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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 2/2

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ARCHITECTURE ET MAÇONNERIE.

On a compris l’Architecture et la Maçonnerie en un même article, par cette raison, que la plupart des Maitres Maçons qui sont au rang de distinction sçavent et pratiquent l’Architecture.

Pour les Architectes des Bâtimens du Roy, voyez l’article des Batimens de Sa Majesté.

Entre les Architectes de Paris dont l’habileté est généralement reconnue, sont Messieurs le Maistre rue neuve saint Honoré[1], Mazière[2] rue Neuve des Petits Champs, Gabriel rue saint Antoine, Pipault à l’Arsenal[3], Thevenot rue saint Claude du Marais, de Bourges[4] rue Montmartre, Beausire derriere saint Jean, Lambert quay de Nesle[5], Bornac à la Pierre au Lait, Tarrade rue des Orties[6], le Pautre[7] rue du Foin, Boffran[8] rue Beautreillis, etc.

[1] Il fut de l’Académie d’architecture, en 1698, et son fils, l’année suivante. La rue Neuve-Saint-Honoré, où il logeoit, étoit la partie de la rue Saint-Honoré qui alloit du Palais-Royal à la place Vendôme.

[2] Il a été parlé de lui plus haut, p. 91.

[3] Nous l’avons vu figurer plus haut, ainsi que Gabriel, parmi les experts-entrepreneurs.

[4] Boullier de Bourges. V. plus haut les experts-bourgeois.

[5] C’est le nom que l’on donnoit encore souvent au quai Guénégaud, qui devoit bientôt devenir le quai Conti.

[6] Il possédoit dans cette rue de la Butte-Saint-Roch et dans les rues environnantes un certain nombre de maisons qu’il avoit construites lui-même après l’aplanissement.

[7] Antoine Le Pautre, qui mourut l’année même où Blegny lui donnoit place dans son Livre commode. Il avoit soixante-dix ans. C’est lui qui avoit bâti pour la Beauvais-la-borgnesse l’hôtel qui existe encore au no 64 de la rue Saint-Antoine.

[8] Germain Boffrand, de Nantes, né en 1667, du sculpteur Boffrand et d’une nièce du poëte Quinault. Il eut pour maître et ami Hardouin Mansart. Quand il mourut en 1755, il étoit doyen de l’Académie d’architecture. Il construisit à Paris la porte du cloître Notre-Dame, l’hôpital des Enfants-Trouvés, qui vient de disparoître ; l’hôtel de Duras, rue du Faubourg-Saint-Honoré ; l’hôtel d’Argenson, rue des Bons-Enfants ; la maison de Le Brun, rue Saint-Victor, etc.

M. Maübois[9] qui demeure à la place du Carrousel au magasin des Marbres[10], est un homme incomparable pour les ouvrages du Tour sur lequel il travaille les plus dures matières dont il fait des ornemens d’Architecture, qui par leurs formes carrées, octogones, ovalles, etc., sembleroient ne pouvoir estre produites par la pratique du Tour.

[9] Jean Maubois, qui, d’après une lettre qu’il a écrite sur lui-même, en 1699, et qui a été publiée par la Revue des Sociétés savantes (août 1868, p. 176), vint du Dauphiné à Paris, sur un ordre de Colbert, en 1680, « pour tourner tous les ouvrages d’or et d’argent pour S. M. »

[10] Il y étoit installé depuis 1685. « Il tenoit du Roi, dit-il en effet, dans sa lettre de 1699, un logement proche son palais des Tuileries, il y a quatorze ans. »

Son industrie a semblé si admirable à plusieurs personnes de considération, qu’elles ont pris à tache de l’acquérir seulement pour s’en faire un plaisir[11] ; par exemple, M. le Prevôt de l’Eglise saint Nicolas du Louvre, et Mrs de la Guyche qui demeurent rue et près la place Royale[12].

[11] « Je vous diray, écrit encore Maubois, que tous les princes me font l’honneur de me venir veoir travailler. »

[12] Maubois eut une fille, d’autres — tels que Hulot dans son livre, l’Art du Tourneur — disent une sœur, qui fut presque aussi habile que lui. Elle apprit à tourner au comte de Clermont, à Louis XV, encore enfant, et même, s’il faut en croire le Mercure (juin-juillet 1721, p. 121), au fils de l’ambassadeur turc.

Les Maçons Entrepreneurs denommez dans l’article des Batimens du Roy, entreprennent aussi pour le public.

Entre ceux des autres Maitres Maçons qui entreprennent aussi dans le public les plus considérables edifices, sont Messieurs Tarrade rue des Orties, Bertier[13] rue Neuve saint Roch, Guezard rue Royalle, Macon rue du Roy de Sicile, Tricot rue Jean Robert, Thevenot rue saint Claude du Marais, Perdeau place des Victoires, Convers Isle Notre Dame, Rohais quartier S. Germain, Bergeron le jeune rue Royale, butte S. Roch[14], etc.

[13] Nicolas Bertier. L’Almanach royal de 1702 le loge près de la porte Gaillon, c’est-à-dire à l’endroit environ où se trouve aujourd’hui la fontaine.

[14] Ce fut jusqu’à la Révolution le nom de la rue des Moulins, depuis la rue des Petits-Champs jusqu’à la rue Thérèse.

Pour les compagnons Maçons, Manœuvres, Limosins, etc., voyez l’article des Domestiques et Ouvriers.

A l’égard des Matéreaux[15] servans à la construction des ouvrages de Maçonnerie, on les peut trouver aux prix et aux endroits ci-après designez ; par exemple, le muid de Chaux de Melun qui arrive au Port saint Paul[16], coute rendu à l’attelier 48 livres.

[15] C’est encore ainsi que prononcent beaucoup d’artisans, surtout en province. A l’époque même de Blegny, cette prononciation passoit pour vicieuse : « Il n’y a que ceux qui ne savent pas parler qui disent matéreaux », écrit Richelet dans son Dictionnaire, 1688, in-4o.

[16] « Le pavé et la chaux se vendent au port Saint-Paul, près les Celestins. » Édit. 1691, p. 38.

Le muid de Ciment qui se fait sur les fossez de l’Estrapade et au fauxbourg saint Antoine, chez le Sieur Petit à l’entrée de la rue de Nappe[17], coûte rendu à l’atelier 20 livres.

[17] Lisez rue de Lappe, nom qui lui venoit du maraîcher Girard Lappe, qui avoit, par là, de grands terrains sous Louis XIII. Dans l’édit. de 1691, p. 39, il est dit : « à l’entrée de la rue de la Roquette. »

Le muid de Plâtre de Montmartre, de Montfaucon, de Norillon sous Belleville, de Charonne[18], etc., coute rendu 6 livres et au plus 6 liv. 10 sols à la mesure et choisi[19].

[18] « Les carrières et fours à plâtre sont, pour la plupart, au bas de Montmartre, au bas de Belleville, à Montfaucon. On tire de ces carrières une sorte de moellons qui est bonne pour les fondations. » Édit. 1691, p. 38. Le plâtre de Montmartre étoit « le plus estimé », selon Félibien, Des principes de l’architecture, 1676, in-4o, p. 698. Les carrières de plâtre au bas de Belleville existent encore. On les appelle aujourd’hui Carrières d’Amérique, à cause de l’exportation d’une partie de leurs produits aux États-Unis, où le plâtre manque.

[19] Soixante ans après, ce prix étoit augmenté d’un tiers. Le muid de plâtre se payoit 9 livres. (Journal du Citoyen, 1755, in-8, p. 381.)

Le tonneau de Pierre de Saint Leu contenant 14 pieds cubes coute rendu depuis 5 jusqu’à 5 livres 10 sols à proportion de l’eloignement, et sur le Port 4 livres 10 sols, avec cette différence que quand les morceaux ont plus de 28 pieds cubes, le prix est augmenté selon le plus ou le moins ; c’est ce qu’on appelle Pierre d’échantillon.

Le bel appareil de Pierre de Liais[20] coute le pied en superficie rendu depuis 20 jusqu’à 25 sols, et celuy de la même Pierre de 13 à 14 pouces de haut 40 à 50 sols.

[20] « Pierre très-dure, dit Félibien, p. 66, blanche et approchant du marbre, c’est pour cela qu’elle reçoit une espèce de poly avec le grès et l’émeril, particulièrement celui de Senlis, qui ne se gaste ny à la gelée ny aux autres injures du temps. » C’est avec ce liais de Senlis, tiré d’une carrière tout près de la ville, que se firent en grande partie, sous Louis XIV, les constructions du Louvre. Nous reparlerons plus loin des pierres de liais.

Le pied cube de Pierre d’Arcueil[21] d’échantillon 10 sols.

[21] Il sera parlé, avec plus de détail, au chap. suivant, p. 111, de la pierre d’Arcueil, dont on se servoit alors beaucoup dans les constructions à Paris.

Le pied carré de Pierre de saint Cloud[22] pris sur toute sa hauteur et rendu 28 sols.

[22] C’est avec la pierre de Saint-Cloud et avec celle de Saint-Non, dont la carrière se trouve au bout du parc de Versailles, que furent faites les constructions du château. La pierre de Saint-Cloud se tiroit de la carrière, dite des grès, située à gauche en sortant de Saint-Cloud pour aller à Versailles. C’est de la partie appelée le banc blanc que furent extraites quelques-unes des plus grandes pierres du Louvre. Celles du fronton de la colonnade, qui ont l’une et l’autre cinquante-deux pieds de long, ont été tirées auprès de Meudon. (Félibien, p. 68.)

La toise cube de Moellons de Paris et des Carriéres des fauxbourgs S. Jacques et S. Marcel[23] rendu en toise sur le lieu 18 livres, et celle de Moellons de plâtre depuis 16 jusqu’à 17 liv.

[23] Blegny oublie les meilleurs : ceux des carrières de Saint-Maur et de Vaugirard. (Félibien, p. 662.)

Le cent de Bottes de lattes de cœur de chêne sans obier[24], coûte sur le Port depuis 36 jusqu’à 40 livres.

[24] L’aubier est la partie molle qui se trouve entre l’écorce du chêne et son bois.

Le Clou à latte 13 sols le millier.

Le Clou de charette et de bateaux la livre 2 sols, et le cent de livres depuis 7 jusqu’à 8 livres.

Pour les Pots d’Aizances[25] et fouilles de terres, voyez l’article des Vuidanges.

[25] C’est ce qu’on appeloit, au XVe siècle, « tuyau des chambres aisées. » Chron. du roy Louis XI, an. 1479.

Pour le gros Fer, voyez l’article des Ouvriers et Marchands de Fer.

Le prix ordinaire des Murs de fondation depuis 22 jusqu’à 28 pouces d’épaisseur avec portes de pierres ceintrées, la toise superficielle.

On toise ordinairement les Fondations à la toise cube dont on paye 40 à 42 livres de chaque toise reduite à 216 pieds cubes, et alors on déduit les vuides qui s’y trouvent et même la place qu’occupe la Pierre de taille, pour la toiser ensuite à raison de 28 à 30 livres la toise quarrée tous paremens veus, à condition qu’elle soit des Carrières d’Arcueil[26].

[26] Félibien, p. 68, énumérant les diverses sortes de pierres « qu’on emploie à Paris », nomme celle d’Arcueil la première. Il en sera reparlé bientôt.

Des Voutes de caves et de fosses d’Aizances avec Arcs de Pierre de taille dure d’Arcueil de 18 pouces de longueur de tête l’une, et 30 pouces l’autre de 14 à 15 pouces d’epaisseur au couronnement de la Voute ; espacez à 12 pieds de distance de milieu en milieu la toise superficielle 16 livres.

On observe ordinairement dans le milieu desdites Voutes un trou de deux pieds en quarré pour faciliter la vuidange desdites fosses d’Aizances, lequel trou est garni d’un chassis de Pierre dure d’Arcueil dans lequel se met une autre Pierre feuillée[27] de 3 pouces de largeur et renforcée d’autant pour s’emboîter dans ledit châssis que l’on paye séparement, ou qui est compris dans le toisé, suivant qu’il est expliqué dans le marché.

[27] C’est-à-dire plate, et comme en feuille.

Les reins des dites Voutes se doivent payer au moins à 9 livres la toise cube ou au tiers de la superficie des Voutes en berceau, ou au quart de la superficie des Voutes en lunettes[28] ; mais il faut que les dits reins soient remplis et garnis avec moellon de la qualité des dits murs, maçonné avec mortier de chaux et sable, et arrasez d’après le couronnement de la dite Voute.

[28] Les voûtes en lunettes ou à lunettes sont, selon Furetière, celles qui s’élèvent sur les côtés pour augmenter la hauteur des fenêtres, comme sont toutes les voûtes gothiques.

Des murs de face de Pierre de saint Leu[29] avec trois assises de Pierre dure d’Arcueil, dont les deux derniers faisant parement en dedans, les dites trois assises faisant ensemble trois pieds et demi à quatre pieds de haut, de vingt deux pouces d’epaisseur au nud avec portes, croisées, fermetures, plinthes et entablemens de pierre de S. Leu, la toise superficielle 45 livres.

[29] Il ne faut pas s’étonner que le nom de la pierre de Saint-Leu revienne continuellement ici. C’étoit une des plus employées pour les constructions de Paris. « Elle est tendre à tailler, dit Félibien, p. 67, mais elle durcit à l’air. »

Des Murs metoyens[30] de vingt pouces d’épaisseur par bas avec jambes de pierre de Taille dure sous les poutres, le restant desdits murs avec moellon piqué et enduit des deux cotez, la toise superficielle 18 livres.

[30] Métoyen, pour mitoyen, étoit aussi de la prononciation populaire. Félibien lui-même l’emploie, p. 666.

Des Murs de refend depuis le retz chaussée en amont de quinze à seize pouces d’épaisseur, avec une assise de pierre dure par bas, faisant parement des deux côtez et parpins[31] entre deux quarteaux, un avec pieds droits et fermetures de portes, de pierre de saint Leu à chaque étage, le restant desdits murs avec moellon piqué, enduit par dessus des deux cotez, la toise superficielle 18 livres.

[31] Le mur de parpin, ou parpaing, est formé de pierres qui en traversent l’épaisseur.

Des Murs de chiffres[32] de quinze pouces d’épaisseur avec deux assises de pierre dure par bas, et le reste de saint Leu, la toise superficielle 25 livres.

[32] C’est-à-dire faits de pierres entrelacées, comme des chiffres ou « entrelas ».

Des Marches moullées[33] en Pierre dure d’Arcueil pour les grands escaliers, la toise superficielle 30 livres.

[33] Celles qui ont une moulure, avec filet, autour du giron.

Les Marches non moullées 25 livres.

Et celles des descentes de caves 20 livres.

Des Murs de chiffres desdites descentes de caves de quinze pouces d’épaisseur avec une assise de pierre dure par bas, la toise superficielle 12 livres.

Des Murs de puits ayant deux assises de Pierre dure d’Arcueil cramponées et une mardelle[34] au dessus de ladite pierre d’une seule pièce, lesdites assises enterrées dans le retz de chaussée et levées de deux pieds et demy de haut jusque sous ladite mardelle, le restant au dessous jusque sur le roüet[35] avec moellon dur piqué et posé par arrases[36] egales de dix huit pouces d’épaisseur, la toise superficielle 25 livres.

[34] Pour margelle. Encore une mauvaise prononciation des artisans de ce temps-là, et de quelques-uns de celui-ci.

[35] C’est-à-dire le treuil où s’enroule la corde du puits.

[36] Nous dirions aujourd’hui assises.

Des souches de Cheminées de brique[37] avec plinthes et fermetures de pierre de saint Leu sans compter de plus valeur pour ladite pierre, la toise superficielle 14 livres.

[37] Partie d’un corps de cheminée qui s’élève au-dessus du toit.

Des Bornes de pierre dure de quatre pieds de long, posées en place sur un massif d’un pied d’épaisseur, maçonnées et scellées en plâtre pur, la pièce 11 livres.

Des Murs de cloture de dix huit pouces d’épaisseur avec moellon dur posé par arrases égales en mortier de chaux et sable, crepis des deux cotez, la toise superficielle 14 livres.

Des Murs aussi de cloture maçonnez avec pareil moellon apparent et posé à bain de mortier de terre[38], la toise superficielle 8 livres.

[38] C’est-à-dire en plein mortier : « les maçons, lisons-nous dans le curieux Manuel lexique de l’abbé Prévost, t. I, p. 108, disent qu’une cour est pavée à bain de mortier, pour signifier qu’il y a du mortier en abondance. »

Le Pavé de pierre de taille dure posé en mortier de chaux et sable, la toise superficielle 28 livres.

Le Pavé noir et blanc 32 livres.

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