← Retour

La Révolution russe : $b sa portée mondiale

16px
100%

III

Il est une autre cause, plus puissante encore, des changements de rapports entre dirigeants et dirigés. Reconnaissant au pouvoir le droit de les dominer et étant habitués à la soumission, ces derniers commencent, à mesure que l’instruction et la conscience morale se répandent, à se rendre compte non seulement de la nocivité grandissante du pouvoir au point de vue matériel, mais encore de l’immoralité de la soumission.

Il y a dix, ou même cinq siècles, les nations pouvaient, sur l’ordre de leurs chefs, massacrer des populations entières des autres pays dans un but de conquête, de dynastie ou de fanatisme religieux. Mais, au XIXe et au XXe siècle, les dirigés, éclairés par le christianisme ou par d’autres doctrines humanitaires engendrées par lui, ne peuvent plus obéir aux autorités exigeant la participation à l’assassinat de ceux qui défendent leur liberté, comme cela eut lieu notamment en Chine, au Transvaal, aux Philippines ; ils ne peuvent plus, comme jadis, la conscience tranquille, se savoir participer aux violences que commettent aujourd’hui tous les gouvernements.

Le pouvoir oppresseur, à mesure qu’il dure, fond par les deux bouts : d’une part, par l’accroissement de l’immoralité des dirigeants augmentant progressivement le poids qui écrase les dirigés, et, de l’autre, en répondant de moins en moins au principe de moralité des dirigés.

L’heure survient donc immanquablement quand se modifie l’attitude du peuple envers l’autorité. Elle peut survenir tôt ou tard, suivant le degré et la rapidité de la corruption du pouvoir, le tempérament plus ou moins calme ou agité du peuple, voire suivant sa situation géographique facilitant ou empêchant la communication des hommes entre eux ; mais, tôt ou tard, cette heure arrive forcément chez tous les peuples.

Chez les nations occidentales, nées sur les ruines de l’empire romain, ce moment était arrivé depuis longtemps. La lutte du peuple contre le gouvernement a continué dans les États qui lui avaient succédé, continue encore aujourd’hui. Chez les Orientaux : la Turquie, la Perse, l’Inde, la Chine, ce moment n’est pas encore venu. Enfin, il vient de sonner pour le peuple russe.

Ce peuple est aujourd’hui en présence d’un terrible dilemme : doit-il continuer, à l’exemple des populations orientales, à se soumettre à son gouvernement irraisonné et corrompu malgré tous les maux dont il en souffre ; ou bien, à l’exemple des nations occidentales, reconnaissant le caractère nuisible du gouvernement existant, doit-il le renverser par la force et le remplacer par un nouveau ?

Ce dilemme se présente comme naturel à ceux des Russes qui, n’appartenant pas aux classes ouvrières, se trouvent en rapport avec les classes supérieures des nations occidentales et considèrent comme un bien la puissance militaire, le progrès industriel et commercial, le perfectionnement technique et l’éclat extérieur auxquels sont parvenus les peuples d’Occident à la suite du changement de leur régime politique.

Chargement de la publicité...