Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 2/2
ADRESSES
Concernant les articles precedens, recouvertes
après leur impression.
Messieurs Doye et Falaiseau rue des cinq Diamans, Piogé rue du petit Lion, et Bastonneau vieille rue du Temple[1], tiennent comptoirs pour la Banque et les Remises de places en places.
[1] Il étoit de la famille de ces Bastonneau, les gros marchands de soie, dont Guy Patin a parlé (anc. édit., t. II, p. 220). Ils étoient venus de Lyon à Paris, où, après avoir continué leur commerce, ils s’étoient mis dans la banque. Un d’eux, Claude Bastonneau, avoit, en 1640, été enterré à St-Eustache (Le Beuf, Hist. du. dioc. de Paris, édit. Cocheris, t. I, p. 240). En 1662, François Bastonneau et Pierre Bidal, son associé, marchands de soie, avoient fait saisir, pour une forte somme qui leur étoit due, les biens du baron de Blancheface. (Archives hospitalières, Hôtel-Dieu, t. I, p. 172.)
M. Bourdon qui grave pour la Taille douce et pour les Cachets, demeure rue Dauphine, M. Garrier quay des Orfevres à la Banniere de France, est encore distingué pour les Cachets.
Entre les Chirurgiens renommez pour les opérations, sont Messieurs Lartet Chirurgien du Roy par quartier[2], Isle Notre Dame sur le quay Bourbon, et Gervais[3] premier Chirurgien de la feue Reine et ordinairement de Monseigneur à l’Hôtel de Noüailles près saint Roch pour la Saignée, M. du Pré rue Platrière, et pour les accouchements M. Marcel près la porte saint Martin.
[2] Il étoit de service chez le Roi pendant le quartier de janvier.
[3] Il servoit pendant le quartier d’octobre.
Madame Parfait au Pavillon des Tuilleries près la grande Ecurie[4], est une Sage femme de distinction[5].
[4] Celui qui, vers le même temps, commença d’être appelé le pavillon Marsan.
[5] Les sages-femmes étoient peu nombreuses alors, mais d’autant plus considérées. Plusieurs avaient marqué dans le monde, ainsi la fameuse Mme Pilou que l’abbé de Choisy (Mém., coll. Petitot, 2e série, t. 63, p. 515) nous dit formellement avoir été une accoucheuse ; et la grand’tante de Racine, Mme Vitart. (Mesnard, Vie de Racine, p. 40.) On ne leur reprochoit que de n’être pas assez instruites. Elles ne l’étoient pas plus à Amsterdam, mais on y avoit avisé en leur donnant pour maître le célèbre Ruysch. V. son éloge par Fontenelle, Œuvres, t. VI, p. 512.
Messieurs Boudin[6], Poisson[7], Beaulieu[8] et Doquican[9] premiers Apoticaires du Corps du Roy, logent quand ils sont à Paris chez M. de Rouviere Apoticaire de Sa Majesté près saint Roch.
[6] Philibert Boudin. Son service chez le Roi, avec un aide-apothicaire, le sieur Damaron, étoit celui du trimestre d’avril.
[7] Il servoit pendant le quartier de janvier.
[8] Son service commençoit en octobre.
[9] Son vrai nom étoit de Hoquiquant, comme le donne l’État de France. Il étoit de service pendant le quartier de juillet.
M. Benoist qui tient le Cercle Royal rue des saints Pères, et Mademoiselle Benoist rue saint Antoine, font très bien les Portraits en cire[10].
[10] Ce Benoît fut, avec plus de perfection, le Curtius du XVIIe siècle. Il faisoit, en effet, avec la cire, des portraits d’une ressemblance inouïe. Le plus curieux spécimen qui nous en soit parvenu, est celui de Louis XIV, retrouvé à Versailles par Eudore Soulié et placé aujourd’hui dans la chambre à coucher du Roi. Ses masques, dont Saint-Simon a parlé, n’étoient pas moins étonnants : « On avoit fait, dit-il, t. III, p, 135, pendant l’hiver précédent, plusieurs masques de cire de personnes de la Cour, au naturel, qui les portoient sous d’autres masques, en sorte qu’en se démasquant on y étoit trompé en prenant le second masque pour le visage, et c’en étoit un véritable, tout différent, qui étoit dessous ; on s’amusa fort à cette badinerie. » Ailleurs, t. II, p. 72, il nous avoit déjà fait voir, dans un autre bal de la Cour, un masque, dont les quatre visages de cire, représentant quatre personnes différentes, et qu’il faisoit tourner avec la plus amusante adresse, avoient intrigué tout le monde. — Benoist ne s’en tenoit pas à l’industrie des bustes et des masques, il faisoit aussi des personnages de grandeur naturelle. C’est ce qu’il appeloit son Cercle, ou le Cercle du Louvre, comme dit Robinet dans sa Gazette du 23 fév. 1667, époque vers laquelle il en commença l’exhibition. Chaque année, il l’exposoit à la foire Saint-Germain, voisine de son logement de la rue des Saints-Pères. Dancourt en fait une des principales curiosités de cette foire : « Lorange. Voyez ici, Messieurs, le Cercle nouveau des figures parlantes, aussi hautes que le naturel. » La foire Saint-Germain (1696), scène XVIII. La Bruyère n’a pas oublié Benoît. « B…, dit-il, s’enrichit à montrer dans un Cercle des Marionnettes. » Benoît devint riche en effet : lorsqu’il mourut, en 1717, il l’étoit. Le Roi y avoit aidé, en lui donnant, en 1668, le titre de son sculpteur en cire, et permission d’exposer dans tout le royaume « les personnes de tout rang qui composoient le cercle de la feue Reine, d’en faire même de nouveaux, et de masquer en cire à sa convenance. » Cette permission, qui étoit de trente ans, lui fut continuée sous forme de privilége exclusif, pour trente années encore, en 1688. Il étoit né en 1632 à Joigny, où il avoit fondé un lit à l’hôpital. V. Rev. des Soc. sav., 4e série, t. II, p. 232.
M. Coquelin Chancelier de l’Eglise de Paris[11], demeure rue saint Louis en l’Isle.
[11] Il avoit, comme chancelier, le sceau du chapitre de Notre-Dame, et une partie du soin des petites écoles lui revenoit. Il faisoit aussi l’ouverture des conférences de l’archevêché. Ménage, qui logeoit au cloître et en savoit toutes les histoires, en racontoit une à ce sujet : « M. Coquelin, ayant quitté la perruque, étoit presque méconnaissable. En ce temps-là, il fit l’ouverture d’une des conférences archiépiscopales, fort bien à son ordinaire. M. de Vert lui dit : Monsieur, je ne vous ai reconnu qu’à votre éloquence. » (Menagiana, t. II, p. 72.)
On recite tous les Samedis et veilles de la Vierge, des Motets en musique à Notre Dame devant sa Chapelle après Complie.
M. Chartrain dont on n’a pas l’adresse, est un grand maître pour le Grec[12].
[12] Il étoit de la même famille que le M. Chartrain indiqué plus haut, t. I, p. 257, comme excellent maître de géographie, histoire, blason, etc.
Les Medecins en leur Collège rue de la Bucherie, visitent gratuitement les pauvres Malades tous les Samedis matin, et les Chirurgiens sous les Charniers de S. Côme tous les premiers Lundis des mois.
M. Gaultier enseigne en ville et chez luy rue des Petits Champs, l’Architecture civile et militaire, et généralement les parties de Mathématiques.
Nota. Qu’outre les jours marquez pour les Audiances des Officiers du Grenier à Sel, ils les tiennent encore tous les Lundis en Janvier, Octobre, Novembre et Décembre.
On vend des Truffles rue Serpente au Messager de Thoulouse[13].
[13] Il étoit du bel usage, selon Richelet, d’écrire et de prononcer truffles. Elles étoient un régal en vogue. Les dames surtout en étoient très-friandes. (L’abbé de Villiers, Vérités satiriques, p. 199.)
Aux environs du Temple, de la porte Mouton et de la porte saint Louis, il y a des femmes qui fournissent aux malades du lait d’anesse[14], de vaches et de chevres frais tiré.
[14] C’étoit déjà, sur la recommandation des médecins galénistes, qui l’avoient trouvé prescrit par Galien, leur maître, un des remèdes en vogue pour les poitrines débilitées. Gui Patin dit que sa grand’mère put vivre jusqu’à quatre-vingts ans, parce qu’elle avoit pris du lait d’ânesse pendant soixante. (Lettres, édit. in-8, t. III, p. 462-463.)
M. Martin rue de Richelieu, est encore un fameux pour le Clavesin[15], M. de Vizé à Luxembourg pour le Theorbe[16], Louis Horteterre près saint Jacques de la Boucherie pour tous les Instrumens à vent[17], des Cotteaux au fauxbourg saint Antoine, et Filbert rue saint Antoine pour la Flute Allemande[18].
[15] Blegny oublie qu’il l’a déjà dit plus haut.
[16] Il n’avoit été cité plus haut, t. I, p. 211, au chapitre des musiciens que pour son talent sur la guitare, fort semblable du reste au théorbe. C’est pour la guitare qu’il est surtout vanté dans les lettres de Mad. de Sévigné, t. X, p. 352. Un autre instrument de la même famille que le théorbe, le luth, et la guitare étoit « l’angélique » dont jouoit « excellement », suivant Richelet, t. I, p. 59, Lefèvre, de la même famille que celui que nous avons vu, t. I, p. 209, parmi les fabricants d’orgues.
[17] Il étoit de la famille de Colin et Jean, qui ont eu plus haut, t. I, p. 212, leur mention pour la fabrication des instruments.
[18] Blegny ne fait encore que répéter à peu près ce qu’il a déjà dit. V. t. I, p. 212-213.
M. Coquart rue Simon le Franc, fait commerce en gros de toutes sortes de cannes[19].
[19] Nous verrons un peu plus loin, par les bois dont il faisoit commerce, qu’il étoit tablettier. Ses cannes ne pouvoient donc être d’un grand prix. Des arrêts, que celui du 26 avril 1700 confirma, enjoignoient, en effet, aux tablettiers, de ne vendre qu’une seule espèce de cannes, sans ornement d’or, d’argent ou d’acier.
Messieurs Halin rue Jean saint Denis, indiquez[20] pour les Timballes et Trompettes, sont aussi d’excellens Maîtres pour le Basson[21].
[20] V. plus haut, t. I, p. 215, à la suite des maîtres, pour l’art de chanter.
[21] C’est le fagotto italien, adopté depuis peu chez nous, où on l’avoit appelé « basson », parce qu’il y servoit surtout de basse dans les concerts de musette, alors à la mode. (Mersenne, Harmonie du Monde, liv. 5.)
Mademoiselle Cochois rue Briboucher près saint Josse[22], est fort stilée aux Coiffures de Toilles et de Dentelles pour les Dames[23].
[22] La chapelle Saint-Josse faisoit le coin de la rue Aubry-le-Boucher et de la rue Quincampoix.
[23] Les marchands lingers et les marchandes lingères étoient depuis longtemps en nombre dans la rue Aubry-le-Boucher. Bodeau, le riche linger, qui fit tant de folies pour Mlle Paulet, y logeoit. C’est là que Lemaître, dont le fils, Antoine Lemaître, fut une des gloires de Port-Royal, avoit sa boutique de dentelles de Flandre ; enfin, c’est rue Aubry-le-Boucher que Mme Coisnard, la grosse lingère et dentellière, fit sa fortune. (V. Tallemant, Historiettes, édit. P. Paris, t. I, 225 ; III, 16, 34, 114 ; VI, 116.)
Madame Roüin devant le Collège des Plessis fait des Rabats unis par excellence[24].
[24] Dans l’édit. précéd., elle est nommée avec « le sieur Des Trapières, rue Bétizy, aux Trois-Bourses », p. 62.
M. Ladoireau rue Tictonne fait de beaux Ouvrages d’Orfèvrerie[25].
[25] Pour une saisie faite chez lui, en 1693, v. t. I, p. 244, note 4.