L'illusion libérale
XXX
S’il est une chose évidente, c’est que les libéraux non chrétiens, tous révolutionnaires, ne veulent pas plus des catholiques libéraux que des autres catholiques. Ils le disent formellement, sans cesse, sur tous les tons ; le Siècle en a fait des déclarations répétées qui ne laissent rien à deviner, et qui, certes, ne manquent pas d’écho. Plus de christianisme, qu’il n’en soit plus question ! voilà le cri de la Révolution partout où elle domine. Et où ne domine-t-elle pas en Europe ? Aucun révolutionnaire n’a protesté contre les hurlements de bête féroce de Garibaldi, contre les thèses plus froidement meurtrières de M. Quinet, demandant que le catholicisme soit « étouffé dans la boue », contre l’impiété inepte de ces séides qui s’associent pour refuser les sacrements. D’un autre côté, aucun groupe, aucun notable révolutionnaire n’a encore été converti par les programmes, les avances, les tendresses, et il faut le dire, hélas ! les faiblesses des catholiques libéraux. Ils ont en vain renié leurs frères, méprisé les bulles, expliqué ou dédaigné les encycliques : ces excès leur ont valu de chiches éloges, d’humiliants encouragements, point d’adhésion. Jusqu’ici la chapelle libérale n’a point d’entrée, et semble n’être qu’une porte de sortie de la grande Église. L’explosion de haine continue dans le camp libéral non chrétien : elle allume au milieu du monde une sorte de fureur, non seulement contre l’Église, mais même contre la simple idée de Dieu. Il se manifeste une émulation générale parmi les chefs de partis qui gouvernent à présent l’Europe, pour briser toute union entre l’homme et Dieu. Chez les schismatiques, chez les hérétiques, chez les infidèles enfin, pour peu qu’ils aient de contact avec la civilisation, partout on dépouille l’Église. L’État musulman met la main sur les biens des mosquées, comme ailleurs l’État chrétien sur la propriété ecclésiastique ; il faut que Dieu, sous aucun nom, à aucun titre, ne possède plus une parcelle de ce qu’il a créé. Tel est ce monde, dans lequel les catholiques libéraux pensent trouver des défenseurs, des gardiens probes et dévoués de la liberté catholique.