Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 2/2
HABITS D’HOMMES
ET DE FEMMES.
Monsieur Oultran Tailleur ordinaire du Corps du Roy et de Monseigneur[1], demeure rue et vis à vis l’Hôtel de la Monnoye.
[1] Il s’appeloit Barthélemy Autran, « travaillant seul, dit l’État de France, pour les habits du Roy, de Monseigneur le Dauphin et de Messieurs les princes ses enfants ».
M. Barois aussi Tailleur du Roy[2], demeure rue saint Honoré près les Pères de l’Oratoire.
[2] Il étoit sans doute des douze tailleurs ordinaires. L’État de France ne le nomme pas.
Messieurs Francisques[3] et du Puis[4] Tailleurs de Monsieur et de Monseigneur le Duc de Chartres, demeurent sçavoir le premier près le Palais Royal, et le deuxième rue des Petits Champs.
[3] L’État de France le nomme Francisque Sérini.
[4] François-Louis Du Puy. Son fils Gabriel avoit sa charge en survivance.
M. Mindy aussi Tailleur de Monsieur, demeure devant l’Hotel d’Aligre à l’Escouvette[5].
[5] L’Écouvette, que ce découpeur de draps avoit pour enseigne, étoit une longue brosse à manche, dont l’apprêteur se servoit, pendant le pressage des étoffes, pour asperger d’eau les plaques employées à les chauffer.
Le Bureau des Maitres et Marchands Tailleurs de Paris est sur le quay de la Mégisserie[6].
[6] Il n’y avoit, quai de la Mégisserie, que leur bureau. La confrérie étoit à la Trinité.
Les quatre Jurez en Charge de la Communauté, sont Messieurs Blin cloitre Notre Dame, la Lande rue saint Antoine, Brigüion rue Neuve saint Mederic, et Caubet rue de Grenelle.
Entre les Tailleurs pour hommes qui sont d’ailleurs renommez pour bien travailler, sont Messieurs Bonneau, Lagaru, Theveniere et la Lande devant l’Hôtel d’Aligre, Prévost et Landault rue des Petits Champs, la Lesse et Durant rue d’Orléans, la Borde rue du Four quartier saint Eustache, Chapignolle et du Chesne près la Boucherie de Beauvais[7], André rue Betizy, Guérard rue de Montmorency, Ruby rue de Guénégaud, Bresson rue saint Martin, Bausquet, Bouret et Ferret rue des Prouvaires, Goguet et Trallot rue de l’Arbre sec, Juste rue des Bourdonnois, Migeon devant le Jeu de Metz, etc.
[7] Cette boucherie, qui devoit son nom à la Halle, dont elle avoit pris la place, et que s’étoient longtemps partagée les tisserands de Paris et les marchands de Beauvais, se trouvoit au coin de la rue Saint-Honoré et des piliers des Halles.
Le Sieur Roussel Tailleur privilegié rue saint Honoré au coin des Pilliers des Halles, tient magasin de toutes sortes d’habits pour hommes, neufs et de rencontre.
Il y a sous les mêmes Pilliers un grand nombre de Tailleurs Fripiers, qui tiennent magasin d’habits de rencontre, entre lesquels le Sieur Fournerat[8] entreprend d’entretenir un homme d’habits honnêtes pour quatre pistoles par an[9].
[8] La rédaction est un peu différente dans l’édit. de 1691, p. 25 : « Le sieur Fournerat, marchand fripier, sous les piliers des Halles, entretient bourgeoisement et honnêtement d’habits, pour quatre pistoles par an. » Avant cet article, on y trouve celui-ci : « Il y a une friperie aux Halles, qui s’étend jusqu’au Pont-Neuf, pour le commerce des habits tout faits, vieux et neufs, simples et garnis, et même pour les habits de deuil et pour ceux de théâtre et de mascarades qu’on peut louer à tant par jour. » Le Pont-Neuf étoit leur limite. Depuis une ordonnance de police du 9 mars 1669, ils n’avoient sous aucun prétexte le droit d’y étaler pas plus qu’à la place Dauphine. On les parquoit aux Halles et dans les rues avoisinantes pour mieux pouvoir les surveiller, presque tous étant soupçonnés d’être des recéleurs.
[9] Fournerat eut souvent, pour son genre d’industrie, maille à partir avec les drapiers. Il ne se conformoit pas — car il travailloit autant sur le neuf que sur le vieux — à l’arrêt du 6 février 1616, enjoignant aux fripiers de n’avoir que des morceaux d’étoffes de cinq aunes au plus, et non des pièces entières. Aussi les drapiers obtinrent-ils contre lui une condamnation, le 23 décembre 1697. — Les drapiers étoient, au reste, très-attentifs aux intérêts de leur commerce et, par là, très-processifs. Ils avoient eu par exemple, pour faire valoir les droits de leur corporation, un procès en 1688 avec les marchands de soie. Ils le gagnèrent. Regnard y fait allusion dans sa farce Le Divorce, acte III, sc. 6.
Les Frères Tailleurs[10] demeurent à présent rue saint Denis au bon Pasteur près sainte Opportune.
[10] C’étoit une communauté, moitié laïque, moitié religieuse, que ne lioit aucun vœu, mais dont quelques pratiques religieuses et surtout le travail étoient la règle.
Il y a au bout de la rue Dauphine un Marchand Chaussetier qui fait des bas de toiles pour hommes.
Entre les fameux Tailleurs pour femmes[11], sont Messieurs Regnaud devant l’Hôtel d’Aligre, Villeneuve près la place des Victoires, Lallemand rue saint Martin, le Brun, le Maire et Bonjuste rue de Grenelle, Chalandat rue de l’Arbre sec, Fabre rue saint Antoine au Plat d’Etain, la Barque devant le Sepulcre, Bertrand rue des Petits Champs, Taland vis à vis saint Germain, etc.
[11] Ils étoient moins des tailleurs que des Corsetiers : « Ils s’attachent particulièrement, dit M. de Paulmy, à faire les corps et corsets baleinés, ce qui est vraiment un ouvrage difficile et délicat. » (Mélanges d’une grande Bibliothèque, t. XXII, p. 223.) — C’est donc comme corsetier et non autrement que Bandelet, propriétaire de la maison de la rue de Richelieu où mourut Molière, étoit tailleur de la reine.
Entre les Maîtresses Couturières qui sont en réputation de bien habiller les Dames, sont Mesdames Charpentier rue Montorgueil près saint Eustache, Villeneuve près la place des Victoires, Remond et Prevot rue des Petits Champs, Billard rue sainte Avoye, Bonnemain rue des fossez saint Germain l’Auxerrois, Fauvé Port saint Landry, etc.
M. l’Hermineau Brodeur du Roy, demeure aux Galeries du Louvre[12].
[12] Il occupoit ce logement des galeries depuis 1663 ; il y mourut en 1694. L’abbé de Marolles, dans Le Livre des Peintres, etc., édit. G. Duplessis, p. 87, accorde ce détestable vers à cet artiste de la broderie :
Les autres Brodeurs qui travaillent pour Sa Majesté[13] et pour la Cour, sont Messieurs de la Croix rue Neuve Saint Martin, Quenain rue d’Enfer[14], etc.[15]
[13] Le roi, outre L’Hermineau, avoit deux brodeurs ordinaires.
[14] « M. Quenain, fameux brodeur, demeure rue d’Enfer, au faubourg Saint-Michel. » Édit. 1691, p. 63.
[15] Il faut placer parmi ceux que Blegny ne nomme pas, Moignon, « excellent brodeur », comme l’écrit Duché dans une note de ses Pensées, à la suite des Préceptes de Phocylide, 1693, in-12, p. 118, après avoir dit : « Vous êtes jeune, Lisandre, bien fait, bruyant, effronté, vous avez un habit brodé par Moignon, un carrosse du bon faiseur… »
Les Sieurs Thierry, Frères[16], fameux découpeurs, demeurent rue Tirechappe, et devant saint Mederic.
[16] « Qui découpent les étoffes en perfection. » Id., p. 60.
Pour les Habits de Théatre et de Balets, voyez l’article des Passetemps et Menus Plaisirs.
M. du Mont près les Quinze Vingts qui fait très bien les Habits ordinaires, travaille aussi par excellence aux Habits de Theâtre et de Balets.