Le livre du chevalier de La Tour Landry pour l'enseignement de ses filles
De adoulcir l’ire de son seigneur.
Chappitre IIIIXXXIIIe.
Un autre exemple vous diray d’une des femmes au roy David, comment elle apaisoit l’ire de son seigneur. Vous avez bien ouy comment Amon le filz David despucella sa suer, et comment Absalon leur frère vengea celle honte et le fist mettre à mort, dont Absalon s’en fouy hors du pays, car le roy le vouloit faire occire. Mais celle bonne dame lui fist sa paix, car elle monstra tant de bonnes raysons à son seigneur que il lui pardonna. Sy n’estoit-elle pas sa mère, fors femme de son seigneur. Mais elle tenoit en amour son seigneur et ses enffans comme bonne dame. Et ainsi le doit faire toute bonne dame ; car plus grant semblant d’amour ne puet-elle monstrer à son seigneur que amer ses enffans d’autre femme, et y conquiert honneur au double, et plus les doit soustenir que les siens ; car au derrenier il n’en vient fors que tout bien et honneur, si comme il advint à celle bonne dame que, quant le roy fut mort, l’en lui vouloit tollir son droit, mais Absalon ne le voulst souffrir et dist devant touz que, combien que elle ne feust sa mère, que elle lui avoit porté honneur et priveté et amour, et par maintesfois desblasmé vers mon seigneur mon père ; car elle ne perdra jà riens de son droit. Et pour ce a cy bon exemple comment toute bonne femme doit amer et honnourer tout ce qui est de son seigneur, comme ses enffans d’autre femme et aussy ses prouchains et ses parens. Car voulentiers nul bien n’est fait que communement ne soit mery, si comme il advint à ceste bonne dame, comme ouy avez.