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L'illusion libérale

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XIII

Que signifie l’argument de la liberté humaine, qui revient sans cesse par mille chemins tortueux et couverts dans les thèses du catholicisme libéral ? L’homme a la faculté de faire le mal et de ne pas faire le bien. Qui l’ignore et qui le conteste ? Mais la folie est étrange de conclure que Dieu, laissant à l’homme cette faculté, lui donne l’exemple et le modèle de l’indifférence entre la vérité et l’erreur, entre le mal et le bien. La moindre réflexion nous montre l’abondance des divins et miséricordieux obstacles dont Dieu a entouré l’exercice mauvais du pouvoir de choisir et de s’abstenir. Il nous ôte la ressource du néant et ne nous donne à décider qu’entre deux éternités. S’abstenir c’est avoir choisi. Voilà ce que l’on appelle avec tant d’emphase la liberté humaine !

Ce misérable quiproquo est la base sur laquelle toute la doctrine libérale est édifiée. Non, il n’y a point de liberté humaine dans ce sens périlleux ; Dieu n’a point fait ce dangereux présent à des êtres faillibles. Dieu seul est libre. Il nous a donné le libre arbitre, point la liberté.

Ce que nous avons vraiment la liberté de faire, c’est ce que nous pouvons faire impunément en présence de la justice parfaite. Eh bien, pouvons-nous impunément ne point obéir à Dieu, ne le point servir, ne point procurer autant qu’il est en nous que Dieu soit obéi et servi ? Pouvons-nous impunément ne point écouter l’Église ?

Ce sont là les termes vrais de la question. Tout effort pour l’éluder, de quelque applaudissement qu’il soit suivi, n’est que la vaine preuve d’une vaine dextérité.

A l’occasion de l’Encyclique Quanta cura, l’on a vu multiplier ces jeux frivoles. Diverses explications de l’Encyclique, plus ou moins respectueuses dans les formes, la réduisaient au fond à peu de chose, pour ne pas dire à rien. Cela fut très-goûté. Au bout d’une année, ce sont ces explications qui paraissent peu de chose, qui ne sont rien. Nous y avons lu que l’Encyclique ne contient absolument que la condamnation nécessaire et légitime de la liberté illimitée. L’Encyclique ne s’occupe pas de la liberté illimitée, qui est une folie et une hérésie contre les gouvernements, dont les gouvernements savent fort bien se défendre ; elle avertit les catholiques du péril dans lequel ils mettraient leurs frères et eux-mêmes, en préconisant, au mépris des enseignements de l’Église, certaines affirmations téméraires qu’elle qualifie en bloc la liberté de perdition, libertatem perditionis. L’Encyclique en trace une esquisse, le Syllabus en précise les trop reconnaissables traits. Il est clair que les notes données aux délires de l’indifférentisme, de l’incrédulité ou de l’hérésie caractérisée regardent peu les fidèles. Mais si l’on veut scruter les erreurs signalées comme contraires aux droits de l’Église, à son pouvoir, à l’obéissance qui lui est due, on connaîtra la « liberté de perdition ».

Et celle-là, les puissances séculières ne la combattent point comme la démence de la liberté illimitée ; mais au contraire elles la favorisent et même elles l’imposent. Leur instinct ne les trompe pas ! Tout ce qui émancipe l’homme du pouvoir de Dieu le précipite sous les pouvoirs de ce monde ; la barrière qu’il franchit en bravant les défenses divines est toujours la barrière de l’Éden.

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