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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 2/2

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LISTE GÉNÉRALE
DU
BUREAU D’ADRESSE ET DE RENCONTRE

estably par privilège du Roy en la place Dauphine.

Du premier Avril 1689.

Paris contenant en soy beaucoup plus de peuple que ville du monde, et son aport y estant si grand, non seulement de tous les naturels François, mais des Etrangers de toutes les nations, que les moyens que tout le monde y trouve de subsister ne sçauroient estre trop connus pour la grandeur de la ville et pour l’avantage des particuliers.

Tous ceux dont on s’est servi jusqu’icy sur les avis qu’on a voulu rendre publics ont esté d’un foible secours, en comparaison du Bureau d’Adresse et de Rencontre, et des Listes qu’on a commencé de distribuer, parce que les Affiches se couvrent par la quantité des Placards[465], outre qu’elles ne contiennent que des avis particuliers, qu’on ne lit pas commodément et sans une espèce de pudeur[466] pour les gens de distinction[467].

[465] Le Placard, s’appliquant d’autorité, pouvoit ainsi, de droit, couvrir les affiches. Elles-mêmes, en s’accumulant, couvroient des Avis qui valoient mieux qu’elles. Colletet s’en plaint dans son Journal du 8 août 1676 : « La quantité d’affiches, dit-il, ont caché un livre d’importance pour les curieux. » — Le placard se distinguoit des affiches par les armes du roi figurées en tête, et qui faisoient qu’on l’appeloit aussi « pannonceau royal ». C’est par placards, et non par affiches simples, qu’étoit annoncé tout immeuble à vendre par décret.

[466] Les affiches annonçant certains remèdes ne pouvoient pas, en effet, être lues « sans une espèce de pudeur ». On en peut avoir un exemple par celle que donne Locke dans la relation de son Voyage à Paris, et qu’a reproduite Le Vieux-neuf, 2e édit., t. II, p. 72.

[467] Le Journal de Colletet indique quelques affiches de livres ; ainsi, le 6 juillet 1676, le Traité des maladies des femmes grosses, par Fr. Mauriceau, dont il a été parlé plus haut, t. I, p. 159 ; et, le 1er août suivant, Le Tailleur sincère, avec plusieurs figures en taille-douce : « il se vend, dit-il, chez A. de Rafflé, rue du Petit-Pont, in-folio en parchemin 40 fr., et in-8 20 fr. » Il oublie d’ajouter que l’auteur s’appeloit Benoist Boulay, dont le portrait sert de frontispice. Son livre, « nécessaire, dit encore Colletet, pour ceux qui veulent pratiquer l’épargne », est aujourd’hui des plus rares.

Ces considérations, celles qui regardent l’utilité publique et l’avantage du commerce, qui depend des Rencontres et des Occasions que les avis font naistre, ont fait les principaux objets du r’establissement du Bureau d’Adresse et de Rencontre, et des précautions qu’on a prises de n’en confier l’administration qu’à des conditions portées par les Règlements, afin d’asseurer dans le Public la confiance des particuliers, et faciliter les ventes, achapts, amodiations, traités et conventions qui se font à l’egard des immeubles, et pour mettre dans un plus grand commerce toutes sortes de meubles, comme Lits, Tapisseries, Bijoux, Tableaux, Chevaux, Carrosses et autres effets, et principalement pour donner aux gens de qualité, et à ceux qui ont besoin de domestiques ; des Aumôniers, Gentilshommes, Ecuyers, Gouverneurs, Intendans, Receveurs, Secretaires, sous Secretaires, Hommes d’affaires, Solliciteurs, Commis, Ecrivains, Precepteurs, Maistres d’Hostel, Vallets de chambre, Suisses, Portiers, Concierges, Gardes-bois, Cochers, Postillons, Pallefreniers, Chasseurs, Fauconniers, Sonneurs de Cor, Jardiniers, Vignerons, Gens de Labour, Charretiers, Muletiers, Valets à tout faire, Laquais à gages et à récompense[468], et généralement toutes sortes d’autres domestiques, pour les recevoir, non seulement à leur choix, mais avec plus de seureté et de connoissance que par le passé, le Bureau n’estant estably que pour l’Indication.

[468] Les « laquais à récompense » se distinguoient des « laquais à gages » en ce qu’ils n’étoient payés pour ainsi dire que par hasard ou fantaisie. Après avoir servi trois ou quatre ans, ils reçevoient de leur maître trois ou quatre cents francs et n’avoient pas le droit d’en demander davantage. La plupart des valets de Regnard et de Dancourt sont des « laquais à récompense ».

A Vendre.

1. Une charge de Substitut de M. le Procureur général à Paris, aux Gages et Droits y attribuez, du prix de 25,000 liv.

2. Un Carrosse couppé avec 6 glaces de Venise garni de velours cramoisi, le tout comme neuf, du prix d’environ 700 livres.

3. Une charge de grand Valet de pied de Madame[469], qui jouit de tous les privileges, aux gages et profits y joints, du prix de 3,000 liv.

[469] Ils étoient au nombre de dix, chacun à 20 sols par jour pour leur nourriture « outre leurs habits d’hiver et d’été ». État de France pour 1692, p. 776.

4. Deux grands chevaux de carrosse grissel[470] à longue queue, de 5 à 6 ans, du prix de 1,000 l.

[470] Il faut lire gris-sale, une des nuances du gris admises dans les haras.

5. Des Tablettes bois noyer avec leurs bordures noires, fermant par un treillis de cuivre à 2 portes[471], une grande Armoire bois chesne fermant de mesme, de 9 à 10 pieds de haut et de 8 à 9 de large, le tout presque neuf, du prix de 160 livres.

[471] Presque tous les corps de bibliothèque étoient disposés ainsi dans les cabinets. Louis Racine en avoit un de ce genre, comme on le voit par son inventaire aux Mss. de la Bibliothèque nationale.

6. Un beau coureur danois, poil bay[472], sans deffaut, propre pour l’armée, de 6 ans, du prix de 50 louis d’or.

[472] C’est le cob bai brun, trapu et à belle tête, encore recherché aujourd’hui. Le vrai cheval danois en usage au XVIIe siècle pour les attelages de luxe étoit, au contraire, grand, haut sur jambes, avec tête busquée et robe isabelle, pie ou tigrée.

7. Un carrosse couppé neuf, doré aux extremités[473], garny de drap gris, du prix d’environ 800 liv.

[473] Cet excès de dorures pour les carrosses fut un peu plus tard prohibé par ordre du roi. V. Correspond. admin. de Louis XIV, t. II, p. 829, et Variétés histor. et litt., Collect. elzévir., t. X, p. 254, note.

8. Une terre seigneuriale en Brie, 9 lieuës de Paris, avec haute, moyenne et basse justice, dont on aura un estat au Bureau, du prix de 120,000 liv.

9. Un coureur à courte queue[474] de 5 à 6 ans, poil noir, du prix de 200 liv.

[474] Richelet définit ainsi le coureur : « cheval déchargé de taille, qui a la queue courte et coupée ».

10. Un grand lit de velours verd, ses campannes[475] et molets de soye[476], doublé d’un satin couleur de serize avec sa courte pointe, ciel et dossier même satin, 7 fauteuils et 6 chaises même velours, le tout comme neuf, du prix de 1,000 livres. Une pippe satin plaint, à fond blanc, chamarrée en rond d’haut en bas d’un point d’Espagne d’or et couleur de feu, avec des galons de velours même couleur, garni de campannes d’or, le tout presque neuf, du prix chacune de 120 livres.

[475] V. une des notes précédentes, p. 333.

[476] C’étoit une sorte d’ornement frangé que Molière, en fils de tapissier, se garde bien de confondre avec la frange même, quand il dit dans le Mémoire de l’Avare : « Plus, un pavillon à queue, d’une bonne serge d’Aumale rose, sèche, avec le mollet et les franges de soie. »

11. Quantité de très beaux patrons, tapisserie de verdure en plusieurs pièces, peints sur du carton et de la toille, dont on aura bon prix.

12. Deux tableaux de chasse originaux de Nicasius[477], de 6 pieds de haut sur 5 de large, l’une de Cerfs et l’autre de Chats sauvages, du prix de 24 louis d’or.

[477] C’est le peintre d’animaux Nicasius Bernaert, d’Anvers, élève de Sneyders et l’un des habitués de la maison de la Chasse, au coin des rues du Sépulcre et du Four, qui étoit, dit Dubois de Saint-Gelais, « le refuge des peintres de son pays ». Sa vie fut assez nomade, si l’on en juge par les registres de l’Académie de peinture. Reçu en 1663, il dut, pour cause d’absence, se faire recevoir une seconde fois deux ans après et se faire réadmettre encore en 1672. Sa vieillesse se noya dans l’ivrognerie. Il en mourut à 70 ans, le 16 septembre 1678. Desportes fut quelque temps son élève.

13. Un lit de garçon de 3 pieds et demy de large, Damas de Lucques aurore et cramoisy, avec sa couverture et 2 teyes d’oreillers de Marseille, le tout presque neuf, du prix de 200 liv. Un Cabinet de Flandre d’écaille de Tortue et d’Ebeine à tiroir, très beau et bien travaillé, du prix de 150 livres.

14. Un Colier de perles rondes de belle eau, très beau et bien choisy, du prix de 200 louïs d’or.

15. Une tenture de tapisserie verdure de Flandre en 6 pièces, de la hauteur et longueur ordinaire, comme neuve, du prix de 800 liv. Une montre en Pendule faite par Martinot[478], à boëtier d’or, sa chaine de même avec son étuit de chagrin garny de cloux d’or, du prix de 15 louïs d’or. Plus 2 Miroirs, l’un tout de glace de Paris, dont la principale est de 27 pouces de haut sur 21 de large, du prix de 150 livres, et l’autre de Venize de 22 pouces de haut sur 17 de large, avec sa bordure d’Ebeine, du prix de 80 livres.

[478] Les Martineau formoient toute une dynastie d’horlogers, dont l’un, Louis-Henry, étoit, en 1692, valet de chambre horloger du roi. En 1700, une descente fut faite chez deux d’entre eux pour avoir contrevenu à l’édit contre le luxe. L’un dut laisser saisir vingt pendules, l’autre dix-huit. Ils logeoient sur le quai des Orfèvres. Un Martineau, qui étoit de la Religion, partit pour Londres après la révocation de l’Édit et s’y rendit célèbre dans son métier. C’est de lui que descendoit miss Harriett Martineau, qui s’est fait un nom dans les romans d’éducation. V. sur les Martineau, Wood, Curiosities of clocks, 1866, in-8, p. 387.

16. Une très belle maison à porte cochere bâtie à neuf, située près Grosbois en Brie, Jardins, Cloz, Prez, Terres, Vignes, Bois, Glacière, Reservoir, Canal garny de Poissons, et autres fort belles et utiles commodités, du prix de 45 mille livres.

17. Deux charges, l’une de Lieutenant du Prevost général de Flandre et Haynault aux gages de 1,250 livres, payez par quartier avec privilege et exemption de tous imposts dans Valancienne où est la résidence, du prix d’environ 18,000 livres ; et l’autre de Garde au même Pays, aux gages fixes de 375 livres, outre quantité de profits, du prix de 2,000 livres.

18. La charge de Lieutenant criminel d’une Ville, sise sur le bord de la rivière de Loire, où il y a Presidial, Bailliage, Prevoté et Gouvernance, du prix d’environ 35,000 liv.[479].

[479] A la suite de cet article 18, nous en supprimons huit qui ne sont que la reproduction d’articles déjà insérés dans la liste précédente. Le 19e de celle-ci, liste d’avril, se trouve le 2e de celle de mars ; le 20e, le 8e ; le 21e, le 10e ; le 22e, le 11e ; le 23e, le 13e ; le 24e, le 21e ; le 26e, le 32e ; et le 28e, le 37e. Nous ne conservons que les nos 25 et 29, qui ne figurent pas dans l’autre liste.

25. Deux grandes Maisons à porte cochere sises en cette Ville à louer presentement moyennant 900 livres chacune, l’une rue S. Martin, près la rue aux Ours, vis à vis le cul de sac de la rue S. Julien[480] ; et l’autre sise rue des Gravilliers, avec un grand et beau jardin, dans lesquelles il y a toutes sortes de commoditez.

[480] C’est la rue ou ruelle Saint-Julien, qui devoit son nom au voisinage de l’église de St-Julien-des-Ménétriers. Elle prit ensuite le nom de rue du Maure.

Demandes.

29. Une Terre en fief, distant depuis 6 jusqu’à 18 lieues de Paris, près, s’il se peut, de quelque petite Ville ou Bourg, où il y ait maison logeable, jardin, cloz, prez, terres et bois, du prix de 50 à 60,000 livres.

Le sieur Macard continue à faire debiter les instruments de Mathématiques du defunt Sr Sevin dans sa boutique sur le Quay des Morfondus, à l’Astrolabe[481].

[481] V. pour les ouvriers en instruments de mathématiques, t. I, p. 148.

Le sieur Legeret, maistre menuisier à Paris, rue Saint Loüis, Isle Notre-Dame, donne avis qu’il fait et vend une machine fort légère et portative, par luy depuis peu inventée, qui coupe la paille aussi menue qu’est l’avoine, ce qui fait que les chevaux la mangent plus facilement, surtout lorsqu’on y mêle un peu d’avoine.

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