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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 2/2

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APPENDICE

LISTE
DE MESSIEURS DE L’ACADÉMIE FRANÇOISE[151]
en Ianvier 1676[152].

[151] Ces Listes se publièrent d’abord en une brochure in-4o, comme la première qui va suivre ; puis sous forme de placard in-folio, dont un exemplaire étoit affiché dans la salle du Louvre, où Colbert avoit permis, en 1673, que l’Académie s’installât, lorsqu’après la mort du chancelier Séguier elle eut quitté son hôtel, avec le roi pour nouveau protecteur.

[152] Ce n’est qu’à partir de 1711 que l’Almanach Royal publia les noms et les adresses des Académiciens du moment d’après ces Listes, qui sont devenues très rares. Les deux que nous donnons, à la suite l’une de l’autre, sont les seules que nous connaissions.

Le Roy, Protecteur.

Messieurs

1635. Henry-Louis Habert, sieur de Montmor, doyen des Maistres des Requestes, rue S. Avoye[153].

[153] Il étoit de l’Académie depuis sa fondation, comme l’indique la date de 1635, qui précède ici son nom. Il se tenoit chez lui des conférences, mais de philosophie et de physique. Gassendi fut quelques années son hôte, à l’époque où Chapelle, Molière et Bernier suivoient ses leçons. Son hôtel, autrefois magnifique, « ædes renidentes », comme dit Sorbière, existe encore dans la partie de la rue du Temple qui s’est substituée à la rue Sainte-Avoie. Il mourut le 21 janvier 1679. L’abbé de Lavau fut son successeur à l’Académie. Quelques-unes des premières séances, avant qu’elle eût un établissement fixe, s’étoient tenues chez Montmor. — Son fauteuil, le 40e, est occupé par M. Cuvillier-Fleury, selon le Dictionn. histor. de la France, par M. Lud. Lalanne, que nous prenons pour guide.

Iean Des-Marests, cy-devant Controlleur General de l’Extraordinaire des Guerres, à la Place Royale[154].

[154] Desmarests Saint-Sorlin, factotum poétique de Richelieu, pour lequel il fit Mirame, et qui l’avoit mis, des premiers, de son Académie. Il mourut cette année 1676, le 28 octobre, et eut J. J. de Mesmes pour successeur. On lui devoit l’inscription de la statue de Louis XIII élevée dans la place Royale, où il logeoit. Il avoit auparavant habité l’hôtel Pelvé, qu’il avoit fait rebâtir, car il se mêloit d’architecture, au coin des rues de Thiron et du Roi de Sicile. Il y avoit été, dans les premiers temps, un des hôtes de l’Académie encore sans asile. — Son fauteuil, le 39e, est occupé par M. de Champagny.

1639. François Esprit, advocat en Parlement[155].

[155] Son prénom étoit Jacques, et non François ; Pellisson (Hist. de l’Acad. françoise, édit. Ch. Livet, I, p. 288) le fait non pas avocat, mais conseiller du roi. On a de lui : Paraphrase de quelques psaumes, dont l’édition, imprimée toute en italiques, est rare. Il fut très goûté chez La Rochefoucauld, chez Mme de Sablé et chez le chancelier Séguier, qui contribua beaucoup à le faire recevoir de l’Académie à la place de Philippe Habert (V. Regist. du 14 fév. 1639). Si son adresse n’est pas donnée ici, c’est qu’à la suite du prince de Conti il s’étoit retiré à Béziers, où il mourut le 6 juillet 1678. L’archevêque de Rouen, Colbert, lui succéda. — Son fauteuil, le 3e, est échu à M. Jules Sandeau.

1640. Olivier Patrv, advocat en Parlement[156], proche le Puy-l’Hermite[157], faubourg S. Marcel.

[156] On sait trop la réputation qu’il se fit au barreau de Paris pour que nous devions y insister. Il avoit succédé, comme académicien, à Porchères d’Arbaud. Il mourut le 16 janvier 1681 et fut remplacé par le président Potier de Novion. — Son fauteuil, le 6e, est aujourd’hui celui de M. le duc de Noailles.

[157] Ce puits, qui se trouvoit au carrefour formé par les rues de l’Épée de bois, Gracieuse et Françoise, finit par donner son nom à cette dernière. Patru logeoit encore auprès lorsqu’il mourut. (Jal, Dict. critique, p. 945.) Richelet parle ainsi de sa maison : « Patru se retira dans le plus beau quartier du faubourg Saint-Marcel, en une petite maison assez agréable, qui avoit un jardin, une basse-cour et toutes les commoditez des charmants réduits de la campagne. » Les plus belles Lettres françoises, édit. de 1708, in-12, 1re part., p. 57.

1643. Claude Bazin, sieur de Bezons, conseiller d’Estat[158], près les Capucins du Marais[159].

[158] Il avoit été avocat général au grand Conseil, et s’y étoit fait, « parlant éloquemment et fortement en toutes rencontres », comme dit Chapelain, les seuls titres qu’il eût à être de l’Académie. Il y remplaça Séguier en 1643, et, lorsqu’il mourut, le 20 mars 1684, à 67 ans, il eut Boileau pour successeur. — Son fauteuil, le 7e, est occupé par M. Émile Augier.

[159] Leur couvent, construit en 1622 et supprimé en 1790, se trouvoit à l’angle des rues d’Orléans et du Perche, où l’église, bâtie sur l’emplacement d’un jeu de paume, existe encore sous l’invocation de saint François d’Assise.

1647. Pierre Corneille, cy-devant Advocat General à la Table de Marbre de Normandie, rue de Clery[160].

[160] Nous nous contenterons de dire que P. Corneille ne fut pas de l’Académie tant que vécut Richelieu, qui lui gardoit rancune du Cid. Six places s’étoient successivement trouvées vacantes : il ne lui en laissa prendre aucune, sous prétexte qu’il habitoit Rouen. A ce compte, Esprit, qui habitoit beaucoup plus loin, à Béziers, aurait dû encore en être moins, et il en fut pourtant. En 1647 seulement, sous Mazarin, Corneille fut élu à la place de Maynard. — Nous ne dirons rien sur l’adresse qui lui est donnée ici : rue de Cléry. Nous en avons parlé longuement, à propos de son dernier logis rue d’Argenteuil, dans notre Histoire de la Butte des Moulins, p. 263. — Par le plus ingénieux et le plus sensé des hasards, il se trouve qu’aujourd’hui le fauteuil de P. Corneille, le 9e de l’Académie, est celui de M. Victor Hugo.

1649. François de Mezeray, conseiller du Roy, Historiographe de France[161], rue Mont-Orgueil, vis-à-vis la rüe Beaurepaire[162].

[161] On aurait dû ajouter — mais ce n’étoit pas l’usage — secrétaire perpétuel. Il l’étoit alors depuis un an, à la place de Conrart. Comme académicien, il avoit succédé à Voiture en 1649, et il fut remplacé lui-même, en 1685, par l’avocat Barbier d’Aucourt. — Son fauteuil, le 12e, est occupé par M. Jules Favre.

[162] Son testament, signé le 11 juillet 1683, est daté de cette adresse, mais avec la simple indication : « rue Montorgueil ».

1650. Jean Dovjat, Docteur Regent, et premier Professeur du Roy en Droit Canon, Conseiller et Historiographe de Sa Majesté[163], rue St Iean de Beauvais[164].

[163] Il avoit succédé au continuateur de l’Astrée, Baro, dont, par la date donnée ici pour l’entrée de Doujat à l’Académie, on connoît approximativement l’époque de la mort, restée autrement assez problématique. (Pellisson, Hist. de l’Acad. franç., édit. Livet, t. I, p. 238.) Doujat eut pour successeur l’abbé Renaudot, en 1689. — Son fauteuil, le 15e, vient d’échoir à M. Henri Martin, par suite de la mort de M. Thiers.

[164] Son titre de professeur en droit canon lui permettoit d’y habiter les Écoles de droit, dont la principale entrée étoit dans cette rue. V. plus haut, t. I, p. 33.

1651. François Charpentier[165], rue de la Verrerie[166].

[165] C’est surtout comme traducteur qu’on le reçut, en 1651, de l’Académie ; il travailla aussi à la rédaction des Voyages de Chardin. — Il occupoit le 16e fauteuil, où il avoit remplacé J. Baudoin, et que l’évêque de Senlis, Chamillard, eut après lui, en 1702. C’est aujourd’hui celui de M. le duc de Broglie.

[166] Il avoit d’abord habité près du Louvre une maison, dont il étoit le propriétaire, mais qu’il avoit dû quitter. Le roi se l’étant réservé « pour le grand dessein du Louvre », Charpentier n’avoit pas eu le droit d’y faire les réparations nécessaires, et c’est pour n’y pas être écrasé sous les ruines que force lui avoit été d’en partir avec tous ses locataires.

François Tallemant, conseiller du Roy, et Premier Aumosnier de Madame, abbé de Val-Chrestien, et prieur de S. Irenée, rue Sainte-Anne, proche celle de la Sourdière[167].

[167] Frère cadet de Tallemant des Réaux. Il est fameux par le vers que sa traduction de Plutarque lui valut de la part de Boileau, et auquel un académicien du même nom et de la même famille, l’abbé Paul Tallemant, qu’on trouvera plus loin, riposta par une lettre très digne, très spirituelle, mais trop peu connue. Elle se trouve dans l’édit. du Racine in-8o de 1768, t. VII, p. 254. Il avoit succédé, en 1669, à J. de Montreuil, et il eut pour successeur, en 1693, Simon de Laloubère. — Son fauteuil, le 13e, est aujourd’hui celui de M. le duc d’Audiffret-Pasquier.

1652. Armand de Cambout, duc de Coaslin, Pair de France, Lieutenant General pour le Roy en Basse-Bretagne, Mestre de Camp General de la Cavalerie Legere, rue des Deux-Portes, près de la rue Mont-Orgueil[168].

[168] Petit-fils de Séguier par sa mère, il avoit été, lorsqu’il remplaça L’Estoille, en 1652, académicien de naissance pour ainsi dire. Son fils et son petit-fils, qui, l’un après l’autre, lui succédèrent, le furent de même. Chapelain, lui cherchant des titres, ne trouva qu’une harangue « courte et bonne » qu’il avoit faite, comme président, aux États de Bretagne : « Du reste, ajoute-t-il, il se pique plus de guerre que d’écriture. » — Son fauteuil, le 17e, est occupé par M. Hippolyte Taine.

1653. Paul Pellisson Fontanier, conseiller du Roy en ses Conseils, maistre des Requestes ordinaire de son Hostel[169], maison abbatiale de S. Germain des Prez[170].

[169] On connoît assez Pellisson pour que nous n’ayons pas à parler de lui. Il ajoutoit à son nom celui de Fontanier, qui étoit celui de sa mère, pour se distinguer de son frère aîné Georges. Il avoit en 1653 remplacé Porchères Laugier, et il eut en 1693 Fénelon pour successeur. — Son fauteuil, le 20e, est maintenant celui de M. Dufaure.

[170] C’est comme administrateur de l’économat de l’abbaye qu’il habitoit « cette maison abbatiale », dont on peut voir encore la façade presque intacte au bout de la rue Furstemberg. V. plus haut, t. I, p. 23.

1654. Paul-Philippes de Chavmont, Evesque de Dax[171].

[171] On disoit alors plus communément évêque d’Acqs. Cet évêché de Dax fut supprimé en 1802. Chaumont l’occupa de 1671 à 1684, puis s’en démit. Étoit-ce pour être plus assidu à l’Académie ? Il y avoit, en 1654, remplacé Sérizay, et le président Cousin l’y remplaça en 1697 : « La nécessité de ses fonctions, dit-il de son prédécesseur, le priva pendant quelque temps des avantages de votre société. » Son fauteuil, le 18e, est occupé par M. le comte de Falloux.

1656. Charles Cotin, abbé de Mont-Fronchel, chanoine de Bayeux, rüe Simon-le-Franc[172].

[172] Une des plus fameuses victimes de Boileau et de Molière. L’abbé d’Olivet croyoit qu’il n’avoit été qu’un an chanoine de Bayeux : nommé en 1650, il auroit l’année d’après, « ne voulant pas résider à Bayeux », résigné son canonicat. On voit que c’est une erreur puisque, seize ans après, notre liste le lui attribue encore. Cotin avait, en 1655, succédé à Habert de Cérizy ; en janvier 1682, il eut l’abbé de Dangeau pour successeur. — Son fauteuil, le 21e, est aujourd’hui celui de M. Charles Blanc.

1657. César d’Estrées[173], Cardinal Evesque et Duc de Laon, Pair de France, rüe Barbeth[174].

[173] Il n’eut de titres à l’Académie que comme homme d’État. Il en fut pendant cinquante-six ans : depuis 1658, époque où il succéda à Du Ryer, jusqu’en 1714. Son neveu le maréchal d’Estrées le remplaça. C’est au cardinal d’Estrées que l’Académie française dut ses fauteuils, dont un existe encore chez M. Camille Doucet, secrétaire perpétuel. (V. notre Histoire du Louvre dans Paris à travers les âges.) — Il occupoit le 18e, échu aujourd’hui à M. V. Sardou.

[174] Lisez Barbette. L’hôtel d’Estrées, qui fut depuis l’hôtel de Corberon, puis une succursale de l’école de Saint-Denis, s’y trouvoit à l’extrémité à gauche, du côté de la rue des Trois-Pavillons. On l’a démoli sous le second empire.

1658. Iean-Iacques Renoüard, sieur de Villayer, Conseiller d’Estat ordinaire[175], rüe Chapon.

[175] Il avoit remplacé Servien, et il eut pour successeur Fontenelle, en 1691. Il n’étoit pas conseiller d’état ordinaire, comme il est dit ici, mais par semestre. — Son fauteuil, le 22e, est occupé par M. Caro.

1661. Iacques Cassaigne, Docteur en Theologie, Prieur de S. Estienne, rüe d’Orléans[176].

[176] C’est le prédicateur dont s’est tant moqué Boileau. N’ayant guère que vingt-sept ans, il avoit, au commencement de 1662, succédé à Saint-Amant. Il mourut en 1679, et fut remplacé par M. de Crécy. L’évêque de Luçon, Nic. Colbert, lui avoit délégué sa charge de gardien de la Bibliothèque du roi. — Il occupoit le 24e fauteuil, celui de M. d’Haussonville aujourd’hui.

1662. Antoine Fvretiere, abbé de Chalivoy et Prieur de Chuisnes, rüe de Savoye[177].

[177] Il avoit, en 1662, succédé à Boissat. La fameuse affaire du Dictionnaire, qu’il recommençoit sur un plan nouveau, pendant que l’Académie, privilégiée pour ce travail, le continuoit sans s’être assez tôt défiée de ce que nous appellerions une concurrence déloyale, le fit exclure le 27 janvier 1685. On ne lui donna toutefois un successeur qu’à sa mort, en 1688 ; ce fut La Chapelle. — Son fauteuil, le 25e, est occupé par M. X. Marmier.

Iean Regnaud de Segrais[178], rüe de Vaugirard, vers le Calvaire[179].

[178] Successeur de Boisrobert, en 1662, il fut remplacé en 1701 par Campistron. — Son fauteuil, le 26e, est occupé par M. de Viel-Castel.

[179] Il y logeoit chez Mme de La Fayette, qui l’avoit recueilli lorsqu’il eut quitté le Luxembourg, où il étoit gentilhomme de Mademoiselle, et qui le fit travailler à son roman de Zayde. Le couvent du Calvaire n’existe plus depuis 1790. L’église, après avoir servi de remise, a été absorbée par le palais du Sénat. Le cloître est devenu une serre.

Michel le Clerc, advocat en Parlement, Place Royale[180].

[180] Il n’est plus connu que par l’épigramme que fit Racine contre son Iphigénie, tragédie à laquelle Boyer, qu’on trouvera plus loin, collabora. Le Clerc avoit, en 1662, remplacé Priezac, et il eut pour successeur Toureil, en 1692. — Son fauteuil, le 5e, est aujourd’hui celui du savant chimiste, M. J. B. Dumas.

1663. François de Beauvilliers, duc de Saint-Agnan, Pair de France, Premier Gentilhomme de la Chambre du Roy, Gouverneur du Havre de Grace, chevalier des Ordres de Sa Majesté[181], près de la Grande Escurie[182].

[181] Reçu en 1663 à la place de La Mesnardière, il fut, en 1697, remplacé par l’abbé de Choisy. En qualité de bel esprit de la cour, il protégeoit volontiers ceux de la ville. Molière entre autres s’en étoit bien trouvé. — Son fauteuil étoit le 11e, occupé maintenant par M. Littré.

[182] Il logeoit au pavillon Marsan, près duquel la grande écurie s’étendoit jusqu’aux environs de la rue Saint-Honoré.

1665. Roger de Rabutin, comte de Bussy, Lieutenant General des Armées du Roy[183].

[183] Il avoit en 1665 succédé à Perrot d’Ablancourt, et il eut pour successeur, en 1693, Paul Bignon. Disgracié, comme on sait, pour son Histoire amoureuse des Gaules, il habitoit sa terre de Chaseu en Bourgogne. — Son fauteuil, le 2e, est à présent celui de M. Mignet.

Iacques Testu, abbé de Belval[184], à la Place Royale[185].

[184] Bautru de Serrant l’avoit précédé sur le fauteuil qu’il occupoit, et le marquis de Saint-Aulaire l’y remplaça en 1706. — C’est le 27e, que la mort de M. de Sacy vient de laisser vacant.

[185] La duchesse de Richelieu, qui l’avoit en grande amitié, l’y logeoit dans son hôtel.

1666. Paul Tallemant, Prieur de S. Albin, rüe de Clery[186].

[186] C’est lui dont nous avons cité plus haut, à propos de son parent François Tallemant, une si verte réplique à Boileau. Successeur de Gombaud, en 1666, à vingt-trois ans, il fut remplacé en 1712 par Danchet. — Son fauteuil, le 29e est vacant en ce moment par suite de la mort de M. Saint-René Taillandier.

Claude Boyer[187], rüe de Clery[188].

[187] Autre victime de Boileau et de Racine. Il avoit eu pour prédécesseur Giry, en 1665, et il eut pour successeur l’abbé Genest, en 1698. Il étoit du Languedoc comme Leclerc, avec lequel il collaboroit non-seulement pour des tragédies, mais aussi pour des lettres politiques sur les affaires du temps, qui les firent plus d’une fois inquiéter (Corresp. administ. de Louis XIV, t. II, p. 555). — Le fauteuil de Claude Boyer, le 28e, est occupé par M. D. Nisard.

[188] Paul Tallemant, qui l’avoit défendu, en même temps que son parent, dans la lettre que nous rappelions tout à l’heure, l’avoit en grande estime et le logeoit chez lui, rue de Cléry : « Vous sçavez, dit-il à Boileau, qu’il a toujours demeuré et est mort dans notre maison, maison assez aimée des gens de lettres. »

Iean-Baptiste Colbert, conseiller du Roy en tous ses Conseils, secretaire d’Estat, Grand Tresorier des Ordres du Roy, Controlleur General des Finances, Surintendant et Ordonnateur General des Bastiments du Roy, Arts et Manufactures de France[189], rüe neuve des Petits Champs[190].

[189] C’est le grand ministre qui, par conséquent, n’aura pas beaucoup à nous occuper ici. L’Académie l’avoit reçu, en 1660, à la place de Silhon. Il n’y vint guère, aimant mieux, à l’occasion, faire venir les académiciens chez lui, à Sceaux (Mercure, oct. 1677). Il eut, en 1684, La Fontaine pour successeur. — Son fauteuil, le 30e, est aujourd’hui celui de M. Duvergier de Hauranne.

[190] Son hôtel y est remplacé par deux passages, dont l’un en a pris le nom de « passage Colbert ».

1667. Philippes de Courcillon marquis de Dangeav, Gouverneur de Touraine, et Colonel du Regiment d’Infanterie du Roy[191], rüe S. Honoré[192].

[191] L’auteur du fameux Journal du grand règne. Il était de l’Académie depuis longtemps lorsqu’il le commença. Sa réception, comme successeur de Scudéry, date, comme on le voit ici, de 1667 ; lorsqu’il mourut, en 1720, cédant la place au duc de Richelieu, il étoit doyen. — Son fauteuil, le 14e, est aujourd’hui celui de M. Camille Doucet.

[192] Il y logeoit dans la partie qui dépendoit de Saint-Eustache. C’est en effet à cette église qu’il s’étoit marié le 7 mai 1670. Il eut plus tard son hôtel à la place Royale.

1670. François Seraphin Regnier des Marais[193], Prieur commendataire de Grandmont[194], Académicien de la Crusca[195], à l’Hostel de Crequy[196].

[193] Il étoit académicien depuis six ans, ayant été élu en 1670 pour le fauteuil laissé vacant par Cureau de la Chambre. Il fut nommé en 1684 secrétaire perpétuel, à la place de Mézeray, et mourut en 1713. La Monnoie lui succéda. V. plus bas, p. 301. — Son fauteuil, le 31e, est occupé par M. Ernest Legouvé.

[194] Le roi lui avoit donné ce riche prieuré, lorsqu’il ne demandoit qu’une pension, et c’est ainsi qu’il fut abbé sans l’avoir voulu, mais sans le regretter.

[195] Il avoit, dit-on, plus de talent en italien qu’en françois : « S’il réussit, écrit d’Alembert, à faire passer un de ses sonnets pour être de Pétrarque, il n’eût pas fait passer ses vers françois sous le nom d’un grand poète. » Éloges des Académiciens, t. III, p. 205.

[196] Le duc de Créqui, dont il avoit été le secrétaire pendant son ambassade à Rome, le logeoit chez lui. Son hôtel, auparavant hôtel Mazarin, se trouvoit, quai Malaquais, sur l’emplacement occupé aujourd’hui par une partie de l’école des Beaux-Arts. Il a été démoli en avril 1845.

Pierre Cureau de la Chambre, Docteur en Theologie[197], Curé de S. Barthelemy[198].

[197] Son père, médecin célèbre, avoit été de l’Académie. C’est ce qui lui en ouvrit les portes en 1669, à la mort de Racan. La Bruyère lui succéda en 1693. — Il occupoit le 14e fauteuil, celui de M. Auguste Barbier aujourd’hui.

[198] Il y fut d’un zèle de charité admirable. Pendant le rude hiver de 1693, il vendit tout pour secourir ses paroissiens décimés par le froid et la contagion : « il ne lui restoit plus, dit l’abbé d’Olivet, qu’à donner sa vie. » La contagion la lui prit. Il mourut le 15 avril suivant.

Philippes Qvinavlt, auditeur des Comptes[199], rüe neuve S. Médéric[200].

[199] L’auteur bien connu des opéras que la dévotion lui fit renier à la fin de sa vie. Son mariage avec la riche veuve Mme Bonnet, qui lui apporta cent mille écus, lui avoit permis d’acheter une charge d’auditeur des comptes.

[200] Il étoit né rue Grenelle-St-Honoré où, comme on sait, son père étoit boulanger. Il se maria rue de la Grande-Truanderie, logea quelque temps où nous le voyons ici, rue Neuve-Saint-Merry, et s’établit enfin à l’île Saint-Louis où il mourut en 1688. Fr. de Caillières lui succéda à l’Académie, où il avoit lui-même remplacé Salomon en 1670. — Son fauteuil, qui porte le no 1, est aujourd’hui occupé par M. Ernest Renan.

1671. François de Harlay de Chanvallon, archevesque de Paris, duc et Pair de France, etc.[201].

[201] Fait académicien en 1671, il avoit eu pour prédécesseur Hardouin de Péréfixe, comme lui archevêque de Paris. Son successeur fut le savant Dacier, en 1691. — Il occupoit le 19e fauteuil, celui de M. John Lemoine aujourd’hui.

1672. I. Benigne Bossvet, Evesque de Condom, Precepteur de Monseigneur le Dauphin[202].

[202] Il ne fut de l’Académie, à quarante-cinq ans, que lorsque sa nomination comme précepteur du Dauphin lui permit de quitter Condom, et d’habiter Versailles. Successeur de Hay de Chambon, en 1672, il fut remplacé en 1704 par le cardinal de Polignac. — Son fauteuil, le 33e, est occupé par M. Camille Rousset.

Charles Perravlt, Controlleur General des Bastiments du Roy[203], rüe Neuve des bons Enfans[204].

[203] C’est l’auteur des Contes des fées. La protection de Colbert le fit entrer en 1671 à l’Académie où il avoit eu Fr. de Montigny pour prédécesseur. Le cardinal de Rohan lui succéda en 1704. Il occupoit le 24e fauteuil, celui de M. Mézières en ce moment.

[204] Il y logeoit dans les dépendances du Palais-Royal, qu’il quitta, lorsque Colbert l’eut disgracié, pour aller habiter une maison à lui dans le faubourg Saint-Jacques.

1673. Esprit Flechier, abbé de Severin[205], rüe S. Thomas à l’hostel de Rambouillet[206].

[205] Il eut pour prédécesseur Godeau, qu’il remplaça en 1673 ; et pour successeur H. de Nesmond, en 1710. L’abbaye de Séverin n’étoit pas son seul bénéfice, il eut aussi celle de Baignes, et le prieuré de Peyrat. — Son fauteuil, le 34e, est occupé par M. V. de Laprade.

[206] Il y logeoit chez Montausier, qui se l’étoit attaché comme « homme de lettres ». Il y étoit déjà venu auparavant du temps de Mme de Rambouillet, la célèbre Arthénice ; et c’est comme hôte du Salon bleu, où il étoit connu sous le nom de Damon, qu’il avoit pu si bien dire, en 1671, dans l’oraison funèbre de Julie d’Angennes, duchesse de Montausier : « Souvenez-vous de ces cabinets que l’on regarde encore avec tant de vénération, où l’esprit se purifioit… où se rendoient tant de personnes de qualité et de mérite. »

Iean Racine[207], Trésorier de France à Moulins[208], à l’Hostel des Ursins[209].

[207] Lorsqu’il fut nommé en 1673 à la place de La Mothe Le Vayer, il étoit au plus fort de ses succès de théâtre. Valincourt, qui avoit été de ses meilleurs amis, lui succéda en 1699. — Son fauteuil est le 4e, le même qui est occupé maintenant par M. Octave Feuillet.

[208] On ne sait pas au juste à quelle date Racine eut cette charge, qui fut pour lui la plus absolue des sinécures. On le dispensa même, comme académicien et historiographe du roi, d’en aller prendre possession. (Lettres de Colbert, t. V, p. 524.)

[209] Il y logeoit déjà en 1668, quand furent joués les Plaideurs. V. plus haut, t. I, p, 95, note, et Hist. de l’Académie, édit. Ch. Livet, t. II, p. 333. Quand il se maria, le 1er juin 1677, il y logeoit encore, car il est donné sur l’acte comme habitant la paroisse Saint-Landry, qui étoit celle de l’hôtel des Ursins. Il alla demeurer peu après rue Saint-André-des-Arts, au coin de la rue de l’Éperon.

Iean Gallois, abbé de S. Martin de Cores[210], rüe Vivien[211].

[210] Académicien, comme Perrault, de la façon de Colbert, il fut élu, en 1673, à la place de Bourzeis ; l’abbé Mongin lui succéda en 1708. L’abbaye de Saint-Martin des Cores, dont il étoit pourvu, se trouvoit au diocèse d’Autun. On a vu plus haut, t. I, p. 142, note, qu’il avoit travaillé au Journal des savants. Ajoutons qu’il aida au rétablissement de l’Académie des sciences, dont il fut dès lors le secrétaire. — Son fauteuil à l’Académie françoise étoit le 35e, occupé aujourd’hui par M. Gaston Boissier.

[211] Premier nom de la rue Vivienne, qui le devoit à Louis Vivien, seigneur de la Grange-Batelière, dont la censive s’étendoit jusque-là. L’abbé Gallois y logeoit dans une dépendance de l’hôtel Colbert, pour laquelle la rue qui mit en communication les rues Vivien et de Richelieu fut percée peu après, derrière l’hôtel Mazarin, devenu hôtel de Nevers : « On va faire, lisons-nous sous la date du 13 avril 1682, dans les Lettres hist. et anecd. ms. de la Biblioth. nat., une nouvelle rue auprès de la maison de M. Colbert et derrière l’hôtel de Nevers, qui portera le nom de : La rue Colbert. »

1674. Isaac de Benserade[212], au Palais Royal[213].

[212] Il avoit succédé à Chapelain, en 1674, et eut pour successeur Pavillon, en 1691. Il occupoit le 37e fauteuil, qui est à présent celui de M. Émile Ollivier.

[213] Il y mourut le 20 oct. 1691. Il avoit d’abord habité au quartier des Écoles, dans la rue Fromentelle ; puis, vers 1651, rue des Bons-Enfants, chez Mme de La Roche-Guyon qui l’aimoit fort ; ensuite aux Tuileries, comme le prouvent ses vers : Plaintes du cheval Pégase aux chevaux de la petite écurie qui le veulent desloger de son galetas des Tuileries ; et enfin au Palais-Royal, qu’il ne quittoit, l’été, que pour sa maison d’Arcueil, dont Adam Parelle a dessiné et gravé « le berceau de feuillage ».

Pierre Daniel Hvet, Sous-Precepteur de Monseigneur le Dauphin[214], rüe neuve des Petits Champs[215].

[214] Il avoit remplacé Gomberville en 1674, et le fut lui-même par Boivin en 1721. Nous le retrouverons sur la liste suivante. — Son fauteuil, le 36e, est aujourd’hui celui de Mgr le duc d’Aumale.

[215] Il y logeoit chez un charpentier, vis-à-vis le marché aux chevaux. (V. notre Hist. de la butte des Moulins, p. 104.)

1675. Toussaints Rose, secretaire du Cabinet, à l’Hostel de Fleury, rue des Bourdonnois[216].

[216] C’est lui qui avoit « la plume », et qui devoit imiter, comme tel, l’écriture du roi à s’y méprendre. Ses fonctions consistoient ainsi à faire légalement des faux. Il avoit succédé à Conrart en 1675, et il fut remplacé par Sacy en 1701. — Il occupoit le 38e fauteuil, occupé maintenant par M. A. Dumas fils.

Geraud de Cordemoy, lecteur de Monseigneur le Dauphin, rüe Beaubourg[217].

[217] Il avoit remplacé Ballesdens en 1675, et il le fut en 1685 par Bergeret. V. sur ses ouvrages, t. I, p. 189, 203. — Son fauteuil, le 10e, est occupé par M. Jules Simon.

[Chez Pierre Le Petit, imprimeur ordinaire du Roy et de l’Académie, rue Saint Jacques, à la Croix d’or[218].]

[218] Dans la parodie paraphrasée en vers, que fit Benserade, en 1684, de la Liste de messieurs de l’Académie pour cette année-là, pièce des plus curieuses, citée par d’Olivet, mais publiée seulement de nos jours par le journal l’Intermédiaire, 15 juin 1864, p. 110, on trouve à la fin cette mention sur l’Imprimeur des Quarante :

Le Petit, leur imprimeur,
Triste, est de mauvaise humeur
Contre le Dictionnaire,
Qui, ne s’en émouvant pas,
Suit toujours du même pas,
Et va son train ordinaire.

Le Petit mourut en 1687, Coignard le remplaça. V. plus haut, t. I, p. 189.

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