Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 2/2
ÉPICERIES
ET AUTRES DENRÉES DOMESTIQUES.
Pour le Bureau des Epiciers et Droguistes, voyez l’article de la matiere Medecinale[1].
[1] T. I, p. 164.
Messieurs Jourdan rue saint Denis au Cheval blanc[2], Lion rue de la Truanderie[3], Chabouillé rue de la Poterie, Mercier rue de la Verrerie, du Bois rue Quinquempoix, etc., tiennent magasin d’Epiceries domestiques, de Sucre, d’Huiles, etc.
[2] Dans l’édit. précéd., p. 31, il est qualifié « epicier grossier », — c’est-à-dire en gros — et nommé seul, comme faisant « gros commerce d’huiles d’olive et des fruits de Provence ». A la suite, se trouve cet autre article omis ici : « M. Petit, Chef au Chevalier du Guet, fait venir beaucoup de caffé, de cacao, etc. » Chef se prenoit à la cour et dans les grandes hôtelleries avec le sens qu’il a encore. On disoit suivant Richelet : chef de gobelet, chef d’échansonnerie, chef de panneterie, etc.
[3] « Lion, rue Jean de l’Épine, à l’enseigne de la Ville de Tours, tient magasin de fruits secs, d’eaux de vie, et de diverses autres sortes de drogueries. » Édit. 1691, p. 31.
M. Barre rue Quinquempoix[4], tient grand magasin de Sucre, rafinage de Roüen[5].
[4] « Joignant la Chambre des assurances. » Édit. 1691, p. 31. Les assurances, dont la Chambre est indiquée ici, étoient les assurances maritimes, constituées en 1681, et pour lesquelles un édit de mai 1686 avoit autorisé une compagnie.
[5] Le sucre du raffinage de Rouen, fait avec le produit de nos îles d’Amérique, étoit de ceux qui ne payoient pas de droits de sortie. On en consommoit à Paris beaucoup de cette provenance, comme on le verra plus loin. — Le sucre entroit pour une très-grande part dans le commerce des épiciers. Les apothicaires, communauté qui leur touchoit de très-près, le leur avoient, nous l’avons vu (t. I, p. 164), fort longtemps disputé, comme une sorte de monopole, dont ils pouvoient seuls disposer. Ils avoient pour eux le proverbe : « On ne prend pas un apothicaire sans sucre », mais cela ne suffisoit pas. Il falloit un privilége. Ce fut à qui l’auroit des deux corporations. Un arrêt de la Cour, du 27 novembre 1652, attribua aux épiciers le droit exclusif des confitures, sirops « restant des dites confitures », dragées, etc. Ce ne fut pas assez. Ces sucreries n’étoient pas le sucre, auquel prétendoit si ardemment l’épicerie. Il y eut un procès, dont Gui Patin a parlé (anc. édit., t. I, p. 38 ; II, 134). Les épiciers l’emportèrent. Nous trouvons, en effet, dans un arrêt du 1er septembre 1689 : « Défense à autres que marchands épiciers de vendre aucun poivre, sucre, clous de giroffle, savon, huile, muscade, etc., à peine de confiscation, et cinq cents francs d’amende. » La querelle, apaisée à Paris, ne le fut pas en province. Un siècle après, par exemple, nous l’avons dit aussi, t. I, p. 164, elle s’étoit réveillée entre les apothicaires et les épiciers de Chartres. — Les épiciers de Paris faisoient un tel commerce de sucre, pour l’exportation, que le naufrage d’un navire venant de Rouen en fit perdre à l’un d’eux pour 8000 livres, à la fin de 1660. (V. Loret, t. III, p. 295.)
Le Sieur Chambellan rue de Baffroy fauxbourg saint Antoine, vend en gros du plus beau Miel blanc, du Miel commun, etc.
La Manufacture de Savon d’Alicanthe[6] est au même Fauxbourg rue de Charonne.
[6] Ce savon blanc jaspé, fait avec de la soude d’Alicante, passa jusqu’à la fin du dernier siècle pour être le meilleur de tous. En 1655, les fruitiers s’étoient mis à en vendre. Les épiciers firent opérer des saisies. Le 25 avril, on en faisoit une chez Henry Hue, qui a été nommé plus haut, et qui demeuroit rue de la Cossonnerie. Il s’agissoit de « huit pains de savon d’Alicante ».
Le Sieur Moüèvre qui demeure rue Bertin Poirée, fait et vend au cent et au millier des Bouchons de liege[7].
[7] On les faisoit venir des Landes, où ils se fabriquoient au couteau. V. Pomet, Histoire des Drogues, chap. liége. Pomet, historien des drogues, étoit lui-même épicier droguiste.
Pour les Droguistes de parfums, voyez l’article des Gantiers parfumeurs.
Pour les Fruits de Provence, de Portugal, de la Chine, etc., voyez aux Offices de Fruiterie.
Pour les Drogueries, voyez l’article des matieres Medecinales.
On tient à la Halle les Mercredis et Samedis un marché franc pour la Chandelle, où elle n’est vendue en gros que six sols la livre.
Il y a une manufacture de tres belle Chandelle rue Neuve saint Mederic, où elle est vendue huit sols la livre.
Il y a une autre manufacture de Chandelle fauxbourg saint Antoine devant la Halle, où la plus belle Chandelle n’est qu’à sept sols la livre[8].
[8] Cette manufacture de chandelles étoit tenue, en 1676, par un nommé Orléans, qui, ayant voulu joindre à la vente de ses produits celle de l’huile d’olive, absolument interdite aux chandeliers, dut subir, le 14 mars, une saisie, dont nous avons vu le procès-verbal imprimé. — Il se trouvoit, au même faubourg, une autre fabrique de chandelles tenue par les frères Brès. (Correspondance du Contrôleurs généraux, no 1177.)
Le marché au Suif[9] se tient tous les Jeudis dans la vieille place aux Veaux[10].
[9] On savoit déjà l’épurer avec une certaine perfection, et l’on obtenoit ainsi des « chandelles de suif, façon de bougies », pour lesquelles un valet de chambre de Monsieur avoit obtenu privilége en 1669. — Plus tard, à la fin de mars 1728, s’ouvrit, rue Saint-Martin, à l’Hôtel des Quatre Provinces, une fabrique de chandelles d’une épuration plus irréprochable encore. V. un fragment des Nouvelles à la main de cette époque dans le Bullet. des Biblioph. 1846, p. 860.
[10] Elle se trouvoit entre la rue Saint-Jacques-la-Boucherie et la rue Planche-Mibray. La famille des Saint-Yon, qui, au XIVe siècle, y tenoit sa boucherie, lui avoit longtemps donné son nom. On l’appela la Vieille Place aux Veaux à partir de 1646, lorsqu’une nouvelle place eut été créée pour ce marché, sur le quai des Ormes.
Le Grenier à Sel est à l’entrée du quay de la Mégisserie et rue saint Germain l’Auxerrois[11].
[11] Il étoit près de la rue de la Saunerie, qui lui devoit son nom.
Pour les Œufs, Beurre, Fromages et Legumes, voyez l’article de ces denrées.
Les Chantiers où se vendent les Bois à bruler, sont à la porte saint Antoine, à la porte saint Bernard, et à la Grenouillere[12].
[12] Le quai d’Orsay, aujourd’hui. Quand furent bâtis les hôtels de la rue de Lille, les propriétaires se plaignirent de ces chantiers, qui leur masquoient la Seine, et qui étoient, pour eux, un continuel danger d’incendie. Ils ne purent rien obtenir. Les mss. légués par Beffara à l’Hôtel de Ville contenoient à ce sujet de curieuses pièces. Ces chantiers ont existé jusqu’à nos jours. Le palais de la Cour des Comptes a remplacé le dernier, qui étoit immense. C’est dans un autre plus rapproché de la rue de Bourgogne, qu’Adrienne Lecouvreur, à qui l’Église refusoit une sépulture en terre sainte, fut clandestinement enterrée en 1730.
On vend aussi du Bois neuf, des Cottrets et des Fagots sur le quay de l’Ecole[13], sur le quay de la Grève, et au Port saint Paul.
[13] Le Pédant joué, de Cyrano de Bergerac (acte II, scène 4), a rendu célèbres, nous l’avons déjà dit, les cotrets du quai de l’École. « Granger. Eh ! qu’allois-tu faire à l’École, baudet ? — Corbinelli. Mon maître s’étant souvenu du commandement que vous lui avez fait d’acheter quelque bagatelle qui fût rare à Venise, et de peu de valeur à Paris, pour en régaler son oncle, s’étoit imaginé qu’une douzaine de cotrets n’étant pas chers, et ne s’en trouvant pas par toute l’Europe de mignons comme en cette ville, il en devoit porter là bas : c’est pourquoi nous passions par l’École pour en acheter. »
Le Charbon se vend sur le Port de la Grève.
On trouve quelquefois sur les Ports et dans les Chantiers du Bois de rebut qui se donne à bon marché.