← Retour

L'illusion libérale

16px
100%

XXXIII

Mais il est temps d’ouvrir l’arcane de 89, et de dénoncer le point où la foi catholique libérale devra cesser ou d’être libérale ou d’être catholique.

Il existe un principe de 89 qui est le principe révolutionnaire par excellence, et à lui seul toute la Révolution et tous ses principes. On n’est révolutionnaire qu’au moment où on l’admet, on ne cesse d’être révolutionnaire qu’au moment où on l’abjure ; dans un sens comme dans l’autre, il emporte tout ; il élève entre les révolutionnaires et les catholiques un mur de séparation à travers lequel les Pyrames catholiques libéraux et les Thisbés révolutionnaires ne feront jamais passer que leurs stériles soupirs.

Cet unique principe de 89, c’est ce que la politesse révolutionnaire des Conservateurs de 1830 appelle la sécularisation de la société ; c’est ce que la franchise révolutionnaire du Siècle, des Solidaires et de M. Quinet appelle brutalement l’expulsion du principe théocratique ; c’est la rupture avec l’Église, avec Jésus-Christ, avec Dieu, avec toute reconnaissance, avec toute ingérence et toute apparence de l’idée de Dieu dans la société humaine.

A vrai dire, il ne faut pas presser beaucoup le principe catholique libéral pour le conduire jusque-là. Il y arrive par la même route, par les mêmes étapes, par les mêmes nécessités de situation, par les mêmes suggestions d’orgueil qui ont impérieusement conduit le principe du libre examen protestant à la négation de la divinité de Notre-Seigneur. Les Pères de la Réforme ne se proposaient pas le but où touche aujourd’hui leur postérité, et l’on peut dire que les plus audacieux ne l’eussent pas envisagé sans horreur. Mais ce qu’ils prétendaient conserver du dogme étant plus que suffisant pour contraindre la raison humaine de l’admettre tout entier, leurs fils ont nié, nié, toujours nié, ils ont porté la hache sur tous les points où la séve dogmatique produisait un bourgeon légitime, c’est-à-dire catholique ; et enfin, l’ayant mise au tronc, et trouvant que l’indéfectible vérité jaillissait toujours la même et leur criait toujours qu’il faut être catholique, ils ont dit : Arrachons les dernières racines et cessons d’être chrétiens pour demeurer protestants !

Pareille chose est arrivée aux écoles philosophiques de l’antiquité qui ont voulu résister au christianisme : la logique à rebours les a replongées dans les absurdités de la théurgie païenne, niant toute vérité, affectant de croire toute folie.

Parmi nous, les philosophies séparées vont jusqu’à la négation implicite de la morale pour le profit de sapience de rendre la morale indépendante de la religion. L’Université, sous Louis-Philippe, nous disait comme une chose toute simple : « C’est le travail de la raison de l’homme et des sociétés depuis trois siècles, d’opérer cette scission que la Révolution française a définitivement établie dans nos mœurs et dans nos institutions. »

Hélas ! ce ne serait rien que l’erreur : le grand danger de l’esprit humain, c’est de vouloir avoir raison, et, dès qu’il relâche le frein de l’obéissance, ce danger devient le péril. Quia omnis qui facit peccatum servus est peccati[22]. Cela est vrai du péché de doctrine comme du péché matériel.

[22] Joan., VIII, 34.

Chargement de la publicité...