← Retour

Le livre du chevalier de La Tour Landry pour l'enseignement de ses filles

16px
100%

Que nulle femme ne doit point croire trop legierement ce qu’on lui dit.

Chappitre VIXXIIIe.

Et pour ce est noble chose à toute femme de bien et d’onneur y prendre garde et soy garder, et non mie croire trop de legier ce que l’en leur dist, et se prendre de garde de ceulx qui usent de telles faulcetez et qui font de petiz signes et des faulx semblans, comme de faulx regars lons et pensis, et de petis souspirs, et de merveilleuses contenances affectées, et ont plus de paroles à main que autres gens. Sy est bon de soy garder de telles manières de gens qui veulent user de avoir tel siècle ; car la bonne femme qui bien se scet garder de telx gens doit estre moult louée et honnourée. Car c’est grant honneur et grant victoire avoit fait de eschiver le mal langaige du monde, et qui se puet tenir nettement et hors de leurs folles parleures, sans ce que celles folles langues puissent dire ne racompter que ilz l’aient trouvée en nulle foiblesse ne molesté de cuer, ne qui se puissent bourder ne gangler de elles, et cestes bonnes femmes qui ainsi se tiennent fermes, et qui ainsi se rusent de leurs faulces malices, doivent estre bien louées entre les bonnes, tout ainsi comme l’en loue les bons chevaliers et les bons escuiers qui passent par vaillance et par honneur ; par la paine que ilz y ont trait tous autres pour le grant labour que ilz y ont souffert pour venir à honneur, sont ilz plus prisiez et honnourez que gens du monde. Tout aussy et par meilleur raison doit estre la bonne dame qui bien a rescoux son honneur contre telles manières de gens qui ainsi usent. Et si vous dy bien que mon entente n’est point par cest livre à blasmer bonne amour et ceulx qui usent de loyaulté ; car moult de grans biens et honneurs en sont advenus. Mais la bonne dame de Villon, qui tant fut belle et preude femme, dont par sa bonté et sa beaulté moult de bons chevaliers furent amoureux de elle, et elle, qui moult fut saige et de grant gouvernement, leur disoit que toute saige femme qui bien vouloit nettement garder son honneur doit avant essaier son amy, c’est celui qui la prye ou qui lui fait semblant d’amour. Et quant elle l’aura esprouvé vij. ans, adonc elle sera certaine se il l’ayme de cuer ou de bouche. Et lors le pourra accoler pour singne d’amour, sans plus. Mais de ceste bonne dame je me tais, car elle avoit le cuer trop dur. Il est bien mestier que celles de aujourd’uy aient le cuer plus piteulx, et, se Dieux plaist, sy auront elles, car trop long temps a en vij. ans. Le plus d’elles n’attendront pas que elles n’en ayent plus brief mercy, se Dieu plaist. Mes belles filles, je vous laisseray un peu de cest fait et de cestes Galoises, et vous compteray un debat qui est entre vostre mère et moy, sur le fait qu’elle debat que nulle femme ne doit amer par amours, fors en certains cas, et je soustiens le contraire, et pour ce est le debat d’entre elle et de moy, sur lequel je vueil racompter.

Chargement de la publicité...