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La Vallée du Silence

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CHAPITRE XXV
SUR LE SEUIL

Kent n’aurait su dire après combien de temps son esprit s’adapta à la réalité. Une minute, une heure peut-être… Toute la force vitale de son être s’était concentrée dans cette pensée : la morte était revenue à la vie. Marette Radisson était dans ses bras ; c’était bien elle, palpitante de vie, sa Marette bien-aimée, celle dont il était venu chercher ici l’ombre. Elle était là contre lui.

Il venait d’apercevoir le visage de Mac Trigger, telle une image sur l’écran. Mais pour l’instant, cela n’ajoutait rien à sa pensée ; sa tête retomba sur sa poitrine. Si la vallée avait retenti du plus bruyant fracas, il n’eût entendu que cette petite voix, brisée de sanglots, qui répétait tout contre son oreille :

« Jim… Jim… Jim… »

Seul, Mac Trigger, à la lueur des étoiles qui commençaient à se montrer, se rendait sainement compte du merveilleux événement qui venait de se produire.

Enfin, Kent entendit la joyeuse voix de Mac Trigger qui insistait pour se faire entendre, et il sentit la douce pression de la main posée sur son épaule. Il se releva, tenant toujours dans ses bras Marette, haletante et brisée d’émotion. Il ne pouvait parler, et ce fut en trébuchant qu’il s’approcha de la maison.

Mac Trigger, qui marchait à côté de Marette, ouvrit la porte de sa demeure, et ils se trouvèrent tous trois sous la lumière de la lampe.

La pièce où ils entrèrent était vaste et d’aspect étrange. Les deux amants étaient demeurés jusque-là pressés l’un contre l’autre, comme pour résister au doute, comme si leur contact pouvait seul les maintenir dans l’idée qu’ils s’étaient vraiment retrouvés, qu’ils s’appartenaient bien mutuellement. Mais quand ils cessèrent de se tenir embrassés, le doute et l’émotion craintive qu’ils éprouvaient au fond d’eux-mêmes se transformèrent, dans la lumière de la pièce, en une magnifique certitude.

Ils existaient donc tous deux, et l’un pour l’autre !

Kent s’aperçut que Marette avait terriblement maigri et pâli. Ses yeux agrandis étaient comme des lacs violets et calmes, presque noirs à la clarté de la lampe. Sa chevelure, très relevée, faisait ressortir la pâleur extrême de son visage. Comme elle portait une main tremblante à sa gorge, Kent fut douloureusement frappé de la maigreur de cette main.

L’espace d’une seconde, Marette fut reprise par cette crainte subconsciente que ce ne fût point Kent qui se tenait là devant elle. Mais aussitôt elle sourit, ouvrit doucement les bras et les tendit vers lui. Alors son sourire s’évanouit, et ayant serré de toutes ses forces ses bras autour du cou de Kent, elle laissa tomber sa tête sur la poitrine de son ami, comme écrasée sous le poids du bonheur.

Kent regarda Mac Trigger.

A ses côtés se tenait une femme aux cheveux noirs, aux yeux sombres, qui, une main appuyée sur le bras de Mac Trigger, souriait avec quelque mélancolie. Kent comprit qu’elle était l’épouse de Trigger.

Elle s’approcha.

— Mieux vaut que je l’emmène maintenant, M’sieu, dit-elle. Malcolm vous racontera tout. Un peu plus tard vous pourrez la revoir.

Elle avait la voix lente et douce. En l’entendant, Marette leva la tête, et ses deux mains pressèrent les joues de Kent à qui elle murmura :

— Embrasse-moi, Jim… mon Jim… Embrasse-moi !

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