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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 2/2

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ABRÉGÉ
DE LA SCIENCE DES TEMPS.

Le Temps, qui n’est proprement que la durée passée, présente et future de l’Univers, a parmi les hommes des époques et des divisions qui servent à mesurer la subsistance des estres périssables. Ces époques et ces divisions sont ce qui forme le Calendrier, dans lequel les parties du temps ne sont déterminées que respectivement aux mouvements du Soleil à l’égard de la Terre ou, comme il faudroit dire avec Copernic, aux mouvemens de la Terre à l’égard du Soleil, ce qui ne change rien dans le fait.

Ainsi, comme on suppose dans l’opinion commune que le Soleil est 365 jours, 5 heures et environ 49 minutes à parcourir tout le Zodiaque, c’est-à-dire à faire tout le tour de la Terre, par son mouvement annuel on fait de cette espace de temps une mesure qu’on appelle année, et qui sert, en la multipliant, à déterminer les plus longues durées des choses, puisque de cent années on fait un siècle, et que l’idée de plusieurs siècles passez renvoye notre imagination jusqu’au temps de la création du Monde.

Mais comme on sçait que chaque année commence le 1er janvier à minuit, qu’elle finit le dernier décembre à la même heure, et que tout cet espace de temps n’est justement que de 365 jours, on pourroit croire que les 5 heures et les 49 minuttes[26] dont il vient d’être parlé, détacheroient l’ordre des saisons de celui des années dans la succession des temps, si je ne faisois remarquer ici qu’après trois années de 365 jours on en fait une de 366 qui est appelée bissextile[27], et dont le jour ajouté fait que février, qui n’a que 28 jours dans les autres, en a 29 dans celle-ci et encore qu’après 135 années on retranche un jour, pour quelques minutes qu’il y a de moins sur ce jour ajouté[28].

[26] C’est ce qu’on appelle en Astronomie « le Quart de jour ».

[27] V. une des notes précédentes. — Nous ajouterons ici, pour fixer mieux l’origine de cette division du temps, qu’il paroît avéré aujourd’hui que 2000 ans avant notre ère, les Chinois avoient une année commune de 365 jours, et qu’ils intercaloient un jour tous les quatre ans. V. Claudius Saunier, le Temps, 1858, in-12, p. 60.

[28] Lalande, dans son Astronomie des Dames, édit. de 1824, in-12, p. 83, explique avec plus de détail, et d’après les calculs définitifs, comment on retrouve, pour qu’il n’y ait pas de lacune, les quelques minutes qui manquent au jour supplémentaire des années bissextiles : « il s’en faut, dit-il, de onze minutes que le quart de jour ne soit juste, et au bout de cent ans cette erreur s’accumule de manière qu’on a ajouté presque un jour de trop ; voilà pourquoi en 1700, 1800 et 1900 l’année est commune au lieu d’être bissextile, comme elle devroit l’être de quatre ans en quatre ans. Mais l’an 2000 sera bissextile ; on ne supprime que trois bissextiles en 400 ans, parce que les onze minutes d’erreur n’en exigent pas davantage. Voilà en abrégé, ajoute-t-il, toute la règle des années solaires, suivant la réformation faite en 1582. Les années bissextiles sont celles dont on peut prendre le quart, comme 84, 88, 92, etc., même les années séculaires 1600, 2000, 2400. » — Lalande, après ces explications, rappelle spirituellement la prière du Bourgeois gentilhomme à son Maître de philosophie pour qu’il lui apprenne l’Almanach (acte II, scène 6), et il ajoute : « Molière savoit que ce n’étoit pas toujours une chose facile. »

L’espace de temps dans lequel le Soleil, par son mouvement annuel, parvient d’un solstice à l’autre, sert à diviser l’année en deux semestres, de même que par les deux solstices et les deux équinoxes ensembles, on la divise en quatre trimestres ou quartiers, et chacun de ces trimestres en trois mois, chacun desquels est mesuré par le temps que le Soleil employe dans ce même mouvement pour passer de l’un des signes du Zodiaque dans un autre.

J’ai déjà dit que le Soleil, par le mouvement du premier mobile, fait tout le tour de la Terre en 24 heures ; je dois dire maintenant que cet espace de temps est ce qu’on nomme jour naturel, c’est-à-dire la trois cent soixante et cinquième partie d’une année qui n’est point bissextile, laquelle comprend ensemble le temps des ténèbres qu’on appelle nuit, et celuy de la lumière qui est nommé jour artificiel.

Il vient d’être remarqué que février n’a ordinairement que 28 jours et au plus 29. Quelques autres en ont 30 et la plupart même jusqu’à 31. Cela vient de ce que les mois qui n’étoient autrefois que lunaires, c’est-à-dire réglez sur le mouvement rétrograde de la Lune, n’étoient qu’environ de 29 jours ; et que depuis, pour ajuster les mois au circuit annuel du Soleil, Jules César ajouta dix jours à l’année[29], ce qui fit en même temps l’accroissement et l’inégalité des mois.

[29] C’est ce qu’à cause de lui on appela l’année julienne, dont nous avons déjà parlé plus haut. La réforme dont elle fut le résultat reposoit sur une base erronée, en ce qu’on y considérait comme exacte une longueur de l’année de 10 minutes 8 secondes plus grande qu’elle n’est réellement, ce qui formoit tous les cent trente-quatre ans l’excédant d’un jour presque entier. Dès le XIe siècle, lorsque les astronomes persans eurent déterminé la longueur de l’année avec une précision telle que l’erreur ne fut plus que d’un jour en plusieurs milliers d’années, on se préoccupa d’une nouvelle réforme, mais il fallut plusieurs siècles, comme on le verra, pour qu’elle aboutît.

Cette inégalité et le nombre de 52 semaines qui se trouvent dans le courant de chaque année fait voir qu’elles ne peuvent pas entrer dans une division cathégorique des temps, puisqu’on ne peut pas diviser les mois en un nombre certain de semaines, chaque semaine n’étant que de sept jours ; aussi ne doivent-elles être considérées que comme une ordination ecclésiastique concernant le culte divin[30] ; c’est pourquoi après avoir montré qu’un siècle est composé de cent années, que chaque année comprend deux semestres, chaque semestre deux quartiers, chaque quartier trois mois, chaque mois un peu moins ou un peu plus de 30 jours, et enfin chaque jour 24 heures, y compris les diurnes et les nocturnes ; il reste seulement à dire pour l’exacte division des mesures du temps, que chaque heure est divisée en deux demies, chaque demie en deux quarts, chaque quart en quinze minuttes, chaque minutte en 60 secondes, chaque seconde en 60 tierces, etc.

[30] C’est ce qu’elle est en effet depuis l’adoption, en 325, de la réforme julienne par le Concile de Nicée, qui supposa que l’intercalation de dix jours ordonnée par César faisoit exactement coïncider la longueur de l’année astronomique avec celle de l’année civile, et établit la concordance astronomique du calendrier avec le mouvement du Soleil.

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