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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 2/2

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QUALITEZ ET COUPE DE LA PIERRE.

La Pierre dont on se sert dans les batimens à Paris, se tire des Carrières d’Arcueil, Bagneux, fauxbourg S. Jacques, fauxbourg S. Marceau et Vaugirard[1] ; la meilleure de toutes celles que l’on tire aux Carrières du fauxbourg S. Jacques, d’Arcueil et de Bagneux, coûte rendue à l’atelier 10 à 12 sols le pied cube suivant la grandeur des morceaux dont il n’y en a au plus que deux à la voye, ou sinon le prix diminue : car les morceaux de 4, 5 ou 6 à la voye ne passent que pour libages et se payent depuis 4 jusqu’à 5 livres la voye.

[1] « Les meilleures espèces de pierres de taille, libages et moellons, se tirent des carrières d’Arcueil et de Mont-Rouge. — Il y a d’autres carrières, d’où l’on tire d’assez bonnes sortes de marchandise, vers le Marché-aux-Chevaux et à la vallée de Fecan. » (Édit. 1691, p. 38.) Le marché aux Chevaux étoit, où il se trouve encore, au faubourg Saint-Marceau, près du boulevard de l’Hôpital. Quant à la vallée de Fécamp, on appeloit ainsi une partie de la rue de Charenton à son extrémité, dans la campagne. Les carrières de Vaugirard commençoient presque dans Paris, derrière les Chartreux, voisins, comme on sait, du Luxembourg. Les meilleures même étoient dans cette partie. C’est avec le liais de la carrière des Chartreux et celui de Senlis que fut bâti le Louvre.

La meilleure pierre qui se tire encore auxdites Carrières du fauxbourg S. Jacques, d’Arcueil et Bagneux, est le Liais[2], dont il y en a de deux qualitez, sçavoir, Liais doux et Liais faraut[3], le Liais doux est de deux bancs différens dans la Carrière ; le premier est de bas appareil[4] qui vaut 20 à 25 sols le pied carré pris sur son lit, sans avoir égard à sa hauteur, qui n’est que de 7 à 8 pouces.

[2] « La pierre, dit Palissy (édit. Cap, p. 294), que les Parisiens appellent liais. » Buffon (Minéral., t. I, p. 341) en a, comme Félibien cité tout à l’heure, vanté l’excellence et notamment la dureté, « qui lui vient, dit-il, de ce qu’elle est surmontée de plusieurs bancs d’autres pierres, dont elle a reçu les sucs pétrifiants ».

[3] Les ouvriers prononçoient ainsi, mais le vrai mot est « liais-féraut ». Il résiste au feu, et c’est pour cela qu’on l’employoit, au dernier siècle, pour faire les jambages des cheminées.

[4] C’est-à-dire par petits fragments, sans épaisseur.

Et le haut appareil qui porte 12 à 13 pouces vaut 40 à 50 sols le pied carré, le tout rendu à l’atelier.

Cette Pierre coute 40 à 50 sols la toise pour la taille polie au grais, et celle d’Arcueil coute 28 à 30 sols la toise coulante.

Le Liais faraut ne coute que 20 sols le pied carré, mais on n’en employe que rarement, parce qu’il est difficile à travailler.

La Pierre du fauxbourg saint Marceau et Vaugirard coute 4 à 4 livres 10 sols la voye, et coute 18 à 20 sols la toise à tailler.

Le Moellon[5] que l’on tire dans lesdites Carrieres, coute, savoir, celuy du Fauxbourg saint Marceau, saint Jacques, Bagneux, Pacy et Vaugirard[6], 17 à 18 livres la toise selon l’éloignement ; celuy des Carrières d’Arcueil coute 18 à 20 livres.

[5] Blegny donne la véritable orthographe, que n’avoit pas adoptée Richelet, et dont on se départit au XVIIIe siècle pour la reprendre de nos jours. L’abbé Prévost la regrettoit : « On devroit, dit-il, écrire moellon, et non moîlon, puisqu’il vient de moelle. » (Manuel lexique, t. II, p. 97.)

[6] Celui d’Arcueil et celui de Saint-Maur, oubliés ici, passoient pour être les meilleurs, comme on l’a vu plus haut. Celui de Passy étoit le moins estimé.

On employe dans les batimens beaucoup de Pierre que l’on tire des Carrieres de saint Leu, de Serans près Chantilly ; elle n’est bonne qu’à 4 ou 5 pieds de terre : c’est pourquoy on employe la Pierre dure des Carrières précedentes au retz de chaussée et le saint Leu au dessus ; on la vend sur le port vers la porte de la Conférence[7] 4 livres 10 sols à 4 liv. 15 sols le tonneau, lequel contient 14 pieds cubes ; cette Pierre est fort tendre, facile à travailler, et devient dure en œuvre par une croute qui se forme dessus ; elle resiste à la gelée et à tous les autres mauvais temps, elle ne coute à tailler que 8 à 9 sols la toise courante, tous paremens veus sur un pied de haut.

[7] On sait qu’elle étoit située entre la Seine et l’extrémité orientale de la terrasse des Tuileries. Le port où se déchargeoient les pierres de Saint-Leu, comme le constate aussi La Tynna, étoit au bas. Il n’existe plus. Le port aux pierres est transféré de l’autre côté, un peu plus en amont, au-dessous du quai d’Orsay. Les pierres de Saint-Leu et de Senlis étoient à peu près les seules qu’on y débarquât. Les autres étoient apportées à pied d’œuvre des carrières mêmes qui avoisinoient Paris, « car, dit Félibien, p. 65, il semble que la nature même ait de tout temps voulu pourvoir aux besoins de cette grande ville, puisque toutes les choses nécessaires pour les édifices qu’on y fait se trouvent sur le lieu même. »

On scie les Pierres dures dont il est parlé ci-devant[8] afin de menager la pierre et même il est indispensable de le faire pour les apuis des croisées, seuils de portes, pavé de pierre, marelles[9], etc. On paye le sciage toisant un seul parement des deux qui viennent de chaque trait de scie à 4 sols, même 4 sols 6 deniers le pied carré.

[8] On les scioit comme le marbre dans les Pyrénées, d’après le procédé récemment inventé par Misson, avec des scies qui tournoient et scioient le marbre ou la pierre sur place. (Félibien, p. 736.)

[9] Lisez margelle.

Lors que les morceaux que l’on veut scier sont trop courts, on en joint plusieurs bout à bout de la longueur de la scie, ce qui est aussi tôt fait que si on scioit un seul petit morceau.

On scie aussi la Pierre de saint Leu, lorsque les morceaux sont d’une grandeur propre à en tirer deux pour mettre en œuvre, ce qui est d’un grand menage, parce qu’outre que cela epargne la pierre, on profite de deux paremens qui ne sont pourtant pas de conséquence comme à la Pierre d’Arcueil et de Liais, on donne du pied carré pour le Sciage à ne toiser qu’un des deux paremens 9 à 12 deniers.

On employe aussi de la pierre dure que l’on tire des Carrieres de S. Cloud[10], elle est fort blanche et bonne, on la scie comme les précédentes, elle coûte 14 à 15 sols le pied cube.

[10] Il en a déjà été parlé plus haut.

On tire desdites Carrières des pierres fort longues dont on fait des colonnes d’une seule pièce, et qui resistent au fardeau et à la gelée.

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