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L'illusion libérale

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XVII

« Suivre le courant, » c’est à quoi se résument ces fameuses inventions et ces grandes fiertés du libéralisme catholique.

Et pourquoi donc suivre le courant ! Nous sommes nés, nous sommes baptisés, nous sommes sacrés pour remonter le courant. Ce courant d’ignorance et de félonie de la créature, ce courant de mensonge et de péché, ce courant de boue qui porte à la perdition, nous devons le remonter et travailler à le tarir. Nous n’avons pas d’autre affaire au monde.

Notre histoire est le récit du triomphe de Dieu par la vérité désarmée de toute politique humaine à l’égard des princes et à l’égard du monde. Les païens étaient libéraux. Ils ont beaucoup voulu s’arranger avec l’Église. Ils ne lui demandaient que d’avilir un peu son Christ et de le faire descendre au rang de particulier divin. Alors le culte aurait été libre ; Jésus aurait eu des temples comme Orphée et comme Esculape, et les païens eux-mêmes, reconnaissant sa philosophie supérieure, l’auraient adoré.

En négociant cet accommodement, et pour aider à la transaction, le pouvoir public, poussé par les philosophes, les gens de lettres, les juifs, les astrologues et les apostats persécutait les chrétiens. Il arrivait, dans les provinces, que la persécution prenait d’un coup de filet une église entière. L’Évêque, le clergé, les fidèles, les enfants, les néophytes étaient là devant le proconsul. Fréquemment le proconsul les conjurait de le mettre à même de les acquitter ; il ne leur demandait qu’un signe. Ces chrétiens ne délibéraient pas, ne se disaient pas : Que deviendra l’Église et qui servira Dieu si nous mourons ? Ils confessaient le Dieu unique et ils mouraient. C’est ainsi qu’ils ont fait tomber le fer des mains du bourreau, ôté le glaive des mains de l’Empereur, et arraché le genre humain de l’abîme. Mais ce qu’ils avaient affirmé persécutés, ils ne l’ont pas renié vainqueurs. Ils avaient affirmé la royauté du Christ, ils l’ont établie, et la croix du Labarum a dominé la couronne impériale.

Le Déchu, le grand artisan d’hérésie s’appelle Satan, Adversarius ; l’adversaire du juste, du vrai, du bien ; et ce qu’il propose, est ce qu’il ne faut pas accepter. Comme il proposait jadis l’absorption, dans le même but, par des moyens analogues, par les mêmes organes ennemis et trompeurs, tantôt menaçant tantôt séduisant, il propose maintenant la séparation. Il disait aux premiers chrétiens : Abdiquez la liberté, entrez dans l’empire. Il nous dit aujourd’hui : Sortez de l’empire, entrez dans la liberté. Jadis : Unissez-vous ; aujourd’hui : Séparez-vous. Jadis, une union qui eût avili l’Église ; aujourd’hui, une séparation qui avilirait la société. Ni cette union ne convenait alors, parce qu’elle eût été l’absorption, ni cette séparation ne serait bonne aujourd’hui, parce qu’elle serait la répudiation. L’Église ne répudie pas la société humaine et ne veut pas en être répudiée. Elle n’a pas abaissé sa dignité, elle n’abdiquera pas son droit, c’est-à-dire, au fond, sa liberté royale. Il est de l’intérêt de l’Adversaire, non de l’intérêt de l’Église et de la société chrétienne d’ôter la croix à la couronne et d’ôter la couronne à la croix.

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