le triomphe des sots, la puissance des pervers et la gloire des faquins, Dieu de son côté réserve à ses fidèles un rôle dont ils ne refuseront pas et ne méconnaîtront pas la féconde et durable splendeur. Il leur donne à porter sa vérité diminuée et réduite comme un flambeau d’autel qu’on peut mettre aux mains d’un enfant, et il leur commande de braver tout cet orage ; car pourvu que leur foi ne faiblisse pas, la flamme vivante non-seulement ne sera pas éteinte, mais ne vacillera même pas. Non, elle ne sera pas éteinte et ne vacillera pas ! La terre nous couvrira de ses poussières, l’Océan nous crachera ses écumes, nous serons foulés aux pieds des bêtes lâchées sur nous, et nous franchirons ce mauvais passage de l’histoire humaine. La petite lueur placée dans nos mains déchirées n’aura pas péri ; elle rallumera le feu divin.