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La Révolution russe : $b sa portée mondiale

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XVI

Pourquoi s’imaginer que les hommes, qui sont en la puissance de Dieu, demeureront toujours dans l’erreur étrange que seules les lois humaines, changeantes, injustes, locales, sont importantes et obligatoires, et non la loi de Dieu, éternelle, juste et commune à tous les hommes ?

Pourquoi penser que les pasteurs de l’humanité prêcheront toujours que cette loi n’existe pas et ne saurait exister, lorsque chaque secte possède ses lois religieuses, lorsque telle autre croit à celles qu’on appelle scientifiques (lois de la matière, celles de la sociologie), qui sont sans obligation ni sanction, ou lorsqu’on obéit à des lois civiles que les hommes peuvent établir et changer à leur volonté ?

Cette erreur peut être provisoire.

Pourquoi supposer, en effet, que les hommes, auxquels est révélée la loi divine commune à tous, écrite dans leur âme, trouvant son expression dans les doctrines des Brahmanes, de Bouddha, de Lao-Tseu, de Confucius, du Christ, n’adopteront pas enfin cet unique principe de toutes les lois, qui leur donnera et la satisfaction morale et une vie sociale heureuse ? Pourquoi demeureraient-ils fidèles au chaos des doctrines théologiques, scientifiques et politiques, méchantes et pitoyables, qui les détournent de la seule chose nécessaire, et les poussent vers les choses vaines, ne leur donnant aucune indication sur la façon de se conduire dans la vie individuelle et sociale ?

Pourquoi se dire que les hommes continueront à endurer toutes les souffrances, les uns en cherchant à dominer les autres, les autres en se soumettant avec haine et envie à leurs maîtres et en s’efforçant à devenir eux-mêmes des dirigeants ?

Pourquoi supposer que le progrès, orgueil des hommes d’aujourd’hui, consistera toujours dans l’accroissement de la population, dans les mesures policières de nous conserver la vie, et non dans l’amélioration morale de notre vie ?

Pourquoi croire qu’on verra toujours le progrès dans de piètres inventions mécaniques produisant de plus en plus des objets inutiles et nuisibles, et non dans la marche vers l’union toujours plus étroite entre les hommes et dans la nécessité, pour parvenir à cette union, de vaincre nos passions ?

Pourquoi ne pas supposer que les hommes se réjouiront et rivaliseront non pas dans la richesse et le luxe, mais dans la simplicité, la modération et la bonté ?

Pourquoi ne pas penser que les hommes verront le progrès non pas dans l’accroissement des biens, mais dans la tendance de demander de moins en moins et de donner de plus en plus aux autres ; non plus dans l’élargissement de notre pouvoir, ni dans le succès, ni dans la victoire, mais dans la tendance de nous modérer de plus en plus, et de communier de plus en plus étroitement, individu avec individu, nation avec nation ?

Pourquoi se représenter les hommes toujours assoiffés de luxure ou se multipliant comme des lapins, construisant dans les villes des usines d’alimentation chimique pour assurer l’existence des générations qui se multiplient et vivent dans les villes où il n’y a ni plantes ni animaux ?

Pourquoi ne pas les voir plutôt chastes, luttant contre leurs passions, vivant en paix avec leurs voisins, au milieu des champs, des jardins, des forêts et des animaux domestiques bien nourris, et cela avec la seule différence entre leur état actuel et celui de demain de ne pas reconnaître la terre comme une propriété privée, ni eux-mêmes comme appartenant à tel ou tel État, ne payer à personne d’impôt, ne pas guerroyer, mais communier dans une paix universelle ?

Pour se représenter ainsi la vie humaine on n’aurait rien à imaginer de nouveau, ni à modifier, ni à ajouter à la vie des pays agricoles, telle que nous la connaissons en Chine, en Russie, aux Indes, au Canada, en Algérie, en Égypte, en Australie.

Pour s’imaginer cette vie, on n’a pas à inventer quelque organisation compliquée, mais simplement à se dire que les hommes ne doivent reconnaître qu’une seule loi supérieure, la loi de l’amour de Dieu et de son prochain, celle qui est invariablement exprimée dans les religions de Brahma, de Bouddha, de Confucius de Lao-Tseu, du Christ.

Pour que cette vie se réalise, il n’est nullement besoin que les hommes se transforment au point de devenir des anges vertueux. Les hommes garderont leur faiblesse et leurs passions, pécheront, se querelleront, commettront des adultères, spolieront la propriété, tueront même ; mais tout cela ne sera que l’exception, non la règle. Leur vie sera tout autre par le seul fait qu’ils ne considéreront plus la violence organisée comme condition nécessaire, ne seront plus formés sous l’influence des crimes de l’autorité envisagés comme actes méritoires.

La vie des hommes sera tout autre parce que la violence, contraire à la loi divine, considérée aujourd’hui comme légitime et nécessaire, ne sera plus un obstacle à l’enseignement de bonté, d’amour et de soumission à la volonté de Dieu.

Pourquoi ne pas s’imaginer que la souffrance conduira les hommes au désir de s’affranchir de la suggestion, de l’hypnose auxquelles ils doivent leurs longues misères, à se souvenir qu’ils sont les fils et les serviteurs de Dieu, et peuvent et doivent par suite n’obéir qu’à lui et à leur conscience ? Loin d’être difficile à se l’imaginer, il est au contraire difficile de croire que cela ne puisse pas être.

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